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Bulletin n°19 , novembre 2006

France/Nouvelle-France – Naissance d’un peuple français en Amérique

POINTE-À-CALLIÈRE PRÉSENTE

FRANCE / NOUVELLE-FRANCE
Naissance d’un peuple français en Amérique

Présentée dans 4 musées français de mars 2007 à mai 2008

L’exposition comménore
l’implantation française en Amérique du Nord

Montréal, le 22 novembre 2006 – Afin de commémorer l’implantation française en Amérique du Nord, Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal présentera en France en 2007 et en 2008, l’exposition France — Nouvelle-France, naissance d’un peuple français en Amérique, réalisée en coproduction avec le Musée du Château des ducs de Bretagne, de Nantes.

Cette exposition rappelle les jours historiques de la fondation des premiers établissements français en Amérique du Nord : l’Île Sainte-Croix et Port-Royal, en 1604 et 1605, et Québec, en 1608. Elle permet aussi de découvrir, entre autres sujets, les motivations des monarques français, de François 1er à Louis XIV, à vouloir coloniser et revendiquer les territoires du Nouveau Monde – et ce qui incitait les sujets français à quitter leur mère patrie pour choisir une colonie à l’avenir incertain : recherche d’une vie meilleure, contrat de travail de courte durée, service militaire, départ plus ou moins volontaire d’orphelines… ou simple besoin d’aventure.

Le parcours : au fil de quatre siècles de peuplement

France — Nouvelle-France, naissance d’un peuple français en Amérique raconte quatre siècles de peuplement français en terre d’Amérique – au fil d’une histoire à la fois singulière, puisque différente à maints égards de celle du peuplement anglophone, et plurielle, car tissée au fil d’échanges consentis, au gré d’enracinements progressifs, au prix de déracinements tragiques.

S’amorçant au 16e siècle, le parcours couvre toute la période du Régime français, jusqu’à la Conquête britannique et au traité de Paris en 1763. L’exposition se termine en ramenant les visiteurs au temps présent. Cinq grandes périodes de l’implantation française sont ainsi revécues au fil chronologique d’autant de zones. Ce faisant, divers territoires sont visités, témoignant de l’expansion progressive du peuplement français sur le continent : l’Acadie, la vallée du Saint-Laurent et les Grands Lacs et, enfin, la Louisiane.

1500 – 1600 : Tentatives

Le 16e siècle voit les premières explorations de Jacques Cartier, en 1534 et 1535, et l’afflux de pêcheurs européens attirés par la richesse des eaux des « terres neuves » et de l’estuaire du Saint-Laurent. Des millions d’Amérindiens étant présents depuis longtemps sur le continent nord-américain, leurs premiers contacts avec des Européens constituent un propos majeur.

1600 – 1650 : Ancrages

Le 17e siècle constitue la période la plus décisive de l’implantation française en Amérique du Nord. Aux tentatives infructueuses succèdent des établissements qui se veulent permanents et dont la fondation marque le coup d’envoi de la colonisation française : l’Île Sainte-Croix et Port-Royal (Acadie), en 1604-1605 ; Québec, en 1608 ; Trois-Rivières, en 1634 ; et Montréal, en 1642.

1650 – 1700 : Assises

En 1653, une centaine de Français formant « La Grande Recrue » débarquent à Montréal, sauvant ainsi la jeune colonie. Dix ans plus tard, la mère patrie adopte une véritable politique coloniale, par le biais de mesures visant à peupler de Français les territoires explorés par ses ressortissants – et sur lesquels elle entend exercer sa prédominance. Les militaires des régiments chargés de défendre la Nouvelle-France se font offrir des terres au terme de leur service, ce qui insupra plusieurs d’entre eux à s’installer. Louis XIV envoie aussi, par centaines, des filles à marier, les « filles du roi ». Ces mesures, et la fécondité remarquable des unions ainsi formées, établissent de manière irréversible une population française.

1700 – 1750 : Expansions

Les personnes nées en Nouvelle-France constituent désormais la majorité de la population. Mais si l’apport de l’immigration métropolitaine n’est plus dominant, il garde son importance par la diversité de ses apports. On observe aussi des mouvements migratoires intérieurs : des « enfants du pays » s’en vont coloniser d’autres territoires de la Nouvelle-France, dont la Louisiane.

1750 – 1800 : Fin… et suite!

