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Bulletin n°25, mai 2008

L’héritage linguistique que le Québec partage avec la France : la 3e Journée québécoise des dictionnaires

L’héritage linguistique que le Québec partage avec la France :
la 3e Journée québécoise des dictionnaires

 

par Gilles Durand

 

heritage linguistique dictionnaires

Monique C. Cormier, conceptrice de la Journée québécoise des dictionnaires
Crédit : Université de Montréal

Le 4 avril 2008 se déroule la 3e journée québécoise des dictionnaires. L’amphithéâtre du Musée des beaux-arts de Québec est complètement rempli. Conférenciers québécois et français se succèdent pour exposer le chemin parcouru par les lexicographes québécois et français depuis la Nouvelle-France jusqu’à aujourd’hui, et pour présenter leur apport au cours de la même période.

Le français d’usage en Nouvelle-France

Les premiers arrivants français amènent dans la vallée du Saint-Laurent leur langue, celle de l’Île-de-France déjà répandue à l’époque au centre, au nord et à l’ouest de la France. En même temps, l’élite surtout, membres des communautés religieuses, administrateurs et représentants du pouvoir royal, prend soin d’apporter dans ses bagages des imprimés, en particulier des dictionnaires, qui lui permettent de confirmer ou d’infirmer sa façon de parler et d’écrire. Le livre importé de l’Hexagone conserve alors toute son importance dans un pays dépourvu à l’origine d’imprimerie, de bibliothèque publique, de librairie et même de journal.

L’évolution de la langue après la Conquête

Dès le début du 17e siècle, au contact du nouveau continent, la langue évolue. Des mots nouveaux apparaissent, tantôt pour désigner des réalités nouvelles, tantôt comme une conséquence de la perception que les coloniaux entretiennent de leurs relations avec la France – désir d’autonomie, fidélité à la mère patrie –, par exemple les termes « habitant », « canadien » et « canadien-français ». Les nouveaux venus sentent le besoin tantôt de se conformer aux façons de s’exprimer de leur pays d’origine, tantôt de se différentier du paysan de l’Hexagone. À la suite de la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais en 1760, les ponts sont coupés entre le Québec et la France. Isolés, les Québécois font appel à des anglicismes pour désigner des réalités de tous les jours et, il faut bien l’avouer, ils ne sont pas sans permettre la contamination de leur langue par quelques bactéries, barbarismes et autres «jouals». Au cours du 19e siècle, des Canadiens français prennent conscience de cet écart entre leur langage et celui de la France, écart d’autant plus important que le français de la vallée du Saint-Laurent avait évolué plus lentement que celui de la France après 1760.

Les glossairistes puristes

Cette prise de conscience a des répercussions importantes au lendemain de l’échec des rébellions, provoquant un réalignement inconditionnel de certains lexicographes québécois, tel Thomas Maguire, sur la langue en usage dans l’Hexagone. Pour eux, la cause de cet écart est due à la contamination du français canadien par l’anglais et par le laisser-aller de leurs compatriotes. Plutôt que de tenter de dresser un inventaire exhaustif des mots et des tournures employés dans le langage courant afin de disposer de toute l’information nécessaire pour porter un jugement de valeur, ils adoptent plutôt une attitude de dénigrement. Par leurs glossaires de type correctif et mélioratif, ils tentent de provoquer un retour au français de France.

La description avant le jugement de valeur

D’autres glossairistes québécois empruntent cependant une voie différente. À compter de 1880 surtout, ils dépassent l’explication de la dégénérescence de la langue par les anglicismes et le laisser-aller de leurs compatriotes québécois pour aller au fond des choses. Au lieu de condamner, ils entreprennent la préparation d’inventaires et de répertoires des québécismes accompagnés d’explications. Par là, ils sont en mesure d’aller au-delà de la perception du langage des Canadiens français comme une langue conservatrice, c’est-à-dire restée conforme au français des 17e et 18e siècles, pour découvrir la richesse des mots et des tournures qui ont pris naissance en terre québécoise. De tels travaux, accomplis méthodiquement et d’une façon soutenue, contribuent à la revalorisation du français canadien.

La réalité québécoise du côté des lexicographes français

L’entrée du continent nord-américain, plus particulièrement de la Nouvelle-France, dans les dictionnaires français, progresse au rythme des découvertes. À compter de la fin du 16e siècle, des termes, tels « sauvage », « castor », « Canada », « nouvelle France », « Québec », « mâture », trouvent place dans de tels ouvrages. Avec la révolution tranquille, les québécismes, revalorisés, retiennent davantage l’attention des Français : à la fin des années 1960, des termes en référence aux symboles du Québec, tels « bleuet », « coureur des bois », « épinette », « poudrerie », « tuque », etc., trouvent place par exemple dans le Larousse. C’est l’entrée de Félix Leclerc chez Molière, dit-on.

D’autres projets et pour en savoir davantage

Plusieurs projets de dictionnaires sont en cours à l’heure actuelle. Mentionnons, à titre d’exemple, le projet FRANCUS (français québécois usage standard), mené à l’Université de Sherbrooke : tout en reconnaissant que plusieurs mots sont communs tant du côté de la France que du côté du Québec, les auteurs présentent la langue d’usage en tenant compte de la réalité québécoise, c’est-à-dire de son emploi au Québec, de nos valeurs et des textes de notre littérature, sans taire pour autant l’emploi français des mots. Pour en apprendre davantage, les lecteurs sont invités à consulter l’ouvrage Les dictionnaires de la langue française au Québec de la Nouvelle-France à aujourd’hui. Cette publication renferme les conférences prononcées lors de la 3e Journée des dictionnaires (et aussi d’autres exposés complémentaires).

Pionniers et pionnières de Touraine en Nouvelle-France

Pionniers et pionnières de Touraine en Nouvelle-France *

 

 

par Françoise Deroy-Pineau1

 

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Françoise Deroy-Pineau lors d’une conférence donnée au campus de Longueuil le 13 mars 2008
Crédit : Gilles Durand

Statistiquement, la Touraine ne représente que 1,5% des pionniers fondateurs, pères et mères de la Nouvelle- France. C’est peu par rapport au Perche, à la Normandie et au Poitou-Charentes. Cependant, la proximité avec le pouvoir royal de l’époque en a fait le lieu d’origine de personnalités marquantes dans l’histoire de la Nouvelle-France.

La Touraine (actuel département d’Indre-et-Loire) est à l’ouest de la région Centre de la France. Elle est arrosée par la Loire et trois de ses affluents : le Cher, l’Indre et la Vienne. Ce sont les principales voies de circulation jusqu’à l’époque contemporaine.

Tours est la capitale de la Touraine. Sa richesse remonte au roi Louis XI qui en fit, au XVe siècle, la capitale de la France. Il reste de cette période de très belles maisons et églises. Au XVIe siècle, le roi François 1er réside souvent en son château d’Amboise (à l’est de Tours) où il fait venir Léonard de Vinci. Un natif de cette ville est le premier Tourangeau en Nouvelle-France : il faisait partie de l’équipage de Jacques Cartier dont Rabelais (de Chinon) connaissait l’un des capitaines. Tourangeaux et Tourangelles, au XVIIe siècle, celui de la fondation de la Nouvelle-France, demeurent proches de la cour et du pouvoir. Ils sont bien informés des nouveautés et du Nouveau Monde. Mais le Canada a mauvaise réputation et la province ne manque de rien. Donc, ses natifs ne sont pas portés à émigrer. Toutefois, un certain nombre d’intrépides compteront parmi les pères et mères de la Nouvelle-France.

Qui est pionnier ou pionnière ? Selon le critère choisi, le nombre des colons partis de Touraine vers le Canada peut varier de 33 à plus de 200. Nous en avons repéré environ 150, sans compter les dizaines partis en Acadie et introuvables, car les registres d’état civil n’y existent plus depuis le « Grand Dérangement ». L’ensemble des pionniers de Touraine vient principalement de Tours, Loches, Chinon et Amboise et autres lieux le long des rivières. Ils se répartissent – grossièrement – en six vagues d’émigration correspondant à des dates-clés de la fondation de la Nouvelle-France.

  1. 1632 : plusieurs dizaines de futurs Acadiens, menés par le commandeur de Razilly, de Chinon (1587-1635), le controversé Menou-d’Aulnay et Nicolas Denys, de Tours.
  2. 1639 : Marie Guyard de l’Incarnation et sa suite arrivent à Québec.
  3. 1650 : la fameuse famille Simon Denys débarque à Québec via l’Acadie.
  4. 1653 : sept membres de la « Grande recrue » viennent conforter la fondation de Montréal.
  5. 1665 : onze soldats + un officier du régiment de Carignan-Salières (26 autres soldats au cours du temps).
  6. 1665-1673 : quatre « Filles du Roi » viennent se marier et s’installer dans la vallée laurentienne. La plus fertile est Jeanne Languille d’Artannes, ancêtre des Allard. Elle aura 8 enfants et 26 481 descendants mariés au seuil du XXe siècle.

