Les Chemins de la mémoire de Bourgogne et de Franche Comté
Villes et villages de France, berceau de l’Amérique française
Par Claude Marcadier
Agrégé d’Histoire
Le livre Villes et villages de France, berceau de l’Amérique française consacré à la Bourgogne-Franche-Comté, volume 4, possède parmi d’autres, une caractéristique remarquable, les chemins de la mémoire qu’il nous fait emprunter, nous emmènent très loin des sentiers battus.
Bien sûr nous côtoyons, en feuilletant les pages de cet ouvrage, les splendeurs architecturales mondialement connues. On peut citer en vrac les églises et les abbayes romanes de Tournus, Fontenay, Paray le monial, les hospices de Beaune, la citadelle de Besançon, les salines royales d’Arc et Senans et bien d’autres. Mais nous découvrons aussi les paysages du canal de Bourgogne et du canal du Centre qui raviront les amateurs de batellerie fluviale. Rares sont ceux qui connaissent les charmes du village de Moustiers-Saint Jean avec le jardin cœur de roy en Bourgogne et ceux de Pesmes en Franche Comté avec son patrimoine architectural et son écomusée des Forges.
L’originalité des chemins de la mémoire bourguignon et comtois apparaît à la lecture de l’index des personnages cités. Certes ces deux provinces, comme toutes les autres, voient partir des administrateurs, des pionniers, des missionnaires, des soldats, mais deux contingents spécifiques caractérisent l’apport migratoire de ces deux provinces.
Le premier cas est lié à la création des Forges du Saint Maurice en Nouvelle France qui a exigé la venue d’une main d’œuvre spécialisée dans les métiers du travail de la métallurgie. La Bourgogne et la Franche-Comté possèdent au XVIIIe siècle de nombreuses forges, un chemin de mémoire nous invite d’ailleurs à les découvrir et plus spécifiquement à visiter la forge de Buffon à Montbard. De très nombreux forgerons bourguignons et comtois partiront pour travailler aux forges de la Saint Maurice, beaucoup s’installeront et feront souche dans la région de Trois-Rivières.
Il convient de citer une autre immigration particulière et importante de cette région, plus d’une centaine de noms, les faux sauniers condamnés à l’expulsion vers la Nouvelle France. Cette condamnation souligne l’importance de l’exploitation du sel dont témoignent les salines royales d’Arc et Senans et de Salins les Bains, inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO ; mais elle souligne aussi la répression féroce liée à l’impôt le plus détesté et le plus détestable de l’ancien régime, la gabelle. On se prend à songer à une étude sur le rôle de la fiscalité dans le peuplement de l’Amérique du nord !
Pour terminer et amplifier les spécificités régionales, deux cas exceptionnels. D’abord la destinée très romanesque (elle a d’ailleurs inspiré un roman) de la bisontine* Julie de Mongenet, dite Madame de Saint-Laurent, compagne pendant 27 ans du prince Edouard d’Angleterre qui sera, par la suite, le père de la reine Victoria. Ils séjourneront quelques années ensemble à Québec. Enfin tout aussi exceptionnel, mais plus collectif, l’émigration massive, plus de 400 personnes de la principauté de Montbéliard, de religion protestante qui, à l’initiative de la couronne britannique, embarqueront de Rotterdam vers Halifax afin de peupler la Nouvelle-Ecosse de 1749 à 1752. La principauté de Montbéliard n’était pas intégrée au royaume de France à cette époque et pour citer l’auteur de la notice qui leur est consacrée « il est difficile de rattacher cette immigration à l’histoire de l’Amérique française ».
Ces quelques exemples montrent tout l’intérêt de feuilleter ce livre en attendant de découvrir les lieux qui y sont décrits et de faire connaissance avec les colons qui les ont quittés.
*Bisontin, bisontine : habitant de Besançon
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