La Guerre de Sept Ans, au cours de laquelle France et Angleterre s’affrontent par

Château-Richer, du cap Tourmente et de la pointe orientale de l'île d'Orléans

Vue de Château-Richer, du cap Tourmente et de la pointe
orientale de l’île d’Orléans, près de Québec,
par Thomas Davies, 1787.
Source : Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa

colonies interposées, donne lieu à d’importants mouvements migratoires entre la Nouvelle-France et l’Europe. La déportation des Acadiens (1755) constitue l’un des plus importants déplacements de population de cette période agitée. Des hommes, femmes et enfants débarqués de force dans les colonies britanniques ou en Europe, certains reviendront en Acadie, alors que d’autres s’installeront en Louisiane, là où des Cajuns se sont établis.

Mais si la Conquête britannique a mis un terme à la Nouvelle-France, colonie française d’Amérique du Nord, elle n’a pas pour autant effacé une présence française désormais solidement ancrée en terre d’Amérique. Acadiens, Québécois, francophones du reste du Canada ou des États-Unis… ils sont 15 millions, aujourd’hui, à continuer de parler français en Amérique du Nord.

Cette exposition, soulignons-le, accorde une attention particulière au rôle joué par les Amérindiens. La survie des colons français, l’épanouissement économique et la connaissance même du continent, reposent pour une large part sur la contribution incontournable, et pourtant combien méconnue, des nations amérindiennes. C’est en effet grâce à ses alliés amérindiens que la Nouvelle-France réussit à se développer et à se maintenir en force sur un immense territoire en Amérique du Nord, alors même qu’elle était 20 fois moins peuplée que la Nouvelle-Angleterre.

L’itinérance de l’exposition

Au Canada, l’exposition a été inaugurée à Halifax, à Pier 21, le 1er juillet 2004 et a été présentée jusqu’au 2 janvier 2005, puis au Musée acadien de l’Université de Moncton du 31 mars au 5 juin de la même année.

En France, l’exposition sera inaugurée au Musée du Château des ducs de Bretagne à Nantes du 9 mars au 10 juin 2007, puis à la maison Champlain à Brouage de 28 juin au 14 octobre 2007, au Château-musée de Dieppe, du 18 octobre au 27 octobre 2007 et finalement à la Maison de l’émigration française au Canada de Tourouve, du 18 février au 25 mai 2008. L’exposition reviendra enfin en Amérique en 2008, à Pointe-à-Callière.

À propos de Pointe-à-Callière

Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, a pour mission la mise en valeur du patrimoine archéologique d’ici et d’ailleurs. L’exposition permanente Ici naquit Montréal, un parcours souterrain nouvellement réaménagé au cœur d’authentiques vestiges, et de nombreuses expositions temporaires comme Lumières sur le Vieux-Montréal font découvrir l’histoire de la métropole. Le Musée s’emploie aussi à faire connaître le patrimoine archéologique mondial. À preuve, de nombreuses expositions internationales, dont Premier or du monde, secrets anciens, réalisée avec la Bulgarie, L’archéologie et la Bible – du roi David aux manuscrits de la mer Morte, présentée en 2003, Océanie, et dernièrement Japon, une exposition sur la préhistoire japonaise en partenariat avec le Musée National de Tokyo. Rappelons que Pointe-à-Callière se trouve sur le site même de la fondation de Montréal et qu’il a été inauguré en 1992.

L’exposition France — Nouvelle-France est réalisée en coproduction par Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal et le Musée du Château des ducs de Bretagne, de Nantes. Cette exposition bénéficie du soutien financier du ministère du Patrimoine canadien pour les programmes suivants : le Programme d’aide aux musées, le Programme Partenariat culturel et économique du Canada atlantique de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, l’Accord Canada-France pour la coopération et les échanges dans le domaine des musées; du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada par son Programme Canada-France 2004; du Ministère de la culture et de la communication de France, Direction des musées de France, de la Mairie de Nantes, d’Air Canada, de Historia ainsi que de la Ville de Montréal et de la Fondation Pointe-à-Callière.

Informations : Catherine Roberge / Communications
(514) 872-7858
croberge@pacmusee.qc.ca

Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal
350, place Royale, Vieux-Montréal (Québec) H2Y 3Y5
Tél. : (514) 872-9150
Internet : www.pacmusee.qc.ca
Matériel photographique disponible auprès de croberge@pacmusee.qc.ca

Les Iroquoiens dans la vallée du Saint-Laurent : exposition en cours à Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire

Une population qui disparaît
pour réapparaître sur fond de guerre franco-anglaise
Les Iroquoiens dans la vallée du Saint-Laurent
Exposition en cours à Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire

 

Les iroquoiens du Saint-Laurent, peuple du maïs

Crédit photo : Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal

Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire présente dans ses locaux, du 7 novembre 2006 au 6 mai 2007, une exposition sur les Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent entre le 14e et le 16e siècle. La littérature laissée par Jacques Cartier au cours de ses voyages en 1535 et en 1541 fait mention des villages de cette population estimée à environ 10 000, et de rencontres avec celle-ci, mais avec Champlain, il n’en est plus question. Ce dernier ne peut trouver les villages décrits et observés par Cartier.

