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Les immigrants français au Canada à l’époque de la grande migration transatlantique (1870-1914)

Les immigrants français au Canada à l’époque de la grande migration transatlantique (1870-1914)

 

Par Gilles Durand

 

Les immigrants français au Canada à l'époque de la grande migration transatlantique (1870-1914).

Source : Colloque international organisé par Françoise Le Jeune

La présente publication électronique, un numéro de la revue E-Crini du Centre de recherche sur les identités nationales et l’interculturalité de l’Université de Nantes, découle d’un colloque tenu en mars 2011 à l’Université de Nantes. Préparée sous la direction de Françoise Le Jeune, assistée d’un comité de direction composé de Yves Frenette (Université d’Ottawa), Paul-André Linteau (Université du Québec à Montréal) et Didier Poton (Université de La Rochelle), elle forme un collectif provenant de 21 des 24 communications présentées sur différents aspects de la participation des Français venus au Canada à l’occasion de la grande migration transatlantique des années 1870-1914. Plusieurs des conférenciers sont des collaborateurs ou administrateurs de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, dont le président du comité de commémoration de la section Québec, Marcel Fournier. L’ensemble livre une information d’une grande richesse et à l’occasion inédite.

Les grandes divisions de l’ouvrage

L’ouvrage se divise en sept chapitres vers chacun desquels une table des matières nous oriente. Ceux-ci présentent tour à tour le contexte de la présence française dans le cadre de la grande migration, différents types de migrants, des expériences vécues collectivement ou individuellement, enfin des régions d’accueil excentriques au Québec. Deux introductions font le point sur les recherches en cours et facilitent la lecture des différents exposés.

Ce que révèle la grande migration au sujet de la relation franco-québécoise

Les deux premiers chapitres montrent que les Français viennent peu dans les Amériques. De plus, parmi l’ensemble des immigrants qui se rendent au Canada, les Français représentent moins de 1%; ils sont tout de même au minimum 29 510 à être venus au Canada entre 1881 et 1914, dont 12 000 à 13 000 au Québec. La politique généreuse de concession des terres des gouvernements canadien et québécois et l’assistance fournie par les compagnies de colonisation, telle la Compagnie nantaise de colonisation et de crédit des Cantons-de-l’Est, ne peuvent suppléer au manque de support apporté par le gouvernement français. Celui-ci n’est pas aux prises avec un surplus de population, bien au contraire, et il oriente ses ressortissants vers ses colonies d’Afrique de préférence à un pays comme le Canada à mi-chemin entre une colonie et un royaume. Il est vrai que les gouvernements québécois et canadiens, mènent une propagande sur le territoire français par l’intermédiaire d’agents recruteurs, mais il s’agit d’une activité qui ne reçoit pas l’appui de la France et qui n’est pas menée en concertation avec elle. Le Consulat général de France qui déménage de Québec à Montréal reflète cette position partagée également par la Chambre de commerce française de Montréal. Parmi les incitations à la venue des Français au Québec et au Canada, la politique laïcisante en matière d’éducation poursuivie par le gouvernement français – laïcisation du personnel enseignant en France, interdiction aux communautés religieuses d’enseigner – compte pour beaucoup.

Les chapitres III et IV sont consacrés à différentes catégories de migrants français au Québec. Les travailleurs culturels tels les comédiens, artistes, journalistes, enseignants religieux et laïcs, scientifiques, demeurent des passeurs de connaissances et d’expériences importants. En matière de formation et d’enseignement à la jeunesse, les membres des communautés religieuses occupent une place à part : en raison du nombre important qui sont venus au Québec – soit 2 600 représentant 20 % de l’immigration française au Québec de 1880 à 1914 – pour échapper à la laïcisation de l’enseignement; mais aussi pour la qualité de leur engagement et leur méfiance face à l’intrusion de l’État dans le monde de l’éducation – la création d’un ministère de l’Éducation doit attendre 1964. Quant aux hommes d’affaires français opérant à Montréal, il importe de signaler deux traits à leur sujet : étant plus importateurs que producteurs de biens, ils appuient le Consulat contre l’émigration de travailleurs français au Québec; ils privilégient, pour soutenir leurs activités d’importation, une chambre de commerce française capable de les renseigner sur l’état des marchés et sur la conjoncture économique en France. D’ailleurs une entreprise nantaise orientée vers la mise en valeur des ressources forestières de la région du lac Mégantic et vers la colonisation plutôt que vers l’importation de produits français, la Compagnie de colonisation et de crédit des Cantons-de-l’Est, doit fermer ses portes en 1893, une douzaine d’années après sa création.

Le chapitre V est consacré à trois parcours particuliers, celui de migrants nantais dans la région du lac Mégantic, celui de Vendéens dans l’Ouest canadien, enfin celui d’un jeune Français du Dauphiné en Alberta. Outre les péripéties liées à l’ouverture de régions neuves, les textes attirent notre attention sur trois points qui méritent d’être soulignés. Le clergé et les religieux apportent une contribution non seulement à l’éducation, mais aussi à la colonisation. De leur côté, les compagnies de colonisation ne connaissent pas de succès : la fermeture de la Compagnie de colonisation et de crédit des Cantons-de-l’Est et de la Société foncière n’est pas sans rappeler l’échec de la Compagnie des Cent Associés en 1663. Enfin les données sérielles, tels les recensements, listes de passagers, demandes de passeport, ne sont pas les seules pour approfondir la grande migration, les sources qualitatives comme les correspondances de migrants français à leur famille demeurée dans la mère patrie sont prometteuses pour la découverte d’un espace mental commun de part et d’autre de l’Atlantique. Les études débouchent en effet sur le phénomène de l’acculturation, c’est-à-dire sur la mesure dans laquelle le migrant français reste fidèle à sa culture d’origine, sa famille, ses amis, sa religion tout en intégrant la vision et le rêve nord-américain de s’enrichir dans le pays d’accueil.

Les deux derniers chapitres 6 et 7 sont consacrés à la présence française au Canada, mais en dehors du Québec, soit l’Ontario, la Colombie britannique et les provinces des Prairies. La grande migration des années 1880-1914 donne lieu à l’implantation de communautés francophones. Parmi les facteurs qui y contribuent, mentionnons une publicité accrocheuse, une politique généreuse de concession des terres par le gouvernement canadien, l’encadrement apporté par une communauté de même langue, culture et religion déjà établie de même que le soutien offert par les religieux n’hésitant pas au besoin à effectuer des missions en France pour y ramener des compatriotes. En revanche la politique du gouvernement provincial de Colombie britannique de vendre les terres et de tenir compte de la connaissance de l’anglais pour accorder la naturalisation de même que l’absence de soutien aux Français désirant s’établir dans cette province éloignée explique leur présence furtive au cours des années 1880-1914.

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