Gervais (ou Gervaise), de Souvigné et Perthuis dit Lalime, d’Amboise l’ont surpassée. Chrétien de Loches, Chagnon de (La Haye)-Descartes, Bénard de Villiers-au-Bouin, Chouinard de Beaumont-la-Ronce, Danis, de Montlouis, Testu du Tilly, de Panzoult, Marie dit Sainte-Marie sont aussi des Tourangeaux prolifiques qui ont participé à la naissance du nouveau pays.

D’autres pionniers ont été moins prolifiques, mais leur œuvre a compté, car ils furent des administrateurs de talent. Louis Rouer de Villeray (Amboise, 1629 – Québec, 1700), soldat, puis procureur et premier membre du conseil souverain, se distingue par sa carrière et son goût d’apprendre, tout au long de sa vie, le commerce, l’agriculture et le droit. Sa vaste bibliothèque, chose rare à l’époque, en a fait foi. Thomas-Jacques Taschereau de Sapaillé (Tours, 1680 – Québec, 1749), secrétaire de l’intendant Bégon en 1726, a développé la Beauce québécoise.

Enfin, des célébrités n’ont pas fait souche outre-Atlantique, mais y ont laissé trace dans l’Histoire :

  • le chevalier Huault de Montmagny (Tourangeau par son grand-père d’Azay-le-Rideau), premier gouverneur après Champlain ;
  • Pierre Le Voyer d’Argenson (de Mouzay), 3e gouverneur ;
  • Jacques du Chesneau, intendant, de Tours ;
  • Jacques de Meulles (intendant, Tourangeau par sa mère) ;
  • Jean Bochart (intendant dont l’épouse est Tourangelle) ;
  • François Bigot, le dernier intendant qui souleva le scandale ;
  • les marchands François Hazeur et Denis Riverin ;
  • les missionnaires Claude Trouvé et Jean-Mandé Sigogne.

Le cas de Paul-Joseph Lemoyne de Longueuil, né à Longueuil, près de Montréal, et militaire à la triste destinée mérite une mention : il a été chargé de veiller sur les familles des officiers français rapatriés en Touraine après la conquête anglaise de 1760.

Aucun (ou presque) de ces premiers colons n’aurait pu survivre sans l’aide apportée par les ursulines de Québec, fondées par la Tourangelle Marie Guyard de l’Incarnation considérée comme le troisième personnage de la Nouvelle-France après Cartier et Champlain. Dès le début de la colonie, elle s’est avérée une personne pivot essentielle. Lors d’une période critique à la suite de l’incendie du premier monastère construit par elle (sur le modèle de celui qui est actuellement une école de musique et qu’elle avait vu construire), les principaux habitants de Québec ont décidé, en 1651, de placer la reconstruction du monastère en priorité nationale. Même les conquérants anglais ont gardé les ursulines à Québec (comme les autres religieuses) et confié leurs filles à leur éducation. La manière dont Marie Guyard a mobilisé ses réseaux sociaux est typique de la détermination des personnes-clés parmi les pionniers lors de la naissance de la population de Nouvelle-France.

La première grammaire française est arrivée à Québec avec les ursulines. On dit que c’est en Touraine que l’on parle le meilleur français et que ce sont les femmes – mères de famille et enseignantes – qui ont gardé la langue française en Amérique du Nord. Cette coïncidence n’est peut-être pas fortuite et suffirait à elle seule pour expliquer les liens toujours actuels entre Touraine, Québec et Canada (jumelage entre les Villes de Tours et Trois-Rivières, centre franco-québécois interuniversitaire à l’Université François-Rabelais de Tours, présence de plusieurs associations franco-québécoises et franco-canadiennes en Touraine).

* Résumé d’une conférence prononcée au Campus de Longueuil de l’Université de Montréal, le 13 mars 2008.

 

1Sources :
  • H.Charbonneau, B. Desjardins et al., 1987, Naissance d’une population. Étude de démographie historique, Paris, PUF. Et précisions du Programme de démographie historique de l’Université de Montréal (PRDH).
  • F.Deroy-Pineau
  • 1992, Madeleine de La Peltrie, amazone du Nouveau Monde, Montréal, Bellarmin.
  • 1999 (1re éd. Robert Laffont, Paris, 1989), Marie de l’Incarnation, femme d’affaires, mystique, mère de la Nouvelle-France, Montréal, Bellarmin.
  • 2000 (coord.), Marie de l’Incarnation, un destin transocéanique, Paris, L’Harmattan. Spécialement les articles de Brigitte Maillard, Idelette Ardouin et Pierre Leveel.
  • Dubé, J.-C., 1984, Les intendants de la Nouvelle-France, Montréal, Fides, coll. Fleur de Lys.
  • Dictionnaire biographique du Canada en ligne
  • Fichier origine
  • Marie de l’Incarnation, Correspondance (1971) et Écrits spirituels et historiques (1985), Ursulines de Québec.
  • M. Trudel
  • 1976, Montréal, la formation d’une société 1642-1663, Montréal, Fides
  • 1983, Histoire de la Nouvelle-France, III-2, Montréal, Fides
  • 1999, Les écolières des Ursulines de Québec 1639-1686, Montréal, Hurtubise HMH
  • 2001, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec (tome 1), Montréal, Hurtubise HMH, Biblio. québ.

Les pionniers de Touraine en Nouvelle-France

Les pionniers de Touraine en Nouvelle-France

 

COLLOQUE DU 26 AVRIL 2008 APRÈS-MIDI
Auditorium Léopold Senghor du Lycée Descartes, organisé par Touraine-Canada,
avec le concours de la Ville de Tours, de Touraine-Québec, de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Touraine, de l’association Marie Guyart, du Centre généalogique de Touraine, de la Société archéologique de Touraine

 

Résumés des interventions

Photo prise à l’issue du colloque lors du lancement de la souscription en faveur de la Chapelle Saint-Michel où Marie Guyard de l’Incarnation a pris conscience de son dessein de partir en Nouvelle-France.

pionniers touraine

De gauche à droite : Monique Maupuy, adjointe au Maire de Tours, chargée des affaires juridiques et des archives; Jean-Patrick Gille, conseiller municipal et député de Tours à la Chambre des députés; Jean-Pierre Dechelle, délégué départemental d’Indre-et-Loire de la Fondation du Patrimoine; Françoise Deroy-Pineau, présidente de Touraine-Canada; Jean-Claude Marandon, directeur au Crédit agricole; Jean-Luc Porhel, directeur des Archives, de la documentation et du Patrimoine de la Ville de Tours.
Crédit : Francis Brisset.

14h – Mot de bienvenue par un représentant de M. Jean-François Ouvrard, proviseur du Lycée Descartes
Mot d’accueil par Jean-Luc Porhel, Conservateur en chef du Patrimoine de la Ville de Tours.

Présentation : Françoise Deroy-Pineau, présidente de Touraine-Canada, socio-historienne, Université de Montréal

Ce colloque, organisé dans le cadre de la commémoration du 400e anniversaire de la fondation de Québec, fait suite à une série de conférences organisées par Touraine-Canada sur les pionniers de la Nouvelle-France. Il a pour but de préciser et souligner la participation des Tourangeaux et des Tourangelles à la fondation du Canada, spécialement à Québec. Plusieurs d’entre eux se sont particulièrement distingués. C’est sur eux que porteront les communications qui suivent.

Les Tourangeaux notables dans la fondation du Canada (14h30-15h30)
Jean-Luc Porhel modérateur

Administrateurs de la Nouvelle-France venus de Touraine
Brigitte Maillard, professeur émérite, Université de Tours
En 1663 l’administration de la Nouvelle-France est définitivement organisée sur le modèle français (vénalité des offices exceptée). Pour la plupart d’entre eux les gouverneurs et intendants originaires ou venus de Touraine ont exercé leurs fonctions dans la seconde moitié du XVIIe siècle, ils ont eu à mettre sur pied l’administration et à développer la colonisation de ces territoires mais leurs rapports ont souvent été difficiles.

Razilly, amiral de France et « canadien »
Alain Jacquet, historien médiéviste, président de la Société archéologique de Touraine
Isaac de Razilly, dit « Le Commandeur », a été, dans la première moitié du 17ème siècle, un des protagonistes de la colonisation de la « Belle Province » et un des premiers marins français à prôner une Marine puissante afin de protéger les routes commerciales permettant d’enrichir le royaume, dans un mémoire qu’il remit sur sa demande au cardinal de Richelieu.

Simon Denys : un Tourangeau fait souche en Nouvelle-France
Guy de Bonnaventure, membre du Centre généalogique de Touraine et de Touraine-Canada
Avant 1650, quatre générations au service de la ville de TOURS et du Roi; après cette date, quatre générations nouvelles enracinées en NOUVELLE-FRANCE. Telle est la saga de la famille DENYS. Simon DENYS (16OO-1678) est le principal artisan de cette migration.