Une visite au musée permet de répondre à plusieurs questions susceptibles de se poser. Qu’est-ce qui constituait la base de l’alimentation des Iroquoiens? Dans quel genre de maison vivaient-ils? Les familles d’une même ascendance avaient-elles tendance à se regrouper? Comment se faisait le partage des tâches entre les hommes et les femmes? Comment expliquer leur disparition de la vallée du Saint-Laurent après le passage de Cartier, par les conditions climatiques, par les épidémies ou bien encore par les guerres entre groupes amérindiens? Vivaient-ils uniquement dans la vallée du Saint-Laurent ou en retrouve-t-on ailleurs au sud, dans l’ouest du Québec?

Le visiteur aura réponse à toutes ces questions par le biais des objets exposés : trois cartes qui présentent les sites archéologiques et la distribution des communautés iroquoiennes le long du Saint-Laurent jusqu’au Lac Ontario; 130 artefacts tels que vases en terre cuite, pipes, pendentifs, perles de colliers, pointes de harpon, haches en pierre, etc.; une reproduction symbolique de leur type d’habitation, la maison-longue. Il sera mis à la toute fin en présence de l’hypothèse la plus plausible expliquant la disparition des Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent.

Les visiteurs intéressés à aller plus loin pourront se procurer à la boutique du musée un volume présentant plus en profondeur les Iroquoiens, l’évolution de leur mode de vie, de nomade à sédentaire par l’introduction du maïs dans leur alimentation, leur structure sociale, etc. L’ouvrage, intitulé Les Iroquoiens du Saint-Laurent, peuple du maïs, est une première pour le grand public et l’archéologie nord-américaine. Il est publié par les Éditions de l’homme : comptant plus de 140 pages et abondamment illustré, il a été rédigé principalement par l’archéologue Roland Tremblay avec la collaboration d’une quinzaine de spécialistes. Le sujet revêt beaucoup d’intérêt pour tous ceux qui s’intéressent à la première expérience coloniale de la France en Amérique : en effet, si des membres de la famille linguistique iroquoienne disparaissent après les voyages de Cartier, d’autres réapparaîtront plus tard, mais cette fois, sur fond de guerre franco-anglaise, comme alliés des Anglais en concurrence avec les Français pour la traite des fourrures.

Pour des informations additionnelles, amateurs, spécialistes et descendants des grandes familles d’origine iroquoienne sont invités à consulter le bulletin électronique du musée, Info-Lettre, vol. 1, n° 3, à l’adresse suivante http://www.pacmusee.qc.ca/pages/bulletin/abonnement_bulletin.aspx?lang=FR-CA .

Gilles Durand
24 novembre 2006

Deuxième colloque international du CIEQ : Temps, espaces et modernité, mars 2007

Deuxième colloque international du CIEQ
Temps, espace et modernités
7-8-9 mars 2007

 

CIEQ - Centre Interuniversitaire d'Etudes Québécoises

Le Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), un organisme regroupant des chercheurs de différents horizons disciplinaires et universités, soutenu par l’Université Laval et l’Université du Québec à Trois-Rivières, organise un colloque international sous le thème « Temps, espace et modernités » à l’Université du Québec à Trois-Rivières les 7, 8 et 9 mars 2007.

Les présentations à caractère interdisciplinaire auront pour but d’expliquer l’évolution de communautés situées de part et d’autre de l’Atlantique, en particulier celles du Québec nées de l’aventure coloniale de la France en Amérique. Elles couvriront la période du XVIIIe siècle à aujourd’hui. Elles aborderont une variété de milieux considérés à différentes échelles : les territoires au centre ou à la périphérie des moteurs de changement, le milieu littoral, le milieu insulaire, la ville, la paroisse, la famille, etc.

Les facettes les plus diverses, pouvant influencer le développement de ces communautés, seront considérées : la reconfiguration des moyens de communication; les modes de production (pluriactivité, professionnalisation); l’impact des pratiques de gestion sur les mentalités, par exemple le développement de la cartographie seigneuriale amenant une conception de la seigneurie autre qu’un ensemble de titres; les stratégies retenues par les communautés isolées pour se donner des soins de santé; la vision des enfants à l’intérieur des ménages en fonction des liens unissant reproduction et modes de production; l’évolution des mouvements associatifs devenant plus préoccupés de culture que de survie; les habitudes de consommation, telles celles des habitants du Haut-Canada dans les magasins de village au XIXe siècle; la disparition de la civilisation paroissiale amenée par de nouveaux rapports des paroissiens à leur espace autant que par leur croyance, etc.

