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Québec 1759 : la victoire de la marine britannique

Québec 1759 : la victoire de la marine britannique

par Fabrice Mosseray
Agent de communication
Division des communications et des services de bibliothèque
Statistique Canada

 

La bataille des plaines d’Abraham, négligeable en comparaison avec les grandes batailles qui ont fait rage en Europe au cours de la guerre de Sept Ans (1756-1763), continue pourtant de soulever les passions et d’engendrer nombre d’interprétations. Cette bataille, qui n’a duré qu’une vingtaine de minutes, a marqué l’imagination par le fait que les deux commandants sont morts des suites de leurs blessures et qu’elle précède les capitulations de Québec et de la Nouvelle-France. Au moyen de raccourcis, certains considèrent que seule cette victoire britannique a donné naissance au Canada alors que d’autres, en revanche, sont prêts à croire qu’une victoire française à Québec aurait suffi à sauver la Nouvelle-France.

 

En septembre 1759, les Britanniques, tenus en échec depuis juin par les Français et les Canadiens, commencent à croire qu’il leur faudra reprendre le siège de Québec l’an prochain. Le major-général Wolfe fait piètre figure et son leadership ne vaut guère mieux : le bombardement de Québec et les atrocités envers la population civile n’ont donné aucun résultat. À bord des navires de transport ancrés en sécurité au sud de l’île d’Orléans, les troupes souffrent de la dysenterie en raison des conditions de vie qui règnent à bord. Le vice-amiral Saunders est inquiet puisque ses navires devront quitter le Saint-Laurent au plus tard à la mi-octobre en raison de la mauvaise saison. De leur côté, Français et Canadiens sont à bout de force. Leurs ressources s’épuisant, ils sont conscients que même s’ils parviennent à refouler les Anglais, ils ne seront pas en mesure de repousser une prochaine invasion. À l’instar de la France, la colonie espère qu’une victoire décisive en Europe renversera le sort des armes. Elle ignore toutefois que l’armée française a été battue en août dernier à Minden, en Allemagne.

 

La toute puissante Royal Navy

 

La puissante Royal Navy a balayé la marine française des océans et assure ainsi la suprématie navale à la Grande-Bretagne. Pierre angulaire de la victoire anglaise au Canada, elle maintient un blocus efficace, fournit une force d’appui feu et assure le ravitaillement des troupes. Le siège de Québec permet à la Royal Navy d’écrire une page dans l’histoire navale. Flanqué d’excellents seconds tels que les contre-amiraux Holmes et Durrell, le vice-amiral Saunders ne perd pas un seul navire en dépit des bancs de sable, des hauts-fonds, des forts courants et des vents. Le fond du fleuve n’a plus de secret pour l’assiégeant : armés d’un plomb de sonde et installés à l’avant de leur navire, les matelots se sont échinés des jours entiers à aider leurs officiers à garder leurs cartes à jour. Ravitailler et armer plus de 39 000 marins et soldats répartis sur 150 navires n’est pas non plus une mince affaire. La Royal Navy se distingue en matière d’opérations amphibies. Les opérations de débarquement exigeant une étroite collaboration entre la Marine et l’Armée, le transbordement de soldats, de pièces d’artillerie et d’équipement s’effectue néanmoins sous le signe de l’efficacité et de la compétence. La marine anglaise dispose de près de 130 chaloupes à fond plat, longues de 30 à 36 pieds, mues à la rame par une vingtaine de matelots et capables d’emporter de 50 à 70 soldats ou une pièce d’artillerie. Les débarquements effectués à l’île d’Orléans, à Lévis, à Montmorency et en amont de Québec permettent à la Royal Navy de peaufiner ses méthodes, lesquelles lui seront fort utiles le siècle suivant lors des guerres contre la France révolutionnaire et napoléonienne. En attendant, Wolfe semble incapable d’utiliser à bon escient la mobilité de la flotte de Saunders pour déployer ses troupes.

 

L’anse aux foulons

 

L'anse aux foulons

L’Anse au Foulon
Crédit : Statistique Canada

Le malheureux Wolfe voit finalement l’un de ses plans accepté par ses généraux : il s’agit de débarquer des troupes en amont de Québec, ce qui permettra de couper les lignes de ravitaillement entre la capitale de la Nouvelle-France et Montréal. Si ses généraux sont d’avis de débarquer bien en amont de Québec, à Pointe-aux-Trembles, Wolfe choisit néanmoins l’anse aux Foulons, à trois kilomètres à l’ouest de la capitale. Cette entreprise est risquée parce que les troupes seront menacées par les régiments adverses cantonnés à Cap-Rouge, à Québec et à Beauport et ce, sans compter tous ceux de Montréal qui pourraient être dépêchés en renfort. Les Français et les Canadiens seraient en mesure d’attaquer de tous les côtés les Britanniques adossés à la falaise. Wolfe s’en tient à son plan et les matelots y acheminent ainsi ses 4 800 soldats durant la nuit du 12 septembre. Une quinzaine de navires de guerre et de transport ainsi qu’une trentaine de barges participent à l’opération. La Royal Navy mène également une opération de diversion devant Beauport. Des officiers de valeur qui laisseront leur nom dans l’histoire, tels John Jervis, futur amiral, et le colonel Guy Carleton, futur gouverneur général du Canada, contribuent au succès de ce débarquement. Les soldats de Wolfe escaladent la falaise et se déploient sur les plaines d’Abraham après avoir berné et maîtrisé les sentinelles. Une batterie ouvre néanmoins le feu sur les navires anglais, mais tombe rapidement aux mains de l’envahisseur.