Marie Guyard, mère de la Nouvelle-France (15h45-16h45)
Marie Diane Picard, prieure des ursulines de Tours et Canadienne, modératrice

Les religieuses tourangelles en Nouvelle-France au XVIIe siècle
Robert Sauzet, professeur émérite, Université de Tours
Hors toutes considérations apologétiques ou édifiantes, extérieures au domaine de l’Histoire, les religieuses tourangelles et d’abord Marie Guyart et ses compagnes tiennent une place éminente parmi les pionniers créateurs de la Nouvelle-France. Il s’agit de situer brièvement ces femmes et la naissance de leur projet, d’évoquer les réseaux qui ont permis leur entreprise notamment les cercles dévots (Mme de La Peltrie, M. de Bernières…) et enfin les caractères originaux de leurs réalisations au Canada sur le plan religieux et éducatif.

Le milieu familial de Marie Guyard
Idelette Ardouin-Weiss, présidente d’honneur du Centre généalogique de Touraine et académicienne de Touraine
Après avoir dépouillé des centaines d’actes d’état civil et de minutes notariales, on peut affirmer que les Guyard étaient une famille d’artisans attachés aux valeurs morales et spirituelles et sachant les transmettre à leurs descendants.

Marie Guyart, pionnière de Nouvelle-France et son fils tourangeau, Claude Martin, biographe de sa mère
Isabelle Landy, agrégée de l’Université, Maître de conférences, Univ. de Paris VII Denis- Diderot.
La maternité de Marie Guyart si durement assumée lui donna, avec son fils Claude Martin devenu à son tour bénédictin, non seulement un frère dans la spiritualité mais aussi un biographe doublé d’un éditeur qui, en bâtissant sa “Vie de Marie de l’Incarnation” à partir et autour des écrits de sa mère, leur assura une survie dont nous profitons aujourd’hui.

16h45 – Conclusions par Jean-Mary Couderc, président de l’Académie des sciences, arts et belles lettres de Touraine.
17h15 – Lancement (sur place à l’auditorium Léopold Senghor) de la campagne de souscription organisée par la Fondation du Patrimoine et le Crédit agricole concernant la Chapelle Saint-Michel, lieu de mémoire franco-canadien géré par Touraine-Canada.

Les lettres de Paris adressées par Joseph-Charles Taché à l’Institut littéraire de Rimouski en 1855

Les lettres de Paris adressées par Joseph-Charles Taché
à l’Institut littéraire de Rimouski en 1855

 

par Claude La Charité
Université du Québec à Rimouski

Joseph-Charles Taché (1820-1894), écrivain, médecin, homme politique et journaliste, fut au XIXe siècle le premier Québécois à se rendre en France dans le cadre d’une mission politique officielle, à titre de commissaire du Canada lors de l’Exposition universelle de Paris en 1855. Rimouskois d’adoption de 1843 à 1857, c’est à l’Institut littéraire de Rimouski qu’il adressera une quinzaine de lettres relatant son voyage. Au terme de son séjour, il fut aussi le premier Québécois à être fait chevalier de la Légion d’honneur par Napoléon III.

Les comptes rendus épistolaires de Taché

Les comptes rendus épistolaires de Taché, rédigés depuis Paris, furent publiés dans Le Journal de Québec, politique, commercial, industriel et littéraire d’Augustin Côté, d’avril à novembre 1855, à un moment particulièrement effervescent dans l’histoire des relations franco-québécoises. La reprise des liens officiels entre la France et le Québec, à la faveur de la récente alliance entre l’Angleterre et le Second Empire, faisait que la France était alors, plus que jamais, dans tous les esprits. En témoigne la publication en feuilleton, à la même époque, dans les colonnes du même journal, de l’essai de Joseph-Guillaume Barthe, Le Canada reconquis par la France. À partir de juillet de la même année, Le Journal de Québec relatera, dans les plus menus détails, le voyage au Québec du navire français La Capricieuse, symbole par excellence de cette relation renouée avec l’ancienne mère-patrie. Les lettres parisiennes de Taché participent de cette même francophilie exacerbée.

Si Taché adresse ses lettres à l’Institut littéraire de Rimouski, c’est dans l’esprit de prolonger, par d’autres moyens, l’œuvre de cette institution visant à remédier à la quasi complète absence de bibliothèques publiques et d’institutions d’enseignement supérieur à l’époque au Québec. Avant de partir, Taché avait d’ailleurs fait don de 500 volumes de sa bibliothèque personnelle à cet Institut. En réponse à la lettre de remerciement que lui adressent la trentaine de membres fondateurs, le donateur écrit dans Le Journal de Québec :

Vous avez bien voulu mentionner les quelques volumes de ma bibliothèque; mais cela n’en vaut pas la peine, et ce don n’est que le moindre bien que je veux à cet Institut. Pendant mon séjour à Paris, je vous écrirai chaque semaine. Mes lettres qui embrasseront les principaux événements de nature à vous intéresser, seront adressées à votre secrétaire. Et je me ferai un devoir d’obtenir en France autant d’ouvrages que je pourrai pour votre bibliothèque, afin que le goût de l’étude se répande de plus en plus.

En plus de maintenir les liens avec ses concitoyens dont il est le député au parlement du Canada-Uni, la correspondance parisienne permet à Taché, le « plus universellement érudit des Canadiens » (au sens qu’avait alors le terme, à savoir Québécois, les Canadiens anglais se considérant comme Anglais tout court) selon Casgrain, de vulgariser son savoir en matière d’histoire, d’urbanisme, de beaux-arts, de développement industriel grâce au chemin de fer, de démographie, d’ethnographie avant la lettre, voire de sciences, au gré des circonstances de son itinéraire en Europe.

Comme beaucoup de Québécois de son temps, Taché se définissait d’abord comme un Français d’Amérique. Même si, dans sa jeunesse tumultueuse, il avait été, de son aveu, un « patriote enragé », s’habillant en étoffe du pays, c’est-à-dire en paysan, pour boycotter les produits manufacturés en Angleterre, sa première fidélité allait à la France, une France certes idéalisée : la France catholique de l’Ancien Régime. Il définira d’ailleurs cette identité nationale dans la préface aux Trois légendes de mon pays (1861) dans ces termes :

Nous sommes nés comme peuple, du catholicisme, du dix-septième siècle et de nos luttes avec une nature sauvage et indomptée, nous ne sommes point fils de la Révolution et nous n’avons pas besoin des expédients du romantisme moderne pour intéresser des esprits qui croient et des cœurs encore purs.

Il fut, comme il l’écrira dans une de ses lettres de Paris, « nourri dans le silence des souvenirs de l’histoire » et « aim[ait] à rêver et à converser avec le passé ».

Le voyage en France par l’Angleterre

Le voyage qu’il entreprend à bord du bateau à vapeur qui l’amène de Halifax à Liverpool est d’abord l’occasion de réactiver les lieux de mémoire qui constituent l’ancienne France, toujours vivante à ses yeux au Québec, et en quête des vestiges de laquelle il se mettra, une fois en France. La remarque qu’il formule en croisant les bateaux de pêcheurs sur les bancs de Terre-Neuve est éloquente à cet égard :

Or, vous pouvez imaginer avec quel plaisir j’ai contemplé les barques pêcheuses que nous rencontrâmes sur les bancs. Cette vue avait pour nous Canadiens un attrait de plus que pour nos compagnons, car le sang basque, breton et normand coule dans nos veines, et nous voyons encore dans le Saint-Laurent, sur l’île aux Basques en face de la paroisse des Trois-Pistoles, les ruines des fourneaux où les enfants de Bayonne venaient fondre l’huile des baleines tuées par eux.

À bord du vapeur, Taché est d’abord frappé par le fait que le français, comme au siècle des Lumières, constitue la langue d’échange par excellence des voyageurs de toutes origines. Lors de son bref passage en Angleterre, c’est à nouveau la présence de la culture française qui retient son attention :

Je loge dans ce qu’on peut appeler le quartier français de Londres, au Leicester Square. Là vous êtes entouré d’hôtels français : l’hôtel de la Galissonnière, l’hôtel de Versailles, l’hôtel d’Europe, l’hôtel de Province où je logeais; là vous entendrez parler français autour de vous, et presque tous les vitraux des boutiques portent les mots suivants : « Ici on parle français. »

Dans le compte rendu de la partie anglaise de son voyage, Taché ne rêve en réalité que d’arriver en France et en particulier à Paris, dans ce qu’il appelle par une connivence avec ses lecteurs québécois « notre Paris » : « Je voudrais vous faire voyager plus promptement; car je conçois qu’il vous tarde d’arriver à Paris, et vous n’avez pas là tout à fait tort, je vous l’avoue. »

De fait, en foulant le sol français, Taché est animé par ce qu’on pourrait appeler, à juste titre, la mystique de la France éternelle dont il se sent partie prenante :

Enfin mon pied a touché le sol de la France, terre de nos aïeux!… L’histoire de cette belle race [au sens de peuple, sans nuance raciste] dont nous sommes si fiers; les épisodes si poétiques, si glorieux de la découverte et des guerres du Canada; le souvenir des lettres qui ont signalé la constance avec laquelle nous avons défendu nos vivifiantes croyances, notre belle langue, nos institutions… tout cela se présentait à mon imagination […] Je renonce à décrire tout ce qui se passait en moi; mais j’ai la consolante pensée qu’au pays tout le monde comprend et sent parfaitement ce que la plume aurait peine à rendre.