Le colloque revêt un grand intérêt à une époque où les cultures se caractérisent de plus en plus par « le culte de l’instantanéité et de la vitesse, la délocalisation et «décontextualisation» des rapports sociaux, le recul des solidarités territoriales au profit des grands réseaux, l’individualisation, la perte d’attraction et les remises en question des grandes utopies téléologiques » (Source : Centre interuniversitaire d’études québécoises. Site du CIEQ, [En ligne]. http://www.cieq.uqtr.ca/ (Page consultée le 30 octobre 2006)).

Les actes du colloque seront publiés par le CIEQ dans la collection « Géographie historique » des Presses de l’Université Laval.

Pour de l’information additionnelle, voir le site Web du CIEQ.

Gilles Durand

Compte rendu de l’Assemblée générale du 11 septembre 2006 , section Québec

Compte rendu de l’Assemblée générale du 11 septembre 2006
section Québec

La dernière assemblée générale de la section québécoise de la Commission , tenue le 11 septembre 2006 à Québec , a constitué une rencontre de transition au niveau de la coprésidence et a permis aux membres d’échanger sur leurs activités et projets après un délai de près d’un an depuis la précédente assemblée générale. Un compte rendu est disponible sur ce site en format PDF (50 ko).

Lancement d’une publication : La Capricieuse (1855) : poupe et proue

La venue de la frégate LA CAPRICIEUSE en 1855
Deux mémoires différentes

Les Actes du colloque d’octobre 2005 sur LA CAPRICIEUSE sont parus : La Capricieuse (1855) : poupe et proue. Les relations France-Québec (1760-1914) sous la direction de Yvan Lamonde et Didier Poton, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006 (collection « Cultures québécoises »).

La Capricieuse

Crédit photo : Bulletin de la CFQLMC, no 16 – juin 2005, p. 1, Colloque sur la frégate La Capricieuse

Organisé par la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, à l’inspiration de Marcel Masse, le colloque a permis de renouveler l’analyse de la signification du voyage de la fameuse frégate. Cette perspective nouvelle tient en bonne partie à la présence d’historiens français d’universités des départements atlantiques qui ont bien fait voir les dimensions économiques du voyage de LA CAPRICIEUSE et la « nostalgie mercantile » de l’entreprise.

L’analyse de l’événement dont on soulignait le 150e anniversaire fut aussi le prétexte à scruter davantage la teneur des relations France-Québec avant 1855. Jusqu’à 1837, l’intérêt des Français pour le Bas-Canada est minimal et l’entente cordiale qui lie la Grande-Bretagne et la France durant la décennie colore définitivement la lecture que la presse parisienne fait des Rébellions et l’échec du séjour de Papineau à Paris entre 1839 et 1845.

Une même anglophilie existe en France en 1855 lors de la venue de LA CAPRICIEUSE. On a établi suite aux travaux de Jacques Portes que la remontée du Saint-Laurent par la frégate ne relevait pas d’une politique diplomatique de Napoléon III, mais d’une initiative commerciale prise par le commandant Belvèze, endossée par le ministère du commerce et connue du Foreign Office, dans le contexte de l’exposition universelle de 1855 à Paris. Les discours du commandant Belvèze et de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau ne trompent personne sur la bonne entente entre Wolfe et Montcalm et découragent toute interprétation d’un Canada reconquis par la France, titre que Joseph-Guillaume Barthe a publié l’année même.

Le colloque a certes montré qu’il s’agit d’un moment commun de mémoire, mais d’une mémoire assez radicalement différente.

Yvan Lamonde

Entretien avec Pierre Nora , inventeur du concept des lieux de mémoire; texte librement inspiré d’un article du journal Le Monde

Entretien avec Pierre Nora
Inventeur du concept des lieux de mémoire
Journal Le Monde 2, 18 février 2006

Pierre Nora, signataire d’une pétition Liberté pour l’histoire lancée par un groupe d’historiens le 12 décembre 2005, père du concept des lieux de mémoire—ces lieux physiques et idéels qui forment la quintessence de l’identité nationale—, universitaire de carrière, éditeur, directeur d’ouvrages dont Les lieux de mémoire en trois tomes, donnait une entrevue au journal Le Monde le 18 février dernier. Nous vous faisons part des grandes lignes de sa pensée sur l’histoire, la mémoire, la société française et le politique.

