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Un carrefour dans le temps et l’espace. Québec, Champlain, le monde

Un carrefour dans le temps et l’espace.
Québec, Champlain, le monde

 

par Michel De Waele et Martin Pâquet

Le 18 avril 1608, Samuel de Champlain quitte la France en ayant pour mission la création d’une colonie française durable en Amérique du Nord. Le 3 juillet suivant, il jette son dévolu sur un site qui allait devenir Québec. L’impossibilité de remonter le fleuve avec des bateaux à voile et la configuration du site qui en fait un endroit idéal pour s’y retrancher expliquent ce choix. Autour de l’Abitation, une colonie commence à prendre forme et à se développer. Depuis quatre cents ans, les francophones d’Amérique rayonnent ainsi depuis Québec face à leur terre d’accueil, à leur patrie d’origine, à la planète. L’histoire de cette ville, depuis sa création, s’inscrit dans un faisceau d’influences multiples dont la compréhension oblige à prendre en compte une dynamique planétaire ancienne à court, moyen et long terme. Québec a été fondée dans un contexte de planétarisation des échanges, s’est développée en conjonction avec d’autres phénomènes similaires ailleurs dans le monde. Telles sont les idées que Québec, Champlain, le monde, le recueil d’études proposé par le Département d’histoire de l’Université Laval, veut explorer.

Les commémorations entourant le quatre-centième anniversaire de la fondation de Québec ne doivent pas faire oublier que la France et l’Europe entretenaient depuis des siècles des relations avec un monde plus vaste. Les marins pêcheurs bretons ou basques n’ont pas attendu un ordre royal avant de venir exploiter les ressources du golfe du Saint-Laurent. Après les voyages de Jacques Cartier en Amérique du Nord, les Français ont essayé de s’implanter au Brésil et en Floride, deux territoires où se manifestait déjà une présence espagnole. La couronne d’Espagne, en suivant l’exemple venu du Portugal, avait en effet entrepris d’exploiter les richesses d’Amérique latine depuis les années 1520. Les navigateurs portugais, pour leur part, avaient contourné l’Afrique pour se retrouver aux Indes. Ces efforts s’inscrivaient dans une vaste dynamique commerciale qui, depuis l’Antiquité, unissait le continent européen avec différentes parties du monde. Et avant cela, les civilisations qui avaient vu le jour en Mésopotamie, en Égypte et dans la vallée de l’Indus avaient établi des relations économiques entre elles. La mondialisation, à ce titre, est aussi ancienne que le premier échange commercial ou culturel entre ces civilisations. Grâce aux grandes explorations européennes des xve et xvie siècles, elle se fera dorénavant à l’échelle de la planète. De là vient l’importance de présenter un état du monde à l’époque de Champlain avant de voir comment les francophones établis à Québec ont accueilli des populations originaires des quatre coins de la Terre et ont interagi avec différentes parties du globe.

carrefour quebec champlain

Tel est le défi relevé par les 18 auteurs de Québec, Champlain, le monde. La nature multidisciplinaire du Département d’histoire de l’Université Laval qui regroupe des spécialistes en histoire, histoire de l’art, archéologie, ethnologie, archivistique et muséologie en fait d’ailleurs un endroit particulièrement propice pour étudier l’ensemble de ces phénomènes. Aussi, réunis sous la direction éditoriale des professeurs Michel De Waele et Martin Pâquet, les auteurs mettent à profit la diversité des ressources scientifiques pour étudier la fondation de Québec en 1608 à la manière d’une double interface : la première, plus synchronique, explorant le monde à l’époque de Champlain ; la seconde, plus diachronique cette fois, cernant dans la durée les rapports entre Québec et le monde. Ce faisant, le recueil s’inscrit dans les thématiques innovantes de la World History, thématiques qui fertilisent la recherche historienne grâce aux nouveaux terrains d’enquête, aux jeux de focale de la part des chercheurs et à l’usage fécond de la multidisciplinarité.

La première partie de ce livre présente ainsi la situation des Amériques, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe à l’époque de Champlain. Les auteurs n’ont pas la prétention de dresser un portrait global de la situation de ces différentes aires géographiques. Leurs contributions visent à montrer que les voyages entrepris par les explorateurs européens les mettent en contact avec des civilisations aussi anciennes, et parfois plus puissantes que la leur. Sans nier le fait que, dans certaines régions, et au premier titre en Amérique, l’implantation européenne ait contribué à la disparition de peuples et de civilisations d’une grande richesse, ils veulent montrer l’importance de l’échange, du métissage pour reprendre l’idée de Serge Gruzinski, dans les relations qui s’établissent à la grandeur de la planète.

Cette notion d’échange est fondamentale dans le développement de Québec ; elle est traitée dans la seconde partie du livre sous les angles d’échanges entre les hommes, de richesses, de pratiques culturelles, de savoirs. Ces échanges se manifestent d’abord dans la grande remue des êtres humains qui traversent l’Atlantique et essaiment partout en Amérique du Nord depuis le xviie siècle jusqu’à nos jours. Ils se traduisent ensuite dans les différentes pratiques culturelles, de la culture matérielle et archéologique à l’ethnographie vestimentaire et l’art pictural, en passant par les processus interculturels de l’intégration des immigrantes et de la vie religieuse. Ils expriment également des rapports de forces innervant la société québécoise, qu’ils renvoient aux jeux de pouvoir ou aux transactions économiques. In fine, ces échanges et ces métissages témoignent de l’importance du lieu dit Québec, autrefois phare du Canada français, maintenant balise du Québec et des francophonies à travers le monde de Québec. Le lecteur est donc convié, à travers sa fréquentation de Québec, Champlain, le monde, à explorer les multiples arcanes de Québec comme carrefour à travers les temps et les espaces. Ainsi, il constatera une fois de plus la pertinence de l’aphorisme de l’écrivain portugais Miguel Torga, pour qui « l’universel, c’est le local moins les murs ».

Michel De Waele et Martin Pâquet (dir.). Québec, Champlain, le monde. Québec, Presses de l’Université Laval, 2008. 286 p.

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