La relation du voyage en France

La relation du voyage en France s’attarde sur cette culture qui apparaît si familière à bien des égards, mais aussi si radicalement différente à d’autres égards, Taché ne reconnaissant de véritable supériorité au Québec que sur le plan de l’immensité de la nature. À Calais, par exemple, il est frappé de voir les hommes, les femmes et les enfants pêcher avec leurs filets comme dans « le bas du fleuve Saint-Laurent », à ceci près que « chez nous le paysage a beaucoup plus d’ampleur et de grandiose ».

Même lorsque la France qu’il découvre se révèle étrangère à celle qu’il a rêvée dans ses conversations silencieuses avec le passé, Taché trouve le moyen de la ramener à son expérience québécoise, par exemple lorsqu’il apprend l’existence, dans le nord, de Français parlant flamand : « Savez-vous qu’il y a encore beaucoup des habitants de cette partie de la France qui parlent le flamand et presque pas du tout le français? C’est que, voyez-vous, c’est une honte que d’oublier la langue que nous a parlé notre mère… »

À Paris, « l’immense capitale du monde civilisé qui est à la fin la Tyr, la Rome et l’Athènes modernes », Taché multiplie les lettres pour décrire la topographie de la ville ou pour proposer une typologie des quartiers en fonction des classes sociales. Le commissaire découvre avec plaisir et fascination une « francité » qu’il partage, constituée d’abord et avant tout par un certain art de vivre, qu’il appelle « la vraie vie parisienne » :

La place de la Concorde est la plus belle du monde entier, entourée qu’elle est de palais, de jardins et de merveilles de toutes sortes; […] c’est le centre de la vraie vie parisienne, de cette vie en plein air, au soleil ou sous le couvert, qui s’étale partout, des Champs-Élysées et de là à gauche et à droite dans le Jardin des Tuileries, sur les boulevards intérieurs; qui se promène à pied, à cheval, en coupé, en fiacre, en carrosse à 200 000 francs par an, ou à 1 franc 10 centimes la course : qui se repose assis sur des chaises de louage ou dans le gazon, quelquefois même sur une borne, qui vit, boit et mange à la porte des cafés des boulevards ou dans l’enceinte palissadée des cafés chantants des Champs-Élysées : le Parisien a besoin de vivre dehors et surtout de voir et d’être vu.

Le plaisir évident qu’éprouve le voyageur devant cette forme de sociabilité à la fois familière et exotique fait penser à ce qu’Arthur Buies écrira quelque vingt ans plus tard à propos de Rimouski, vantant « la politesse aisée », « l’urbanité cordiale » et la sociabilité quasi méditerranéenne qui y règnent, même si Rimouski, au XIXe siècle comme aujourd’hui, n’est certes pas Paris et qu’il serait abusif d’y voir l’influence du seul Taché (mais on ne prête qu’aux riches) : « Sa population condensée, active, est très sorteuse. »

Loin de réduire la « francité » partagée par la France et le Québec à ce seul art de vivre, Taché la définit par dessus tout par un certain savoir-vivre qu’il observe (ou qu’il projette, la frontière en la matière étant souvent indiscernable) sur les Français de 1855. La politesse exquise liée à ce savoir-vivre transparaît d’abord dans une anecdote à propos de l’exposition des beaux-arts où les Français, portés par leur goût de l’étranger, semblent favoriser les œuvres d’ailleurs au détriment des talents nationaux :

Plus on étudie le concours immense ouvert à l’art humain dans ce siècle, plus chacun se convainc que la France est sans rivale en ce genre aujourd’hui. Aussi ses critiques, ses auteurs prennent-ils cette désinvolture de politesse de grand seigneur qui est joliment ennuyeuse pour des novices et des étrangers. On parle beaucoup de M. un tel de l’étranger et des jolis paysages qu’il a peints, et l’on nous parle à peine des œuvres superbes des artistes nationaux. C’est comme si vous alliez chez un riche propriétaire dans l’espérance de voir un parc et des jardins splendides et que ce gentilhomme ayant vu votre passable habitation vous dirait : « Mais, Monsieur, votre domaine est très bien, c’est disposé avec un goût exquis », et finirait par ne pas vous montrer le sien.

Cette politesse apparaît à nouveau chez les membres de la noblesse de sang, assagis par les malheurs de la Révolution, et la noblesse de mérite personnel (savants, hommes de haute littérature et de haute industrie, selon ses termes) : « Tout ce haut monde […] se distingue par des manières simples et dignes, par une politesse exquise sans affectation. » Ce savoir-vivre transparaît enfin dans le comportement des plus humbles, comme s’il s’agissait d’un trait distinctif de tous les Français, quelle que soit leur origine : « Ici toute la population revêt un certain vernis de manières et de langage qui, bien que n’étant pas toujours l’indice de l’éducation, en offre néanmoins les dehors agréables. »

Or, cette fascination pour la politesse des Français, quels qu’ils soient, fait singulièrement écho à ce que Taché écrivait dans De la tenure seigneuriale en 1854, où il plaidait pour l’abolition du régime seigneurial, tout en formulant l’espoir qu’on en conserve le plus important, le fondement de ce que nous appellerions aujourd’hui « la société distincte » :

Nous avions de la féodalité ce qu’elle a de bon et c’est probablement en partie à cette institution que nous devons les mœurs chevaleresques et l’exquise politesse de notre population ; tâchons de faire en sorte que ces excellentes choses restent quand le système seigneurial sera éteint, et gardons-nous d’insulter aux institutions qui passent. La liberté et l’égalité y gagnent de n’être pas accompagnées d’allures triviales et malséantes.

La relation privilégiée qu’entretiennent la France et le Québec

Ces quelques exemples montrent suffisamment l’intérêt qu’il y aurait à rééditer et à étudier cette correspondance si riche en regard de la relation privilégiée qu’entretiennent la France et le Québec, surtout dans le contexte actuel de la commémoration du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec où le gouvernement fédéral canadien semble plus déterminé que jamais à récupérer l’événement. La pertinence d’un tel projet s’impose également quand le président de la République affirme que l’on n’a pas demandé de quelle langue maternelle étaient les Canadiens morts au combat pour libérer la France lors de la Seconde Guerre mondiale. En approfondissant la question, on découvrirait que les Canadiens anglais qui y sont morts étaient mobilisés par une guerre coloniale de l’Angleterre, dont les enjeux leur échappaient, alors que les Québécois étaient à coup sûr inspirés, eux, par la même idée de la France éternelle que Joseph-Charles Taché.

N.D.L.R. Pour de l’information additionnelle sur Joseph-Charles Taché, rendez-vous sur le site de l’Assemblée nationale

La pensée reclusienne, la francophonie et l’Amérique du Nord.

Les lettres de Paris adressées par Joseph-Charles Taché
à l’Institut littéraire de Rimouski en 1855

Pour Onésime Reclus (…)
les langues vouées à un avenir international, comme l’anglais et le français, se révélaient être
des facteurs capables d’influencer durablement, (…) les « milieux humains »1.

 

par Aurélien YANNIC2
pensee reclusienne

Onésime Reclus
Source: Wikipedia

Tout au long de cet article, nous comptons dégager les caractères et les particularismes propres à la francophonie québécoise de son énonciation par Onésime Reclus à la fin du XIXe siècle, jusqu’à la période ultracontemporaine alors que le Second Sommet de Québec va avoir lieu.