 

13 septembre : Wolfe ne prend pas Québec

Apprenant que Wolfe marche sur Québec, le lieutenant-général Montcalm hésite entre garder ses forces dans Québec et affronter l’ennemi. Le temps joue en sa faveur – les navires anglais doivent bientôt se retirer – et il dispose d’assez de miliciens et d’Amérindiens pour harceler les Britanniques sans les attaquer de front. Il craint cependant pour ses lignes de ravitaillement – Québec est au bord de la famine – et il redoute que l’ennemi ne se retranche. Ayant quitté Beauport d’où il a observé les mouvements des navires anglais, Montcalm décide d’attaquer avec les troupes qu’il a sous la main. Si Wolfe a mal choisi le lieu de débarquement, Montcalm commet l’erreur de ne pas attendre les renforts qui lui permettraient d’attaquer à deux contre un les Britanniques. En ce matin du 13 septembre, disposant d’un même nombre de combattants que Wolfe, Montcalm lance en ordre de bataille ses régiments constitués de troupes régulières et de miliciens et ce, même si ces derniers ne sont pas familiers avec le concept de batailles rangées. Des miliciens et des Amérindiens réussissent tout de même à prendre position sur les flancs, dans les bois, afin d’y harceler les Britanniques. L’attaque frontale menée par l’armée franco-canadienne est mal coordonnée et le tir manque de précision. Wolfe a ordonné à ses soldats de mettre deux balles dans le canon de leur fusil et de laisser s’approcher l’ennemi. Le tir anglais, appuyé par deux canons, est dévastateur. À la vue des miliciens couchés – en fait en train de recharger leur fusil – et privés d’un bon nombre d’officiers tués ou blessés, les soldats français refluent. Leur retraite est couverte par les Canadiens et les Amérindiens qui harcèlent les Britanniques depuis les bois. Au cours de cet engagement qui n’a duré qu’une vingtaine de minutes, Wolfe a été blessé à deux reprises puis une troisième fois mortellement. En tentant de rallier ses troupes en déroute, Montcalm est mortellement atteint à son tour. Si le général français n’a pas saisi l’occasion de balayer les Britanniques des Plaines, ces derniers ratent celle d’écraser les Français lors de leur déroute vers Beauport. Les Français laissent dans la bataille 600 morts et blessés dont une quarantaine d’officiers. En plus de 58 morts, les Britanniques déplorent 658 blessés dont le brigadier-général Monckton et le colonel Guy Carleton. Maintenant commandés par le brigadier-général Townshend, les Britanniques sont maîtres des Plaines, certes, mais pas de Québec! Ils redoutent maintenant une prochaine attaque et ce, sur un terrain qui ne joue pas en leur faveur.

 

La déroute française

La victoire de Wolfe est remportée non par l’intelligence de son plan mais plutôt par la chance puisque les Français choisissent de se retirer et de ne pas contre-attaquer. Si la bataille des Plaines amplifie le désespoir de la population de Québec, elle réduit presque à néant le moral des troupes. Cette défaite ne justifie pourtant pas une telle débâcle puisque l’armée franco-canadienne est encore assez nombreuse pour attaquer. Alors que Montcalm meurt au petit matin du 14 septembre, le gouverneur de la colonie, Vaudreuil, tente à Beauport de donner un semblant d’ordre à son armée en déroute. Ses officiers démoralisés, il décide de se retirer vers Montréal d’où justement arrive le chevalier de Lévis avec du ravitaillement. Ce dernier reçoit le commandement des forces militaires de la colonie et entend reprendre le combat le plus rapidement possible! C’est sans compter l’ordre de capitulation donné par de Ramezay, le gouverneur de Québec. Mal disposé pour entreprendre un siège et s’attendant à être attaqué par un ennemi supérieur en nombre, le brigadier-général Townshend reçoit à sa grande surprise un message de capitulation. Québec ouvre ses portes le 18 septembre, soit cinq jours après la bataille des Plaines. Au lendemain de ce siège de 87 jours, la flotte de l’amiral Saunders descend alors, en octobre, le Saint-Laurent et ce, en toute fierté. Certaines de ses frégates rallient l’Angleterre et les colonies américaines pour annoncer la prise de Québec, le cœur de la Nouvelle-France, une nouvelle qui sera accueillie avec soulagement par le gouvernement britannique. De l’Inde au Saint-Laurent en passant par les Caraïbes, la Royal Navy domine incontestablement les mers. Alors qu’une garnison britannique s’installe dans la ville de Québec en ruines, Lévis prépare depuis Montréal une contre-attaque prévue pour l’été prochain. Disposant encore de 7 000 hommes et d’une petite flotte corsaire, il est d’avis que la partie n’est pas encore finie! Il ignore toutefois que ce qui reste de la Marine française a été taillé en pièces. En effet, en novembre, la marine royale subit l’une des pires défaites au large de la Bretagne, lors de la bataille des Cardinaux. La Nouvelle-France est perdue.

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