Pierre Nora établit une distinction entre l’histoire et la mémoire. L’histoire est une discipline qui est toujours à la recherche de la vérité à partir de ce qui n’est plus, mais qui a laissé des traces. La mémoire, portée par un groupe, présente un volet affectif, plus épidermique, plus immédiat, quelque chose d’absolu; elle est engagée, intéressée, à l’aise dans ce qui réconforte, et, en cette période de mondialisation et de dépersonnalisation, acquise plus par l’expérience vécue que transmise par la tradition et l’école. Par exemple, Nora mentionne le 10 mai comme jour de commémoration en France de l’abolition de l’esclavage, date choisie non par référence au 27 avril, jour anniversaire de l’abolition en 1848, mais en lien avec l’anniversaire de la Loi Taubira du 10 mai 2001 qui considère l’esclavage et la traite des noirs comme un crime contre l’humanité.

Face à cette mémoire, d’autant plus revendicatrice qu’elle constitue le fondement identitaire de minorités, qui demande à être intégrée dans l’histoire majoritaire ou nationale —par exemple la mémoire juive qui a demandé que l’État reconnaisse sa responsabilité dans la déportation et l’extermination des juifs— l’historien doit conserver toute sa liberté; il doit mettre en garde de juger les événements d’hier à l’aide de critères d’aujourd’hui, il doit faire tenir compte de l’évolution des mentalités, de la différence des temps. Nora ne met cependant pas une coupure entre histoire et mémoire, reconnaissant que l’une et l’autre peuvent s’enrichir mutuellement de leur contenu.

Soulignant la tendance des dernières vingt années, Nora met en évidence le déficit de mémoire transmise en comparaison avec la mémoire acquise. Cette faiblesse de la mémoire transmise, donc celle qui repose largement sur l’histoire, expliquerait en partie le malaise actuel qui se perçoit chez certains groupes. Vu sous cet angle, le défi de la mémoire s’impose comme un enjeu très actuel.

Parlant de la liberté de l’historien, Nora affirme que le politique ne doit pas lui dicter quoi rechercher et quoi penser, il ne doit pas prescrire l’histoire. Toutefois, il le reconnaît comme une autorité de conciliation entre mémoires conflictuelles; il lui reconnaît le rôle de cadrer et d’orienter la mémoire collective. Pour Nora, il existe cependant une seconde autorité de conciliation, c’est l’histoire, qui finit par s’imposer, car, selon lui, la mémoire divise et l’histoire seule réunit.

Gilles Durand
15 novembre 2006

Nouvel outil au service de l’histoire et de la mémoire , dictionnaire illustré, nouvelle édition : Noms et lieux du Québec

Nouvel outil au service de l’histoire et de la mémoire
Noms et lieux du Québec
Lancement d’une nouvelle édition

 

Noms et lieux: nouvelle édition

Crédit photo : La Commission de toponymie du Québec

La Commission de toponymie du Québec, depuis 1912 au service du Québec, de son territoire et de sa mémoire, vient de procéder au lancement d’une nouvelle édition augmentée du Dictionnaire illustré Noms et lieux du Québec, préfacée par notre poète national Gilles Vigneault (Les Publications du Québec, 2006, 243, 928 p.).

Administrateurs, généalogistes, historiens, grand public ne peuvent que se réjouir d’un instrument de travail plus complet en toponymie mis à leur disposition. Cet instrument vient s’ajouter à d’autres dont ils peuvent déjà enrichir leurs travaux : par exemple, La banque [informatisée] de noms de lieux du Québec (http://www.toponymie.gouv.qc.ca/topos.htm ) pour l’ensemble des noms de lieux diffusés par la Commission de toponymie; le Répertoire du patrimoine culturel du Québec (http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/RPCQ/) pour les biens protégés juridiquement en vertu de la Loi sur les biens culturels; l’Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France (http://www.memoirenf.cieq.ulaval.ca/) pour les lieux de mémoire témoignant de la période coloniale française.