 

En raison de sa relecture du rapport à l’autre, unité dans la diversité, et de son ambition déclarée de promouvoir une civilisation francophone universelle passant par le particulier, il nous semble primordial d’effectuer un examen approfondi des différentes acceptions et nuances présentes dans la francophonie, mot polysémique par excellence, ainsi que des autres concepts telles francité et diversité culturelle qui la renforcent ou la précisent. Il existe, dans la pensée reclusienne, une “conscientisation” particulièrement poussée de la dimension et de la problématique francophone au Canada. Ainsi, dès sa conception au XIXe siècle, la francophonie possédait une relation particulière, privilégiée et intense avec la vallée laurentienne. Ce fut bien Reclus, longtemps avant de Gaulle, qui commença à payer « la dette de Louis XV » vis-à-vis des Canadiens français et des futurs Québécois en concevant la francophonie. Dans ce même ouvrage3 il estimait au 31 décembre 1880, le nombre de francophones dans le monde à 47 825 000 personnes : 41 600 000 en Europe, 3 560 000 en Afrique, 2 580 000 en Amérique et 85 000 en Océanie4. Ce qui représentait selon lui, « la puissance maxima de la francophonie de l’époque. » En cela, la définition proposée par Reclus croise des notions linguistiques, culturelles, géopolitiques, historiques et sociales. Dans Le plus beau royaume sous le ciel5 ou La France à vol d’oiseau6, Onésime Reclus géographe descriptif dépeint avec un lyrisme patriotique, les paysages et les populations de France, à la manière d’un Jules Michelet. Il maniait avec amour le français dans un style précis, énergique et poétique qui rendait communicative l’émotion de ses descriptions. La théorie échafaudée par Reclus repose sur l’idée d’influence du milieu ; la langue apparaît comme le socle des empires, le lien solidaire des civilisations :

Il n’y a plus de races, toutes les familles humaines s’étant entremêlées à l’infini depuis la fondation du monde. Mais il y a des milieux et il y a des langues. Un ensemble de conditions physiques, sols, climats, vents, pluies, soleil, mariage de la terre et de la mer ou divorce entre l’une et l’autre, a fait d’un confus brassement de “races” des peuples parfaitement distincts”. Dès qu’une langue a “coagulé” un peuple, tous les éléments “raciaux” de ce peuple se subordonnent à cette langue. C’est dans ce sens qu’on a dit : la langue fait le peuple, lingua, gentem, facit7.

La francophonie : une communauté de langues et de valeurs flexibles

Par conséquent, nous pouvons affirmer que la francophonie sans être une réalité numérique extrêmement précise, ni de nos jours ni à la fin du XIXe siècle, se présentait dès sa conception comme une communauté de langues et de valeurs flexibles rompant avec l’approche géopolitique des nationalités, des “races” et des confessions en vigueur à l’époque. Par exemple, Dans l’Atlantide, pays de l’Atlas8 publié au début du XXe siècle, il dénombre les populations en fonction de la langue qu’elles utilisent au sein du noyau familial et à l’extérieur de celui-ci9, notamment dans leurs relations sociales. Toujours clairvoyant, Onésime Reclus fut d’une étonnante lucidité au sujet de la France et de son rôle lors du siècle à venir. En cette fin de XIXe siècle, il estimait que celle-ci se fourvoyait doublement en voulant présider aux destinées de l’Europe, et demeurer une nation de premier ordre par sa seule puissance hexagonale : «proportionnons l’œuvre à l’ouvrier». Toujours à propos du français et de son avenir qu’il qualifiait de « mondial » pour le XXe siècle, il parvint avec une étonnante sagacité à anticiper les lignes directrices de cet idiome, de son rayonnement et à souligner les failles internes de l’aire francophone.

Le français jouit encore de la prépondérance que lui firent, il y a deux cents ans, la splendeur de la cour du Grand Roi, il y a cent ans l’esprit de ses écrivains ; mais cette royauté touche visiblement à sa fin : l’anglais passe au premier rang, et derrière l’anglais s’avancent le russe , l’espagnol, et même le portugais grâce au Brésil. Pour le moment le français règne encore comme lien de la société, langue du plaisir, du théâtre, de la politique. C’est l’instrument de la diplomatie depuis le traité de Nimègue, ce qui lui donne déjà plus de deux cents ans d’empire. Tous les gens dits hommes du monde le parlent, (…). Les Italiens, les Portugais, les Roumains, les Néo-Latins d’Amérique l’apprennent facilement, sauf l’accent : n’est-ce pas le fils du latin, père de leurs propres langages ? Hors de France, non compris les millions d’hommes pour lesquels c’est la langue essentiellement distinguée, et comme la seconde langue maternelle, hors de France, son empire direct, diminué par la perte de nos vieilles colonies, s’agrandit peu de nos jours (…) Toutefois c’est le parler national de plus de 3 à 4 millions d’Européens et d’autant de non Européens10.

Une approche culturelle globalisée

Si la vision d’Onésime Reclus à propos de la francophonie est une notion englobante et mondiale, elle n’est en rien une entité panfrançaise sur le mode du pangermanisme. Dès sa conception, Reclus la conçoit comme une nouvelle échelle spatiale et humaine, capable de relier la francité à l’ensemble des variables civilisationnelles. Onésime Reclus par ces quelques alinéas dessinait les contours de l’espace francophone international, tout en abordant la question de la néolatinité en Amérique et plus largement les liens qui unissent les langues latines au français. Il les qualifia à maintes reprises de langues sœurs, preuve de la contemporanéité et de la pérennité d’une part importante de sa réflexion, au vu des rapprochements récents entre la francophonie, l’hispanophonie et la lusophonie. L’Union latine redevenant une piste concrète de diversité culturelle et de respect des identités et des langues issues de la méditerranée. Cependant avec lucidité, conscient des limites de l’espace francophone mondial, il n’oubliait pas d’ajouter à propos des francophones et du potentiel des locuteurs de langue française :

Dans l’état présent, il faut au moins dix ans aux francophones pour augmenter de 2 millions. Comme la France est inféconde, que la Belgique et la Suisse n’ont plus de place pour les nouveaux venus, nous ne pouvons attendre un rang d’accroissement meilleur que de deux pays plus jeunes que le nôtre, l’Afrique du Nord, âgée de cinquante ans, et le Canada, qui n’a pas encore trois siècles. Les mêmes dix années donnent à la langue anglaise déjà deux fois plus parlée que la nôtre, au moins quinze millions d’anglophones ; à la langue russe, dix millions de russophones. Aux deux langues sœurs de l’Ibérie, huit à dix millions de castillanophones ou de lusitanophones11.

Son exposé prospectif, une fois encore fait mouche lorsqu’il aborde sans utiliser le terme la «globalisation», qu’il augure presque un siècle avant la réalité de cette conjoncture. De plus, il pressentit l’extinction des langues indigènes et la disparition programmée à plus ou moins long terme des langues minoritaires à l’échelle mondiale et plus spécifiquement en Amérique.

Comme le seul anglais prend la place des idiomes indiens de l’Amérique du Nord terre franco-canadienne à part, comme l’espagnol et le portugais dévorent chaque année quelques vocabulaires de l’Amérique du Sud, les langues des peuples colonisant finiront en tous pays par étouffer les autres. Dans quelques siècles on ne parlera sans doute que l’anglais, le russe, l’espagnol, le portugais, le français, l’hindoustani, le chinois, peut-être l’arabe. Pourvu qu’au lieu de toutes ces langues, dont chacune a sa beauté ne se forme un jour un sédiment (…) un patois sans harmonie, sans poésie, sans noblesse, sans flexibilité, (…) une langue franque, un sabir, un papamiento né du concours de tous les commerçants du Globe !12.

Reclus souligna également le besoin d’unité de la francophonie ou à défaut celui de cohésion, nécessaire aux francophones pour assurer leur pérennité sur la longue durée. Il évalua une masse critique minimale indispensable au maintien et au développement de la langue française vecteur de francophonie. L’évaluation qu’il réalisa nous semble des plus réalistes et justes quant au rapport de force linguistique de la fin du XIXe.

48 millions d’hommes, c’est à peu près le trentième des mortels puisqu’on estime la race effrontée de Japet à quatorze ou quinze cent millions d’êtres. Il ne faut pas trop descendre en dessous de cet humble trentième ; il serait bon que la francophonie doubla ou tripla pendant que tripleront certaines hétéroglotties car l’humanité qui vient se souciera peu des beaux idiomes, des littératures superbes, des droits historiques ; elle n’aura d’attention que pour les langues très parlées, et par cela même très utiles. […] « La vulgarité prévaudra » sur cette Terre où les monts s’émiettent, où les lacs se comblent, où les cascades s’usent, où les forets tombent, où les nations meurent, où l’humanité vieillit13.

Sa modération pragmatique serait des plus constructives aux évaluateurs francophonistes actuels, pêchant souvent sans réelle mesure. Certains tel Jean-Louis Calvet limitent par excès de pessimisme la francophonie à une centaine de millions de locuteurs, alors que d’autres proches de Maurice Druon avancent le chiffre outrancier du demi-milliard. Nous avons volontairement choisi d’utiliser de longs extraits des écrits d’Onésime Reclus, afin de donner une vision plus exhaustive de sa pensée que celle habituellement retranscrite par les francophonistes. Ceux-ci le présentent soit comme un géographe épris d’encyclopédisme, en prenant soin de gommer son appui déterminé à l’aventure coloniale française, soit ne retiennent de lui que cet aspect. Au nom de cette filiation théorique, ils fustigent la francophonie passée et présente l’accusant d’être une résurgence travestie d’un impérialisme hexagonal14. Alors que cet auteur écrivait :

Nous renonçons pour notre chère et claire langue à son ancienne hégémonie nous ne la regrettons même pas. […] A la royauté du français nous devons la moitié de notre colossale ignorance. Tous les hommes instruits de la Terre savent au moins deux idiomes le leur et le nôtre ; nous, dans notre petit coin, nous ne lisons que nos livres et ce qu’on veut bien nous traduire. C’est pourquoi nous sommes en dehors du monde et de plus en plus dédaignés par lui. Quand le français aura cessé d’être le lien social, la langue politique, la voie générale, nous apprendrons les idiomes devenus à leur tour « universels », (…) et nous y gagnerons de la science, de l’étendue d’esprit et plus d’amour pour notre français15.

