Les collections françaises d’objets ethnographiques,
d’art colonial et d’art populaire
originaires de l’aire de la Nouvelle-France
Par :
Pascal Mongne
Marie-Bénédicte Seynhaeve-Kermorgant
Eric Taladoire
Réunis depuis la fin du XVe siècle dans les Cabinets de curiosités, puis au sein des institutions muséales modernes, des milliers d’objets américains de toute nature ont traversé l’Atlantique pour l’Ancien monde : céramique, statuaire, simples outils et parures prestigieuses, éléments d’architecture, armes de guerre et de chasse, objets rituels, manuscrits. Une grande diversité de documents archéologiques, ethnographiques ou folkloriques s’est ainsi répandue en Europe, issue de toutes les régions du Nouveau monde (de l’Alaska à la Terre de Feu) et de l’ensemble des cultures : précolombiennes et coloniales, indigènes ou métissées.
Malheureusement, victime d’un ethnocentrisme et trop longtemps méconnu, l’objet américain était encore il y a peu ignoré dans les réserves ou les salles d’exposition des rares musées, souvent d’Histoire naturelle, connus pour abriter des collections exotiques. Cependant, d’importantes recherches ont été récemment menées sur l’inventaire et l’histoire du patrimoine américaniste. À ce jour, ont été dénombrées en Europe plus de 350 institutions muséales publiques abritant des collections américaines.
En France, le recensement général des collections américaines, engagé depuis maintenant 30 ans, permet de mesurer la richesse des fonds publics en la matière. À ce jour, nous dénombrons près de 25 000 objets, abrités dans 170 musées et institutions publiques françaises. Bien entendu, ce total ne tient pas compte des collections américaines du musée du quai Branly de Paris, estimées à environ 90 000 pièces. Cet inventaire, à l’origine entrepris par le Centre de recherche en archéologie précolombienne de l’Université de Paris I, et mené de concert avec la Direction des musées de France et l’Ecole du Louvre, a permis, à ce jour, l’étude d’environ 20 000 pièces identifiées dans 80 musées.
Provenant de l’espace historique et géographique de la Nouvelle France, plus de 700 objets abrités dans 35 musées de France ont pu être identifiés et répertoriés à ce jour. L’ensemble le plus important est sans conteste celui du musée du quai Branly, rassemblant à lui seul 360 pièces. Toutefois plusieurs musées de régions abritent des collections remarquables du fait de leur ancienneté ou de leur nombre. On peut citer par exemple La Rochelle, Lille ou Lyon. Pour la plupart, ces objets ont été collectés durant le XIXe siècle. Cependant, certains ensembles proviennent de collections anciennes (XVIIIe, voire XVIIe siècle) et peuvent être alors étroitement associés à l’histoire de la Nouvelle-France : Angers, Chartres, La Rochelle, Paris (Bibliothèque Sainte-Geneviève), Rennes, Saint-Germain-en-Laye.
Par leur fonction, leur mode de fabrication et les matières qui les constituent, ces artefacts sont représentatifs des cultures indiennes et métisses qui se sont développées dans l’espace de la Nouvelle-France. Un grand nombre d’objets constituent des témoignages de la vie quotidienne, que ceux-ci aient réellement été utilisés ou qu’ils en soient des évocations (modèles miniatures ou « objets souvenir »). Ainsi, on peut identifier des maquettes de canoës, porte-bébés, paniers et boites en écorce décorée, vases en corne, poteries, outillage d’os et de bois, raquettes de neige, éléments et accessoires du costume (tuniques, robes, capes, bonnets, coiffes, mocassins, etc.), armes (casse-tête et massues, couteaux et étuis, haches et tomahawks, carquois, arcs et flèches, fusils), etc. Des objets cultuels ou à haute valeur symbolique sont aussi représentés : peaux peintes, capes de plumes, masques, wampums, pipes-tomahawks, sacs décorés de perles ou de piquants de porc-épic, crosses de jeu, instruments de musique.
Bien qu’un bon nombre d’objets puissent être attribués à diverses régions jadis contrôlées par les Français, ou explorées par eux (Plaines, Louisiane, Sud-Est), la grande majorité du fonds provient – pour des raisons historiques évidentes – de la zone des Grands Lacs et du Bassin du Saint-Laurent.
Certains de ces objets, fort répandus dans les collections comme les mocassins, sacs, boites d’écorces et maquettes de canoës, marquent l’évolution du goût des collectionneurs depuis le XVIIe siècle. Enfin, certaines pièces, par leur nature et leur histoire, doivent être considérées comme de véritables trésors muséographiques et culturels, parmi les plus anciens connus. C’est le cas des peaux peintes, des wampums, des tuniques, coiffes et armes abritées à Paris, à Besançon, Chartres, Lille, La Rochelle et Lyon.
NDLR – Voir aussi le bulletin Mémoires vives, n° 37, décembre 2013, Un nouveau portail…