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Signé Papineau. La correspondance d’un exilé par Yvan Lamonde

Signé Papineau. La correspondance d’un exilé
par Yvan Lamonde

Signé Papineau. La correspondance d’un exilé

 

par Gilles Durand
gilles_du@hotmail.com

 

Yvan Lamonde

Yvan Lamonde
Crédit L’Académie des lettres du Québec

Le couronnement d’une carrière d’études et de recherches

L’auteur, Yvan Lamonde, nous livre un travail qui constitue le couronnement d’un travail d’études et de recherches dans la correspondance et les écrits de Louis-Joseph Papineau, et qui lui fait honneur

 

L’ouvrage est constitué de huit textes déjà parus, mais dont la nouvelle publication dans un corpus unique se justifie amplement. Quatre constituent des introductions qui s’insèrent dans cette entreprise colossale de mettre en valeur des matériaux de l’histoire, menée principalement par Georges Aubin et Renée Blanchet : la publication des écrits de Louis-Joseph Papineau et d’autres membres de la famille Papineau – à l’heure actuelle seize volumes dont sept pour les écrits de Louis-Joseph. Trois autres textes sont des études de l’auteur parues dans la Revue d’histoire de l’Amérique française ou des ouvrages préparés en collaboration. Le dernier texte est un écrit de la main même de Papineau au crépuscule de sa vie, « Mémoires partiels », mais il faut donner à l’auteur le double mérite de l’avoir sélectionné pour son intérêt et d’en faire partager toute la richesse par des interventions entre crochets dans le texte.

 

Les grands traits de la pensée de Louis-Joseph Papineau

L’intérêt de l’ouvrage réside dans le fait qu’il prépare à la lecture des sources publiées mentionnées ci-dessus et à leur compréhension. Il nous dévoile les grands traits de la pensée de celui qui a toujours fasciné les Québécois.

 

L’héritage reçu de la France

Louis-Joseph Papineau fait montre d’une attitude réservée face à l’ancienne mère patrie, le processus de canadianisation étant bien enclenché à son époque. Par contre, il demeure attaché à l’héritage qui en provient, le système seigneurial, la langue et la foi catholique – pour cette dernière il affiche publiquement son attachement –, sur lesquels la nationalité canadienne-française trouve son fondement.

 

Une grande confédération continentale

Inspiré par sa croyance fondamentale dans l’assemblée des représentants du peuple comme source du pouvoir, Louis-Joseph reconnaît comme incontournable le droit du peuple à se gouverner lui-même. Il croit que l’Amérique doit se détacher de l’Europe, à plus forte raison, le Bas-Canada de sa nouvelle mère patrie la Grande-Bretagne. D’abord admirateur des libertés anglaises, il évolue, à compter du milieu des années 1830, vers un républicanisme de type étatsunien. Il envisage la formation d’une grande confédération continentale, composée au premier chef des États américains dont l’indépendance consacre la souveraineté de chacun, du Bas-Canada, du Haut-Canada – ces deux derniers étant redécoupés en cinq États pour tenir compte que la distance crée des valeurs et des manières de les vivre différentes –, etc. Pour lui, la constitution américaine avec Chambre des représentants et Sénat élus demeure le meilleur modèle. Louis-Joseph est conscient de l’assimilation éventuelle de ses compatriotes dans une telle structure, mais l’attachement à leurs origines françaises pourra y faire obstacle pour un certain temps, ou, à tout le moins, évitera leur engloutissement. Une telle situation est préférable à un statut à l’intérieur de l’Empire britannique, car le risque est grand pour les États membres d’être entraînés dans les alliances et les aventures du gouvernement anglais.

 

Les implications de la souveraineté populaire

Louis-Joseph entrevoit que c’est à l’intérieur d’une grande confédération colombienne, composée de toutes les races d’hommes, que les Canadiens français auront la plus grande marge de manœuvre. Il rejette l’Acte d’union de 1840 qui accorde autant de députés au Haut-Canada anglophone qu’au Bas-Canada francophone, bien qu’à l’époque celui-ci soit plus populeux que celui-là. Compte tenu de la progression de la population anglophone, il demeure très critique face à l’introduction du gouvernement responsable en 1848 – un pouvoir exécutif responsable devant une Chambre d’assemblée dominée par l’élément anglophone – et, plus tard en 1867, face à la mise en force de la Confédération canadienne.

 

Toute la vérité sur certaines questions d’un intérêt particulier

L’auteur, Yvan Lamonde, aborde aussi certaines questions d’un intérêt particulier. D’abord, la prétendue fuite de Louis-Joseph Papineau aux États-Unis en novembre 1837. Les preuves écrites font défaut pour avoir la certitude qu’il n’a pas fui, par contre il faut reconnaître les démarches faites aux États-Unis par celui-ci – les États-Unis déclarant officiellement leur neutralité – pour obtenir des ressources pour la cause des Patriotes du côté canadien de la frontière. De même, c’est sur la recommandation des Patriotes que Louis-Joseph s’exile en France de 1839 à 1845 pour obtenir de l’aide – le voyage ne donne pas de résultat, la France étant, entre autres, engagée dans une alliance avec la Grande-Bretagne. À son retour, il retourne en politique, mais de plus en plus marginalisé, il finit par se retirer complètement dans sa seigneurie de Montebello qu’il met en valeur. Il considère son statut de seigneur compatible avec sa conception de l’aristocratie qui doit s’appuyer sur le talent et l’éducation plutôt que sur la naissance. Toujours selon lui, la seigneurie a toujours été le meilleur outil pour promouvoir l’accès à la propriété foncière aux moins aisés.

 

N.B. Les éditions du Septentrion viennent de lancer une nouvelle édition revue et augmentée du journal d’un des fils de Louis-Joseph, Amédée, intitulé Journal d’un Fils de la Liberté. http://www.septentrion.qc.ca/ Le lecteur intéressé en trouvera un compte rendu préparé par un collaborateur du Devoir, Michel Lapierre (Cahier F : Livres, 20 et 21 mars 2010) Les idées d’Amédée reflètent beaucoup celles de son père, Louis-Joseph.

 

Crédit : Les Presses de l’Université de Montréal, 2009

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