Avec son essai France, Algérie et colonies et ses divers écrits il apparaît clairement qu’Onésime Reclus, à partir d’une analyse géographique descriptive, mène également une réflexion prospective plus globale sur le français, les idiomes, la francophonie et plus largement sur la diversité linguistique et culturelle. Toutefois, cette dernière remarque ne s’applique qu’aux seules langues disposant d’un grand nombre de locuteurs et d’un rayonnement spatial suffisant. La présence systémique d’un processus historique original est un des éléments récurrents dans l’œuvre de Reclus, qui tout en utilisant des schémas d’analyse propres à la géographie, ne cesse de faire un va-et-vient sur l’axe du temps afin de relier entre eux les phénomènes et les permanences temporelles, sans pour autant s’y cantonner. En cela, nous inscrivons notre démarche dans cette approche méthodologique, sans bien sûr, partager ses inclinaisons et ses débordements en faveur d’un colonialisme pragmatique. Tout en explicitant de nouveaux concepts et en suggérant une possible approche culturelle globalisée, il parvint à dégager des thématiques additionnelles d’une contemporanéité flagrante constitutives de notre démarche, comme l’avenir des francophones en Amérique du Nord.

L’avenir des francophones en Amérique du Nord

Sans utiliser les termes de Québec ou de Québécois alors inusités, il soulignait cependant la spécificité identitaire des francophones en Amérique, avec une précision historique et géographique particulièrement pointue et capable de nuances quant au groupe francophone nord-américain. Précisons qu’Onésime Reclus ne voyagea jamais au Canada.

En Amérique, dans le Dominion ou Puissance du Canada treize à quatorze cent mille Canadiens et Acadiens, dont le nombre croit très vite, le défendent avec ardeur contre les gens de parole anglaise établis à coté d’eux. (…) La nation anglaise, fixée maintenant dans le Dominion, grandit de deux manières, par voie naturelle et par intussusception, car c’est à dizaine de milliers par an qu’elle absorbe des Européens. Les Français du St Laurent n’ont qu’une seule façon de croître : les naissances, mais elle leur suffit tellement que, tous décimés qu’ils sont par l’immigration aux Etats-unis ils ne reculent point dans leur propre pays le bas Canada. (…) Ils empiètent vaillamment dans le bas labrador, dans le nouveau Brunswick et dans la province d’Ontario ou Haut Canada qui est la citadelle des « saxons » de la Puissance. Vraiment, on ne sait où s’arrêtera (…) ce peuple simple et sain, le plus fécond de la terre. Au recensement de 1871, fort dépassé maintenant, le français était l’idiome national de 930 000 hommes du Bas Canada, de 75 000 hommes du Haut Canada, de 45 000 du Nouveau Brunswick, de 33 000 citoyens de la Nouvelle Ecosse. On estime à 16 000 les « francophones » de l’île du prince Edouard, à 20 000 ceux de l’Ile de Terre Neuve, et ils sont près de 4 000 dans l’archipel de St pierre et Miquelon, colonie française qui touche à Terre Neuve. […]. Elle [la langue française] est aussi répandue chez les métis, de l’immense Nord-Ouest. Tout cela sans les 600 0000 à 700 000 Canadiens français passés aux Etats-Unis16.

Toujours à propos des francophones du Canada et de l’Amérique du Nord, Reclus écrivait :

Le cosmopolitisme, c’est l’indifférence, l’indifférence est la mort. […] Les Franco-Canadiens menacés de submersion par la marée des Anglais, (…) aiment passionnément leur langue, ils vivent d’elle, en elle et pour elle ; tandis que l’idiome universel, si jamais le malheur des temps nous l’emmène restera sans autel et sans adorateur17.

Une fois encore, le théoricien de la francophonie se fit visionnaire par son analyse prospective, soulignant avec à propos la relation intense et particulière qui unissait la langue française et les francophones du continent américain, en particulier ceux du Canada18. Dès 1880, Reclus considérait que les francophones d’Amérique dont les trois quarts deviendraient par la suite des Québécois, avaient une place de choix dans l’aire francophone et la francophonie internationale. Cette permanence des couples Canadiens français, Franco-canadiens, Québec-francophonie était donc évidente et tangible dès le XIXe siècle et ne fit que perdurer. Le Président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, qualifia la francophonie: « d’humanisme intégral qui tisse sa toile autour de la terre », cette citation fait elle-même écho à la réflexion d’Onésime Reclus :

Comme nous espérons que l’idiome élégant dont nous avons hérité vivra longtemps un peu grâce à nous, beaucoup grâce à l’Afrique et grâce au Canada, devant les langues qui se partageront le monde, nos arrière-petits-fils auront pour devise : “Aimer les autres, adorer la sienne” !19

N.D.L.R : L’auteur, Aurélien Yannic, s’est vu attribuer une bourse de 1 000 $ pour s’être qualifié comme finaliste au Prix de la Fondation Jean-Charles Bonenfant pour sa thèse de doctorat Le Québec en francophonie. Perceptions, réalités, enjeux : ou les relations particulières Québec Canada France espace francophone, des origines à 1995. [Cotutelle de thèse entre l’Université du Québec à Montréal et l’Université Toulouse 2 Le Mirail] 2007, 751 p.

 

 

1 – Barrat, Jacques, Moisei Claudia. Géopolitique de la francophonie, un second souffle ? Paris, La documentation française (DF), 2004, p. 15. [ retour au texte ]
2- Chercheur à l’Université Toulouse 2 (UTM) et à la Chaire Hector Fabre d’histoire du Québec de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Post-doctorant à l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS (ISCC). [ retour au texte ]
3 – Cet essai se subdivise en trois parties d’inégales longueurs dont les approches varient en fonction du thème traité. La 1ère partie intitulée France (p.1-588) aborde des questions à la fois historiques, géographiques, géopolitiques, culturelles, linguistiques et sociales. Au chapitre VI La langue française en France, en Europe, dans le monde, langue d’oil et langue d’oc (p. 407) apparaissent pour la première fois les termes francophone et francophonie. La 2ème partie se nomme Algérie (p.591-694) et reprend peu ou prou les mêmes thèmes mais en privilégiant la géographie physique et humaine, les références historiques servant avant tout à cautionner la colonisation du continent africain, tout en soulignant le caractère spécifique de l’Algérie qui à ses yeux « n’est point colonie mais terre de France ». La 3ème partie (698-750) est une présentation géographique descriptive de l’ensemble de l’Empire d’où découle une analyse prospective. [ retour au texte ]
4 – L’estimation relative à l’Asie faisant défaut, op. cit., p. 423. [ retour au texte ]
5 – Id. Le plus beau royaume sous le ciel. Paris, Hachette, 1899, 861 p. [ retour au texte ]
6 – Id. La France à vol d’oiseau. Paris, Flammarion, 1908, vol. 1, 571 p., vol. 2, 564 p. [ retour au texte ]
7 – Id., Un Grand destin commence. Paris, La Renaissance du livre, 1917, p. 114. [ retour au texte ]
8 – Id., L’Atlantide. Pays de l’Atlas : Algérie, Maroc, Tunisie. Paris, La Renaissance du livre, 1919, 251 p. [ retour au texte ]
9 – D’après le cens de 1911 la Tunisie comptait parmi ses étrangers 35 563 francophones dont 27 393 Italiens. Cf. : Tétu, Michel. La Francophonie, histoires, problématique, perspectives. Montréal, Guérin Universitaire, 3ème édition revue et corrigée, p. 43. [ retour au texte ]
10 – Id., France Algérie et Colonie. Paris, Hachette, 1880, p. 414-415. [ retour au texte ]
11 – Reclus, Onésime. France, Algérie et Colonies, p. 423-424. [ retour au texte ]
12 – Ibid., p. 439-440. [ retour au texte ]
13 – Ibid., p.424- 440. [ retour au texte ]
14 – Ibid., p. 406. « Longtemps les Français ont eu la stupidité de se proclamer le premier peuple du monde. Ils faisaient comme les autres peuples : l’Anglais est orgueilleux de sa nation jusqu’à l’emportement ; l’Allemand se donne depuis cent ans toutes les vertus modestes et toutes les vertus viriles ; le Slave se décerne l’hégémonie de l’avenir ; l’Espagnol n’a pas un regard pour le reste des humains ; le Portugais a vaincu les « vainqueurs des vainqueurs de la Terre » ; l’Arabe a courbé le monde et ne désespère pas de le courber encore ; le Chinois habite le Milieu ; (…)Tous les peuples grands ou petits, les plus misérables tribus elles-mêmes ont la sotte faiblesse, puérilité chez les uns, sénilité chez les autres, de se croire la ” race élue” , la nation sainte, (…) Que de citées font de leur Manzanares un Amazone, de leur halle un Parthénon, de leur rimeur, un Homère ! Ne caressons plus ces vains fantômes, Paris n’est pas la cité mère ; la France n’est point le peuple lumière, la sainte martyre, la race marquée, l’exemple du monde. (…) malheur aux hommes qui ne vomiront pas avec dégoût le poison de ces honteuses paroles ! » [ retour au texte ]
15 – Ibid., p. 424-425. [ retour au texte ]
16 – Reclus, Onésime. France, Algérie et colonies, p 419-420. [ retour au texte ]
17 – Ibid., p. 424. [ retour au texte ]
18 – Toutefois en raison d’une assimilation dévorante à partir de la Seconde Guerre mondiale, les Franco-canadiens, eux même anciens Canadiens, durent se redéfinir et la majorité des francophones américains s’identifia comme Québécois et à l’Etat du Québec. [ retour au texte ]
19 – Reclus, Onésime. France, Algérie Colonies, p. 425. [ retour au texte ]