Le présent dictionnaire, présentant des données à caractère historique pour un grand nombre de lieux, indépendamment de leur protection juridique ou de leur lien avec la France, avait paru la première fois il y a douze ans. Cette nouvelle édition est le fruit d’une mouture qui a permis d’ajouter 700 articles et 130 illustrations à cet ouvrage prestigieux de 1 200 pages qui compte maintenant près de 8 400 articles et 675 illustrations en tout. Plus que jamais, ce dictionnaire est donc un document de référence qui informe en profondeur sur la géographie du Québec et sur l’origine et la signification de ses noms de lieux, de même que sur le portrait municipal québécois mis à jour. Citant le géographe et toponymiste Henri Dorion, Mme France Boucher, présidente par intérim de la Commission de toponymie, a déclaré : « Il faut mériter son territoire, le respecter, le comprendre, en décoder le contenu et la mémoire qu’il recèle. Il faut apprendre à la jeunesse québécoise qu’une des voies d’accès à la connaissance du territoire réside dans sa toponymie. »

Le Québec possède une richesse toponymique impressionnante. Ses noms de lacs, de caps, de monts, de rivières, de chemins, de villes et de villages tirent leur origine de sources très diversifiées. Parfois venus du fond des âges, mais le plus souvent façonnés par les souvenirs de la géographie et ceux de la grande et de la petite histoire, des toponymes comme Margouillère de la Pineault, Les Mocauques, Côte des Écorchats, Pont de L’Enfant-Terrible, Baie Hungry, Édifice Capitanal, Île Janjandashi, Île aux Ragominaires, etc., présentent avec force notre identité. L’information du dictionnaire dépasse le nom des lieux comme tel pour livrer des renseignements, par exemple sur l’arrivée des premiers colons dans une localité, sa nationalité et ses proches, la mise en place des services comme le bureau de poste, etc. Bref, il rappelle la fascinante épopée de nos ancêtres qui ont fait du Québec ce qu’il est aujourd’hui.

De plus, la toponymie commémorative présentée dans le dictionnaire contribue aussi à illustrer et à affirmer cette identité des Québécois avec des noms de lieux comme Mont Anadabijou, Mont Wilfrid-Pelletier, Mont William-Hume-Blake, Édifice Gilles-Hocquart, Édifice Wilfrid-Derome, etc. (Source : Commission de toponymie http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ ).

Jacques Fortin
Commission de toponymie
Membre du Comité de commémoration, de généalogie et de toponymie de la CFQLMC

L’aviation au service de l’histoire et de la géographie : nouveau numéro de la revue d’histoire Cap-aux-diamants

L’aviation au service de l’histoire et de la géographie
Nouveau numéro de la revue d’histoire Cap-aux-Diamants

La revue Cap-aux-Diamants [www.capauxdiamants.org] propose une nouvelle facette de l’histoire du Québec à découvrir, Les Québécois et l’aviation.

Le Québec est grand, très grand; plus de 1 700 000 kilomètres carrés. Il contient plus de trois fois la France, sept fois la Belgique. La connaissance du territoire s’est faite, au départ, à partir du réseau hydrographique. Le fleuve, véritable chemin qui marche, a permis aux Amérindiens d’abord, aux Français ensuite, d’explorer une grande partie de ce pays. Les rivières ont pris le relais. De coureurs de bois donnant des informations essentielles aux cartographes, nous sommes passés aux pilotes de brousse donnant les mêmes informations aussi utiles à ces cartographes avides de connaissance …C’est ainsi que l’avion est entré au service de la géographie, du patrimoine, du développement économique.

…[Ce] numéro tente de montrer l’exceptionnelle richesse de cette époque de l’aérospatiale québécoise. L’anthropologue Pierre Thiffault nous présente les origines de l’aviation au Québec et la période de l’entre-deux-guerres qui fut vraiment la période charnière qui a donné naissance à l’aviation commerciale canadienne. L’ethnologue Nicole Dorion retrace cette histoire méconnue et pourtant si riche des pionniers de l’aviation civile en Beauce. Jean-François Bellemare, quant à lui, nous esquisse quelques portraits de ces pilotes de brousse. Le conservateur du musée de l’aviation du Canada, Rénald Fortier, explore l’évolution de l’industrie aéronautique québécoise avec quelques exemples célèbres comme Canadair et Bombardier. Frédérick Laberge, officier du patrimoine adjoint au musée de la Défense aérienne de Bagotville, nous parle de l’Alouette, premier escadron de bombardiers francophone du Canada. L’historien François Dornier s’intéresse à ces Québécois qui se sont investis dans l’effort de guerre et à leur contribution. Thérèse Villa, une des premières qui a reçu un brevet d’aviatrice à Québec, nous fait part de son expérience personnelle. Enfin, …[l’historien et photographe Pierre Lahoud] présente une histoire de la photographie aérienne et de ses nombreuses utilisations (Source : Pierre Lahoud, Cap-aux-Diamants).

