L’importance de l’histoire dans la formation des jeunes
par Lucie Piché, Département de sciences humaines, Cégep de Sainte-Foy
Responsable du dossier de l’enseignement de l’histoire au
Conseil d’administration de l’Institut d’histoire de l’Amérique française
À l’aube des fêtes commémorant le 400e anniversaire de la ville de Québec, il convient de rappeler que cette année
Portrait de Joseph Francois
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de célébrations à venir constitue un puissant levier pour sensibiliser les jeunes à l’importance de connaître les origines et l’évolution de la présence européenne en sol nord-américain. Au-delà d’une date toute symbolique et du rôle mémoriel de la commémoration, ces festivités peuvent permettre de replacer ces événements dans une perspective de longue durée et ainsi de mettre en relief ce long processus d’adaptation et de métissage qui marque l’évolution de la société québécoise depuis 400 ans. Sans vouloir réduire l’histoire à une fonction strictement utilitaire, il va sans dire qu’une telle perspective ne peut qu’alimenter la réflexion et permettre de mieux décrypter la société actuelle dont le processus de métissage se poursuit toujours.
L’apprentissage de l’histoire contribue en effet à la formation d’individus susceptibles de mieux comprendre les débats et enjeux de leur société à la lumière du passé. Comme le souligne le document Histoire et éducation à la citoyenneté, le nouveau programme d’histoire destiné aux élèves du deuxième cycle du secondaire permet « aux élèves d’établir les balises historiques de leur citoyenneté. Il leur donne ainsi la possibilité de comprendre des enjeux du présent qui prennent véritablement leur sens quand ils sont envisagés dans une perspective historique »1. Les débats sur la question linguistique, par exemple, gagnent à être mis en perspective, puisque c’est en retraçant les origines et l’évolution de la présence française en Amérique que l’élève pourra mieux comprendre le sens et la portée de la question linguistique actuelle.
Ce type d’apprentissage sera d’autant plus efficient si l’élève a été amené à historiciser les événements, c’est-à-dire à les replacer dans une perspective de longue durée et à confronter les interprétations, favorisant ainsi le développement d’une posture rationnelle et d’un esprit critique2. Une telle démarche forge les bases d’une formation citoyenne conduisant à l’exercice d’une « participation civique éclairée » tout en permettant de « considérer l’histoire pour ce qu’elle est et non pour ce qu’on voudrait qu’elle soit », souligne Robert Martineau dans un article consacré aux enjeux politiques du Rapport Lacoursière sur l’enseignement de l’histoire3. L’enseignement de l’histoire offre en effet aux individus la possibilité « d’accéder aux outils intellectuels de la discipline historique et de son mode de pensée afin de les aider à mettre en perspective temporelle la réalité sociale dont les mémoires, les identités collectives et l’identité sociale sont des constituants majeurs, mais aussi à faire la critique des représentations du passé qu’on leur propose, surtout lorsque les ressorts de la dramatisation y sont fortement déployés »4.
C’est pourquoi l’apprentissage de l’histoire doit se faire par le biais d’une approche inclusive ouverte à la diversité des points de vue et des expériences : une histoire qui ne cantonne pas les autochtones à la période de contact uniquement et qui fait état de l’hétérogénéité des vagues migratoires qui ont façonné le Québec; une histoire qui cherche à la fois à mettre en relief les éléments qui singularisent notre société et ceux qui permettent d’inscrire son développement dans des dynamiques plus larges comme nous l’avons souligné dans l’avis que l’Institut d’histoire de l’Amérique française a émis sur le projet de réforme de l’enseignement de l’histoire au deuxième cycle du secondaire5. Une approche inclusive permettant de concilier le rôle mémoriel de l’histoire auquel les fêtes du 400e nous convient et l’enseignement d’une démarche objective.