Réseaux sociaux au fil de l’évolution de la vie de Marie Guyard (1599 – 1672)

Réseaux sociaux au fil de l’évolution
de la vie de Marie Guyard (1599 – 1672)*

 

par Françoise DEROY-PINEAU

 

marie guyard

Portrait de Mère Marie de l’Incarnation, gravure, 1677
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada

Ce bref article se propose de saisir l’évolution des relations sociales de Marie Guyard. Une telle approche socio- historique n’ignore ni ne sous-estime la dimension mystique de Marie de l’Incarnation, mais cherche à découvrir son inscription sociale1. Cette Tourangelle est exemplaire dans la manière dont elle a su mobiliser les ressources de ses réseaux sociaux pour réaliser son dessein. L’histoire de vie d’autres personnages fondateurs de la Nouvelle-France pourrait être aussi l’objet d’une telle analyse par réseaux.

 

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Le musée de Pointe-à-Callière se voit décerner trois prix d’excellence par l’Association des musées canadiens (AMC)

Le musée de Pointe-à-Callière se voit décerner
trois prix d’excellence
par l’Association des musées canadiens (AMC)

 

par Gilles Durand

 

pointe calliere prix

Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal
Photo :
Normand Rajotte

L’Association des musées canadiens (AMC) a remis à Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, trois prix d’excellence lors de son dernier congrès annuel tenu à Victoria, en Colombie-Britannique, du 8 au 12 avril 2008.

Le musée de Pointe-à-Callière a mérité reçu le prix d’excellence dans la catégorie Publications pour l’ouvrage Les Iroquoiens du Saint-Laurent, peuple du maïs, préparé par Roland Tremblay et publié par les Éditions de l’Homme. La publication traite d’une page encore peu connue de l’histoire du continent, la vie des premiers horticulteurs de la vallée du Saint-Laurent et leur disparition dans la seconde moitié du 16e siècle. En même temps, elle constitue un ouvrage de vulgarisation de l’anthropologie et de l’archéologie auprès du grand public.

Le musée de Pointe-à-Callière a obtenu le prix d’excellence dans la catégorie Recherche pour les fouilles effectuées par son École de fouilles archéologiques sur le site du fort Ville-Marie. Les découvertes scientifiques faites ont permis la mise à jour d’importantes connaissances sur l’emplacement du fort, le moment de sa fondation au début du 17e siècle de même que sur les premières activités peu documentées à ce jour qui se sont déroulées aux alentours de ce lieu de défense.

Enfin, le musée de Pointe-à-Callière s’est vu décerner le prix d’excellence dans la catégorie Marketing pour la publicité faite en 2007 entourant son 15e anniversaire. Programmation spéciale, publication promotionnelle et relations publiques ont été réunies pour rejoindre plus de 100 000 visiteurs.

Pour en savoir davantage, consulter le communiqué de presse du 13 avril 2008.

L’hôtel du Parlement, mémoire du Québec

L’hôtel du Parlement, mémoire du Québec

 

par Gaston Deschênes

 

parlement memoire quebec

L’hôtel du parlement, mémoire du Québec s’inscrit dans la lignée des ouvrages publiés par l’Assemblée nationale depuis le début des années 1970 pour mettre en valeur le pouvoir législatif et l’édifice qui le symbolise aux yeux des Québécois.

Auparavant, le Parlement laissait à l’exécutif le soin de faire la promotion de cet édifice qui était en majeure partie occupé par les ministères et qu’on avait rapidement pris l’habitude de désigner sous le nom d’« hôtel du gouvernement ». Le ministère des Travaux publics en assumait la gestion et c’est dans son rapport annuel que le premier texte substantiel sur cet édifice a été publié en 1897 par Ernest Gagnon, secrétaire du ministère. Ses « Notes sur la propriété de l’hôtel du Gouvernement à Québec » racontaient la brève histoire de l’édifice, décrivaient ses façades et sa décoration intérieure, la pose de la pierre angulaire, etc. La même année, Gagnon éditait son texte dans un ouvrage intitulé Le palais législatif de Québec/Government Buildings in Quebec1 qui a servi de référence pendant plusieurs décennies. Dans les années 1960, ce sont les services gouvernementaux responsables du tourisme qui ont repris l’essentiel du texte de Gagnon dans des brochures illustrées et intitulées L’hôtel du Gouvernement de la province de Québec.2

Au début des années 1970, le président de l’Assemblée nationale a pris plusieurs initiatives pour mieux faire connaître le Parlement. La panoplie des moyens mis en place sous la direction du président Lavoie comprenait la création du Bureau d’accueil et d’information, la réalisation d’un documentaire sur le Parlement, la constitution d’un musée malheureusement disparu une décennie plus tard. Mais avant tout, il avait fait rédiger L’Assemblée nationale du Québec par André Beaulieu, alors directeur adjoint de la Bibliothèque3, un ouvrage abondamment illustré qui décrivait le fonctionnement de l’Assemblée nationale et racontait brièvement l’histoire de son édifice. Devenu directeur du Bureau d’accueil et d’information, André Beaulieu revenait quelques années plus tard avec un autre ouvrage, L’hôtel du Parlement, qui s’intéressait cette fois essentiellement au bâtiment et à sa décoration4.

Les ouvrages de cette époque s’inspiraient encore largement des textes d’Ernest Gagnon, mais entre-temps, à l’université comme à l’Assemblée nationale, les recherches historiques permettaient désormais de renouveler le matériel d’information du Parlement. C’est ainsi qu’on a pu éditer en 1986 un ouvrage5 substantiel, L’hôtel du Parlement, témoin de notre histoire. Ce livre abondamment illustré traitait, dans des proportions à peu près égales, de l’histoire de l’institution (le Parlement) depuis 1792 et de l’histoire de l’édifice (désigné officiellement comme « l’hôtel du Parlement » en 1980).

Vingt ans plus tard, cet ouvrage gardait sa valeur comme ouvrage de référence sur l’histoire de l’hôtel du Parlement mais il avait fait son temps comme « carte de visite » et livre-cadeau. L’Assemblée nationale a donc décidé en 2005 de confier à Stromboli, une maison spécialisée dans la production d’ouvrages de prestige, la réalisation d’un nouveau livre6 qui a été lancé en décembre 2007, après deux ans de travail.

Je ne pouvais refuser l’offre que Francesco Bellomo m’a faite en 2005 parce que j’avais le concept de ce livre en tête depuis plusieurs années. Il a pris forme au moment où je me suis intéressé à la signification de la devise du Québec.

L’architecte Eugène-Étienne Taché a résumé en ces trois mots, Je me souviens, le message qu’il avait en tête en dressant les plans de l’hôtel du Parlement. Cette devise prend tout son sens lorsqu’on peut la lire sur la façade de l’hôtel du Parlement, au-dessus de la porte principale, là où elle est apparue pour la première fois. Dans la pierre, le bois et le plâtre, Taché a voulu rappeler à ses compatriotes les grandes pages de leur histoire et les principaux symboles de leur identité. Il a joué un rôle déterminant dans le choix des personnages dont le souvenir est immortalisé par des statues et des armoiries. Les éléments décoratifs qu’il a choisis rappellent en particulier les liens qui ont successivement rattaché le Québec à deux métropoles et à un ensemble confédératif. À l’intérieur, il a réservé des surfaces pour les tableaux d’histoire que réalisera plus tard Charles Huot et prévu des niches pour des bustes ou des statues. Ses successeurs ont naturellement poursuivi son projet en meublant les piédestaux de la façade, en élevant des monuments dans les jardins, en installant des vitraux commémoratifs, en créant une galerie de portraits. L’hôtel du Parlement est devenu un livre ouvert sur l’histoire du Québec.

