La francophonie des Amériques fait des vagues
Au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul jusqu’au 10 février 2013
Par André Magny
Conseiller aux communications
Centre de la francophonie des Amériques
Tout a commencé il y a un peu plus de 400 ans quand les premiers Normands ou les premiers habitants de l’Île de France sont venus fouler les rives du St-Laurent : le français venait de faire son apparition aux côtés des langues autochtones sur un territoire au moins 6 fois la taille de l’Hexagone. C’est dans cette idée d’interpénétration des cultures que s’inscrit l’œuvre de Marc Lincourt, « La grande vague ou la mémoire de l’eau salée ». Une œuvre à laquelle s’associe le Centre de la francophonie des Amériques.
De g. à d., André Gladu, cinéaste, Marc Lincourt, artiste, Henri Dorion, géographe, Françoise Guénette, animatrice, Guy Sioui-Durand, sociologue, Denis Desgagné, président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, Jacques Saint-Gelais Tremblay, directeur du Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul
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Le 4 novembre 2012 au Musée d’art contemporain de Baie-St-Paul, quelque 70 personnes s’étaient réunies à l’occasion du vernissage de l’impressionnante œuvre de l’artiste de Terrebonne. L’œuvre est présentée jusqu’au 10 février 2013. Il s’agit en fait de 400 livres, rassemblés dans une grande vague de 10 m de long; sur chacun d’eux y est inscrit un patronyme, représentant ainsi 400 familles qui ont peuplé non seulement le Québec mais également plusieurs coins de l’Amérique du Nord voire le monde, puisqu’il y aurait 8 millions de Tremblay un peu partout sur la planète!
Pour l’occasion, le Centre de la francophonie des Amériques avait organisé une table ronde rassemblant autour de l’animatrice Françoise Guénette de Radio-Canada, le célèbre géographe Henri Dorion, le documentariste André Gladu ainsi que Guy Sioui-Durand, sociologue de Wendake, qui ont élaboré sur le thème « La voie de l’eau et les mouvements migratoires francophones en Amérique du Nord. Carrefour, héritage et manifestations visibles ».
Un territoire à nommer
Pour l’un, Henri Dorion a tenu à souligner que les intervenants de la table ronde avaient la chance d’être devant « une œuvre extrêmement symbolique » rappelant que les patronymes cités dans l’oeuvre établissent un lien entre « le territoire et les 400 familles », faisant ainsi référence à l’éparpillement de celles-ci en Amérique du Nord dont la toponymie en est un exemple flagrant. Paradoxalement, bien que les voyageurs et les coureurs des bois aient joué un rôle prédominant dans l’exploration du territoire, l’ex-président de la Commission de toponymie du Québec a tenu à souligner que 75 % du territoire québécois n’était pas officiellement défini, donnant pour preuve la frontière entre le Québec et le Labrador ainsi que le littoral québécois dans le Nord.
Si le commerce, la religion et la conquête ont été au centre du développement de la présence française en Amérique du Nord, les trois spécialistes n’ont pas manqué de souligner que les Français, contrairement aux Anglais avaient voulu entrer en contact dès le début avec les Autochtones. « Ça, Champlain l’avait bien compris » a mentionné André Gladu. « D’où l’importance d’avoir avec lui des truchements » qui ont su nommer la réalité, ne serait-ce que celle de l’hiver de préciser Guy Sioui-Durand, qui a également fait référence au phénomène de l’adoption – Radisson en est un bon exemple -, permettant un transfert positif des cultures.
Mais cet interculturalisme aura un déclin : « En 1867, au moment de la fondation du Canada, celui-ci n’a plus besoin des Autochtones, l’ère de l’industrialisation étant arrivée », de constater André Gladu dont la caméra depuis 40 ans recueille des images en Acadie, chez les Métis de l’Ouest canadien ou en Louisiane.
Pour la suite des choses
À travers ces 400 livres présentés dans La grande vague et que Marc Lincourt a scellé, on peut se demander ce que chacun de ceux-ci recèle. Dans un patronyme, c’est souvent l’histoire d’un métier et la mémoire d’un ancêtre qui s’y cachent.
Mais maintenant que les N’Nguyen supplantent les Tremblay dans l’annuaire de Montréal, quel est l’avenir des francophones des Amériques? « La qualité d’un peuple, c’est parfois d’être une éponge », rétorque André Gladu, en précisant que les Québécois sont capables de s’approprier les richesses des uns et des autres.
De son côté, Guy Sioui-Durand, qui fut commissaire lors des fêtes du 400e à Québec, a affirmé que l’environnement urbanisé a certes une influence sur les cultures à l’ère de la mondialisation. « Mais les différences amènent la complémentarité » de conclure Henri Dorion. Après tout, à partir des 400 familles de l’œuvre de Lincourt ne parle-t-on pas maintenant de 33 millions de francophones et de francophiles à travers les Amériques?