Allocution de M. Guillaume Pinson, doyen, Faculté des Lettres et des Sciences humaines, Université Laval, 1er août 2020
Mesdames, messieurs,
C’est un grand honneur de m’adresser à vous, au nom de l’Université Laval, pour souligner ce moment important dans l’histoire des liens qui unissent la France et le Québec. L’appel que le général De Gaulle a lancé aux Canadiens français en 1940 s’inscrit dans cette histoire transatlantique mouvementée et passionnante que les générations successives d’historiens revisitent et revisiteront longtemps. De nombreux hommes, de nombreuses femmes du Québec et du Canada, ont répondu à cet appel et ont contribué à l’effort gigantesque, décisif, grave, qui a fait l’histoire telle que nous la connaissons aujourd’hui. Le philosophe Paul Ricoeur disait que l’histoire est une dette que les vivants ont envers les morts, et notre dette est grande à l’égard d’un homme comme Charles de Gaulle et de tous ceux qui ont répondu à son appel, au cœur du deuxième conflit mondial.
Le souvenir de ces moments vit entre autres grâce au travail des historiens et des passionnés d’histoire. Je salue en particulier Roger Barrette, dont les recherches permettent de mieux connaître les multiples facettes de la riche relation que De Gaulle a entretenue avec le Québec, ainsi que les représentants des associations ici présents qui contribuent à faire vivre cette mémoire, telle que la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs.
Après la Guerre, le Président De Gaulle a fait énormément, on le sait bien, pour les relations entre la France et le Québec. Et en particulier, il a contribué au développement des liens académiques franco-québécois qui se sont établis à partir des années 1960. Si aujourd’hui des étudiantes, des étudiants effectuent des séjours de mobilité de part et d’autre de l’Atlantique, des programmes conjoints, des thèses en cotutelles, si des professeurs, des chercheurs, peuvent compter sur des liens forts entre leurs institutions pour soutenir leurs activités communes, c’est en bonne partie grâce à l’intérêt que De Gaulle a toujours porté au Québec et à l’appui qu’il a apporté à ces relations académiques et intellectuelles franco-québécoises. L’Appel que le général a lancé aux Canadiens français en 1940 s’est ainsi prolongé, dans les décennies suivantes, dans tous les domaines de la coopération entre la France et le Québec, l’enseignement et la recherche occupant une place prépondérante dans cette coopération. C’est un héritage précieux, que je peux constater tous les jours au sein de notre institution, et que l’actuelle pandémie d’effacera pas – il ne s’agit que d’une parenthèse.
Le général avait d’ailleurs rendu visite à notre université, lors de son voyage d’avril 1960, je cite ce passage de l’allocation qu’il avait prononcée à cette occasion, notamment devant le recteur Parent : « Laissez-moi exprimer la très profonde émotion que je ressens à me trouver dans les murs de l’Université Laval, la plus ancienne d’Amérique du Nord. Il se trouve qu’elle fut, qu’elle est restée, qu’elle restera l’université Française. » Pour Charles De Gaulle, notre Université, reposant sur la fondation du Séminaire de Québec, lui rappelait ce destin commun qui unit, depuis l’époque de la Nouvelle-France, les populations des deux côtés de l’Atlantique.
Mais l’UL ne peut pas s’approprier seule ces mots flatteurs et je m’exprime au nom de mes collègues de l’ensemble des universités québécoise pour dire combien l’héritage de Charles de Gaulle est profond et pérenne au sein de nos institutions. Nous avons le devoir de le perpétuer, de l’enseigner, de le donner à comprendre aux nouvelles générations. Nous le ferons avec rigueur et détermination, grâce aux travaux des universitaires mais aussi avec le soutien des partenaires et de tous ceux que l’histoire intéresse. Le passé ne survit dans les mémoires et dans le collectif que lorsqu’il est diversement approprié et partagé, et saluons à cet égard des initiatives comme celle des Rendez-vous d’histoire de Québec (inspirée des Rendez-vous d’histoire de Blois), portés par leur présidente Catherine Ferland, et qui nous invitent d’ailleurs bientôt à leur troisième édition.
Je termine ces quelques mots en rendant hommage, au nom des milieux académiques, à Charles de Gaulle et à tous ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, répondu à son Appel du 1er août 1940. Cet Appel était fondé sur des valeurs de liberté et de solidarité qui sont fondamentales aux universitaires et au monde de la recherche.