11 novembre 2006

Du Québec à la Louisiane sur les traces des Français d’Amérique : numéro spécial du magazine Geo Histoire

Du Québec à la Louisiane, sur les traces des Français d’Amérique
De l’histoire de l’Amérique française à sa mémoire
Numéro spécial du magazine Geo Histoire

Le magazine Geo Histoire a lancé tout récemment un numéro hors-série (no 20), sous le titre Du Québec à la Louisiane, sur les traces des Français d’Amérique.

La publication apporte une contribution marquante à la connaissance du fait français en Amérique du Nord. Elle débute par une préface soignée écrite par deux écrivains de métier, Olivier et Patrick Poivre d’Arvor. Sous le titre « Tout d’un vrai roman-fleuve », ils nous mettent en appétit pour découvrir et au besoin redécouvrir l’aventure française en nous communiquant leur passion pour les pères fondateurs de la Nouvelle-France, Jacques Cartier et Samuel de Champlain.

Le plan suivi par la revue est calqué sur les points d’ancrage des Français en Amérique du Nord au nombre de quatre : la vallée du Saint-Laurent avec sa porte d’entrée sur la côte atlantique, la région des Grands Lacs ou Pays d’en haut, et, dans la vallée fluviale du Mississippi, le Pays des Illinois et la Louisiane version française et américaine. Leur présentation se fait par alternance de synthèse historique, écrite par un historien spécialiste, et de reportage préparé par un journaliste. Les reportages établissent le lien entre le passé et ses traces dans le paysage actuel, sans jamais manquer l’occasion de faire ressortir le côté merveilleux de l’expérience française en Amérique.

 

Habitation de Champlain

L’Habitation de Champlain
Crédit

Il revient à l’historienne, Raymonde Litalien, représentante de Bibliothèque et Archives Canada à Paris, de nous introduire à la grandeur démesurée du premier empire colonial français en Amérique du Nord aux 17e et 18e siècles, « un espace de Terre-Neuve aux Grands Lacs, de la baie d’Hudson au golfe du Mexique », dont la vallée du Saint-Laurent était le principal pôle de développement et le moteur. Les reporters de Geo prennent ensuite la relève pour s’attarder au site exceptionnel de la ville de Québec de même qu’à cette double voie, fluviale et terrestre, qui mène de la capitale à la future métropole, avec tout ce qu’elle laisse découvrir d’emprunts à la France à travers ses églises, ses manoirs, ses fermes et sa toponymie; mentionnons à titre d’exemple les rapides de Lachine qui empruntent leur spécifique à cet espoir longtemps entretenu par les Français de trouver à travers le continent une voie pour atteindre cet Orient fabuleux.

Les Pays d’en Haut sont pris en charge par Gilles Havard, historien chargé de recherche au Centre national de recherche scientifique à Paris. Ce spécialiste des questions de métissage nous brosse une synthèse remarquable des différentes facettes de l’alliance entre blancs et Indiens; le partage au fil quotidien des jours donnera naissance à une communauté originale et métisse animée par la fierté de sa double origine. Quant aux reporters de Geo, ils nous guident sur ce chemin d’eau ouvert par les explorateurs et les trafiquants de fourrure depuis Montréal jusqu’à Winnipeg, en fait notre première transcanadienne balisée de huit postes de traite. Ils ne manquent pas de saisir l’occasion de rappeler que la recherche d’un eldorado a plutôt conduit les commerçants français à découvrir quelque chose de bien différent : l’or brun c’est-à-dire les fourrures, les Amérindiens, dont ils ont adopté les façons de faire et le mode de vie, de même que l’âpre concurrence des trafiquants britanniques dont témoignent encore aujourd’hui dans le paysage les vestiges du fort Prince-de-Galles, construit à l’embouchure de la rivière Churchill.

Le Pays des Illinois, carrefour dans l’espace entre le Canada et la Louisiane, mais aussi carrefour dans le temps entre les premiers Français et les habitants actuels dont le parler anglais ne leur a pas fait oublier leur généalogie française, est replacé dans son espace et dans son contexte, sur fond de guerre franco-anglaise, par Cécile Vidal, historienne et professeure à l’Université Pierre-Mendès-France – Grenoble. La synthèse soignée qu’elle nous livre sur les débuts de ce que beaucoup considéraient « comme le plus beau pays du monde », laisse découvrir une région d’abord tournée vers Québec qui bascule vers le bas du Mississippi, l’exportation de la farine de froment et du lard en Basse-Louisiane faisant place à celle des fourrures vers la vallée du Saint-Laurent. Photographies, commentaires et reportages viennent ensuite faire le lien entre l’histoire et les paysages et lieux actuels : certains qui nous sont au moins plus familiers de noms, telle la vallée de l’Ohio, la capitale du blues Memphis, la capitale de l’automobile américaine Détroit, d’autres beaucoup moins par exemple ce qui reste de l’un des hauts lieux de la présence française, Fort de Chartres. Toutes ces présentations laissent place également aux témoignages des reliques des premières familles françaises, les archives.

