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La vision culturelle d’Athanase David

La vision culturelle d’Athanase David,
Montréal, Del Busso Éditeur, 2012, 267 p.

 

Par Gilles Durand

 

La vision culturelle d'Athanase David

Crédit illustration : Del Busso éditeur

Quelques notes biographiques sur Athanase David
Cet ouvrage de Fernand Harvey, récemment sorti des presses de l’imprimeur Marquis pour le compte de l’éditeur Del Busso, fait revivre les causes pour lesquelles s’est battu un homme politique, à la fois doté d’une vaste érudition et de vision, Athanase David. Entré en politique en 1916 comme député du comté provincial de Terrebonne, il devient ministre titulaire du secrétariat de la Province sous les gouvernements Gouin et Taschereau de 1919 à 1936. En 1940, il est nommé au Sénat canadien et y siège jusqu’en 1953, année de son décès.

L’ouvrage : approche choisie par l’auteur et contenu
Pour faire revivre la carrière d’un homme engagé qui se signale par son attachement aux origines françaises du Québec tout en étant convaincu de la capacité créative de ses compatriotes, l’auteur choisit une approche qui ne manque pas d’intérêt et à l’occasion de piquant : il fait suivre l’analyse de la vision et des réalisations du personnage par le texte lui-même de ses discours, invitant même le lecteur à se retremper dans l’atmosphère de l’époque par l’écoute de l’enregistrement d’un discours prononcé le 30 mai 1945 et disponible sur le site de l’éditeur Del Busso.

 

La publication se subdivise en deux grandes parties précédées d’une introduction. Dans celle-ci, l’auteur présente les résultats de ses analyses des textes de même que le contexte dominant à l’époque de l’homme politique : un système d’éducation largement influencé par le clergé – par le biais d’un organisme apolitique, le Conseil de l’instruction publique, et des collèges classiques; l’opinion largement partagée que l’État doit intervenir le moins possible dans l’éducation et l’économie. La 1re partie est consacrée aux discours de David portant sur le Québec et la société canadienne-française; éducation, relations avec la France pour la formation des nôtres, envoi par la France de professeurs dans nos institutions d’enseignement; bonne entente entre les deux races dont est constitué le Canada et patriotisme à son endroit, constituent autant de thèmes occupant une place de choix. La 2e partie traite d’un domaine dans lequel David excelle, la culture, plus précisément la constitution d’une élite dans des champs aussi diversifiés que les beaux-arts, les lettres, le patrimoine et la musique. Enfin, l’ouvrage est complété par une chronologie de la carrière de l’homme politique et par une bibliographie d’ouvrages de sa main – en fait deux – ou traitant de lui.

L’originalité de la vision et des réalisations de David
Tout au long de sa carrière, David se démarque. Par contre, deux des préoccupations qu’il exprime dans plusieurs de ses discours le signalent particulièrement.

La formation d’une élite constitue l’une de celles-ci. Depuis longtemps, les collèges classiques préparent la jeunesse à la prêtrise et à l’exercice des professions libérales par un programme axé sur les humanités. Cette fois, David élargit le champ aux beaux-arts, à la musique et au patrimoine sous ses formes les plus tangibles, lieux, bâtiments, objets, monuments ayant un intérêt historique ou artistique. Il y va de l’avenir du Québec et de la société canadienne française qu’une élite rayonne dans tous les champs de la culture. Par contre, point à signaler, l’importance accordée par David à la dimension culturelle ne l’empêche pas d’insister tout autant sur la formation d’une élite économique, commerciale, industrielle et financière. Il conçoit la richesse et la culture comme allant de pair, comme un tout, la première étant une condition pour que la seconde puisse d’épanouir : l’artiste a besoin du support de mécènes et de l’État pour lui venir en aide – par contre David ne va pas jusqu’à évoquer le rôle de l’État comme levier économique pour la collectivité québécoise.

Autre point à signaler, David réussit à convaincre ses collègues du gouvernement d’élargir leurs champs d’intervention en matière de culture et d’éducation. S’il existe déjà quatre écoles de formation pratique relevant de l’État – commerce, enseignement technique –, il ne craint pas d’élargir la brèche dans le système confessionnel en faisant mettre sur pied deux nouvelles écoles d’État consacrées aux beaux-arts – pour un conservatoire de musique d’État, il doit cependant se contenter d’être le semeur, laissant à son successeur, Hector Perrier, le soin de récolter les fruits. Les Québécois lui sont aussi redevables de plusieurs autres réalisations : adoption en 1922 d’une première « Loi pour la conservation des monuments et des objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique » accompagnée de la mise sur pied d’une Commission des monuments historiques qui réalise les premiers grands inventaires de notre patrimoine bâti; ouverture en 1933 d’un musée, pour y conserver et mettre en valeur l’héritage du passé et les nouvelles créations; une « Loi relative à la radiodiffusion dans cette province » pour faire entrer le Québec dans le monde de la radiodiffusion et ainsi ouvrir plus largement la culture québécoise à la population – une loi adoptée, mais qui ne sera pas mise en application lorsqu’il est au pouvoir à Québec; support aux artistes et aux scientifiques québécois par l’augmentation du nombre de bourses de perfectionnement en Europe, en France notamment dont il reconnaît toute l’importance; reconnaissance publique du talent des créateurs par l’attribution d’un prix littéraire, le Prix David, un honneur encore très recherché parmi les Prix du Québec actuels .

En guise de conclusion
L’ouvrage de Fernand Harvey tombe à point. Elle paraît au cours d’une année, 2012, qui marque l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel, 90 ans après l’adoption de la première Loi sous l’impulsion d’Athanase David lui-même. À celui qui parcourt la publication, elle suggère les mots suivants pour résumer la vision et la carrière de l’homme politique : préserver et mettre en valeur l’héritage apporté par Champlain, le faire fructifier et le bonifier pour les générations futures, dans un contexte de bonne entente entre les deux peuples fondateurs du Canada – David propose même un manuel d’histoire unique pour les écoliers de toutes les provinces canadiennes, proposition qui n’a pas de suite.

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