Le tableau de la Louisiane, quatrième point d’ancrage des Français qui a su profiter de ses sources au nord et de son accès facile par la mer pour son peuplement, est dressé par Carl A. Brasseaux. La synthèse que nous livre l’historien-directeur du Centre d’études louisianaises à Lafayette, forme un bilan captivant de trois siècles d’immigration qui ont donné naissance à une population de langue française composée aujourd’hui de Créoles blancs et noirs, de Cadiens et d’Indiens Houmas. Les reportages, qui suivent, mettent à profit les connaissances qui nous sont déjà communiquées pour mieux nous aider à faire le point sur la situation et les paysages actuels, par exemple les raffineries qui remplacent les plantations en bordure du Mississippi. Ils ouvrent une porte sur le « côté noir de la Belle France », l’esclavage qui a contribué à la fortune des grands propriétaires terriens jusqu’à la guerre de Sécession. Ils donnent au lecteur à penser que si le bayou à l’ouest du delta mississippien, le deuxième plus grand marécage des États-Unis, et le territoire un peu plus au nord-est et au nord-ouest assurèrent la survie des Acadiens à la suite du « Grand Dérangement », par contre l’embouchure du Mississippi causa la perte d’une des figures les plus connues aux États-Unis, René Robert Cavelier de La Salle; la recherche de cette porte d’entrée l’amena à dévier de sa route 600 kilomètres plus à l’ouest sur la côte du Texas et contribua à la perte de son voilier « La Belle » comme à la sienne propre. La découverte de l’épave de « La Belle », échouée par plus de trois mètres et demi de fonds dans la baie de Matagorda et en train d’être restaurée à la suite de son exhumation, laisse tout lieu de croire que le souvenir de la vie d’hier des Français en Amérique n’est pas prêt de s’éteindre.

Le présent numéro nous apparaît viser à livrer au grand public une information de base, la plus à date possible, dans un style soigné et coulant, sur le premier empire colonial français, et soulever des questions qui, à l’occasion, ont du piquant : par exemple l’origine du nom Lachine accolé aux rapides, le nombre de seigneuries que traverse le tracé du Chemin du Roy, les prouesses du comte de La Pérouse à l’embouchure de la rivière Churchill en 1782, l’identité véritable de ces « Indiens blancs », la figure la plus connue des Américains après La Fayette, la portée de termes comme Créoles, Cadiens, Cajuns, etc. En ce sens, l’ouvrage est aussi à l’honneur du directeur éditorial et rédacteur en chef, Jean-Luc Marty. Mais là n’est pas le seul mérite de cette publication. Par sa mise en forme et par son visuel, elle crée également l’émotion nécessaire à l’incrustation de l’empreinte française dans la mémoire, en d’autres termes à faire passer de l’histoire à la mémoire l’aventure française en Amérique : les avancées sont accompagnés de photographies de personnages, d’événements et de scènes d’aujourd’hui de même que de reproductions de documents anciens, cartes géographiques, imprimés, manuscrits, etc. parfois saisissants.

À l’intention du lecteur intéressé à dépasser les connaissances livresques pour aller sur le terrain, la revue se termine par un guide pratique de parcours, dressant la liste des principaux points d’intérêt à visiter avec localisation et présentation sommaire de chacun de ceux-ci. Mentionner deux corrections à apporter (la localisation du village de Champlain, situé sur la rive nord du Saint-Laurent, dans la région du lac Champlain et l’adjonction du générique ville à Tadoussac, municipalité de village, p. 128) n’enlève rien à l’utilité de ce compagnon indispensable d’un voyage à la recherche du fait français, ni non plus à la qualité de l’ensemble de ce numéro spécial. Le contenu, le style d’écriture et la mise en forme sont à l’égal de la fierté des communautés de langue française pour leur héritage culturel de même que de leur l’attachement enraciné et soutenu pour celui-ci.

Gilles Durand
17 novembre 2006

 

 

Crédit : Histoire de l’Amérique septentrionale: divisée en quatre tomes; Claude-Charles Bacqueville de La Potherie. Paris : Jean-Luc Nion … et François Didot, 1722.
Source : Bibliothèque nationale du Canada
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