Francesco Bellomo s’est approprié cette idée avec son œil de photographe et son flair d’éditeur. Il s’est entouré d’une équipe de graphistes qui l’a interprétée à sa façon et rehaussée, de la même manière qu’on colore des illustrations en noir et blanc pour leur donner un nouveau lustre. Le résultat est conforme à l’idée de départ mais très différent de ce que j’avais imaginé. Chacune des doubles pages de ce livre est une « scénarisation » nouvelle, un travail de création qui surprend parfois.

L’hôtel du parlement, mémoire du Québec se distingue des ouvrages précédents qui ont décrit l’édifice, analysé ses caractéristiques et rappelé son histoire. Il ne s’agit pas d’un traité d’architecture ni d’un catalogue des biens patrimoniaux mais d’un « guide » pour lire l’histoire du Québec dans l’hôtel du Parlement, son architecture et ses éléments décoratifs, ses monuments et ses œuvres d’art, mais aussi ses livres anciens et ses archives.

L’hôtel du Parlement, mémoire du Québec offre en quelque sorte une histoire illustrée du Québec, des origines à la fin du XXe siècle, en dix chapitres : 1534 – La rencontre de deux mondes ; 1663 – Une province française aux dimensions d’un empire ; 1763 – D’une métropole à l’autre ; 1792 – Les premières institutions parlementaires ; 1837 – Résolutions, rébellions, réformes ; 1867 – Le Québec dans la confédération ; 1887 – Le Parlement dans son palais ; 1900 – À la recherche de la modernité ; 1944 – Westminster-sur-le-Saint-Laurent ; 1960 – Révolution tranquille et réforme parlementaire.

Les lecteurs qui ont déjà une idée de cette histoire n’auront qu’à regarder les photographies de Francesco Bellomo (plus de 350) et lire les bas de vignette pour en retrouver les grandes lignes ; la brève synthèse d’histoire du Québec qui donne une structure à l’ouvrage aidera les autres à replacer les personnages et les événements dans leur contexte.

 

Vous trouverez les informations pour vous procurer cet ouvrage dans le site de l’Assemblée nationale.

 

 

1 – GAGNON, Ernest, Le palais législatif de Québec/Government Buildings in Quebec, Québec, C. Darveau, 1897, 137 p. [Retour au texte]
2 – L’Hôtel du Gouvernement de la province de Québec / édité par le Service du tourisme de la province de Québec, Québec, Le Service, [1962?], 24 p., ill. L’Hôtel du gouvernement de la province de Québec/ The Parliament buildings of « la province de Québec », Québec, Direction générale du tourisme, [1967], 36 p., ill. L’Hôtel du gouvernement de la province de Québec / The Parliament buildings of « la province de Québec », [Québec], Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, [1965?], 36 p., ill. [Retour au texte]
3 – BEAULIEU, André, L’Assemblée nationale du Québec, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1973, 69 p. (« La documentation québécoise »). En anglais : The Quebec National Assembly, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1973, 69 p. [Retour au texte]
4 – BEAULIEU, André, L’Hôtel du Parlement, Québec, Assemblée nationale, 1981, 96 p. [Retour au texte]

5 – NOPPEN, Luc et Gaston DESCHÊNES, L’Hôtel du Parlement, témoin de notre histoire, Québec, Les Publications du Québec, 1986, ix, 204 p. [Retour au texte]

6 – DESCHÊNES, Gaston et Francesco BELLOMO, L’hôtel du Parlement, mémoire du Québec, Saint-Lambert, Stromboli, 2007, 264 p. [Retour au texte]

Québec : quatre siècles d’une capitale, la contribution d’une Assemblée nationale qui se souvient

Québec : quatre siècles d’une capitale,
la contribution d’une Assemblée nationale qui se souvient

 

par Christian Blais, Gilles Gallichan, Frédéric Lemieux et Jocelyn Saint-Pierre

L’Assemblée nationale du Québec est l’héritière des assemblées d’habitants, de notables et de citoyens qui se sont réunies dans la capitale québécoise depuis la fondation de la Nouvelle-France. Digne interprète d’une tradition vivante de la représentation et consciente de son enracinement dans l’histoire de la ville de Québec, l’Assemblée a voulu marquer le 400e anniversaire de la capitale par des activités et une publication de grande qualité.

quebec siecles capitale

Source : Les Publications du Québec

L’ouvrage Québec : quatre siècles d’une capitale, une idée du secrétaire général de l’Assemblée nationale, monsieur François Côté, fortement appuyé par son Président, monsieur Michel Bissonnet, refait le parcours de l’histoire politique québécoise à partir de l’aventure d’un petit poste colonial devenu, en 400 ans, une capitale nationale. Ce livre est publié conjointement par les Publications du Québec et l’Assemblée nationale à l’occasion du quatrième centenaire de Québec. Écrit à quatre mains, il s’adresse autant aux lecteurs qui souhaitent découvrir l’histoire politique du Québec depuis 400 ans qu’à un public averti désireux d’approfondir ses connaissances sur l’histoire de la capitale.

Le Parlement québécois a ainsi voulu traduire l’idéal exprimé par la devise du Québec, Je me souviens, inscrite au fronton de l’édifice qui l’abrite.

 

Un contenu novateur

Depuis 1608, l’histoire de Québec est intimement liée à l’aventure française en Amérique. D’abord capitale de la Nouvelle-France en raison de sa situation géographique exceptionnelle, la ville est devenue, après 1760, la capitale de vastes territoires cédés à l’autorité britannique.

Au XIXe siècle, Québec a dû lutter pour conserver les statut de siège du gouvernement que d’autres villes lui contestaient. Surmontant ces difficultés, Québec est devenue en 1867 la capitale d’une province et elle a construit au fil des années son identité politique, culturelle, religieuse et nationale. Repère symbolique de toute l’Amérique française, la « Vieille Capitale » s’est véritablement métamorphosée : en un siècle, elle est devenue la capitale nationale d’un État moderne.

Québec : quatre siècles d’une capitale allie un style accessible à un aspect visuel invitant et une facture générale soignée. Un effort particulier a été fait pour y inclure une iconographie originale. Ce livre se veut un outil de référence complet pour les spécialistes qui trouveront d’innombrables notes et références, ainsi qu’une bibliographie générale et un index visant à faciliter la lecture, la recherche et la consultation.

Appuyé par des sources souvent peu exploitées et par une documentation abondante, cet ouvrage constitue une contribution importante à nos connaissances. Québec : quatre siècles d’une capitale pourra satisfaire tous les esprits curieux de l’histoire de Québec et du Québec.

Des découvertes inédites

Cet ouvrage fait découvrir des aspects inédits et des événements moins connus de l’histoire de la capitale. On a longtemps affirmé que le début du parlementarisme en 1791 avait tiré les Canadiens français de la tyrannie du Régime français. À la lumière de sources nouvelles, nous démontrons qu’au contraire, diverses formes de représentations politiques existaient sous l’Ancien Régime pour permettre aux principaux habitants de faire connaître leurs doléances et promouvoir leurs intérêts. Assurément, il ne s’agit pas de démocratie au sens moderne du terme, mais en Nouvelle-France, l’élection en 1647 du syndic Jean Bourdon marque véritablement le début d’un système de représentation. Ces élections se continueront d’ailleurs dans la colonie aux XVIIe et XVIIIe siècles et figurent parmi les faits surprenants de l’histoire politique de la Nouvelle-France.

Après 1763, la ville se redéfinit par rapport au conquérant britannique. Les grands remous des révolutions américaine et française l’atteignent et les réactions qui s’ensuivent fixent sa réputation de capitale « loyale et fidèle ». Après 1792, le parlementarisme fait entrer dans ses murs des volontés de réforme et un discours de démocratie et de liberté. Le duel entre la force et le droit se joue à Québec jusqu’aux insurrections de 1837 et 1838.

À partir de 1840, Québec perd son statut de capitale au profit de Kingston, Montréal et Toronto. La « Vieille capitale » doit lutter pour reconquérir son titre d’une capitale définitive pour le Canada-Uni. Ses classes dirigeantes prennent conscience de l’importance symbolique, économique et politique de détenir le siège du gouvernement. Le loyalisme devient la condition de la survivance nationale et Québec devient la clé de l’alliance des deux Canadas. Cependant, la reine Victoria choisit Ottawa en 1857 pour devenir la nouvelle capitale. Et, à partir de 1867, Québec se retrouve capitale de la province à laquelle elle donne son nom.

Dès lors, Québec est consacrée capitale symbolique du Canada français. Cependant, ville en déclin, elle doit redevenir le siège du nouveau gouvernement. Fait inédit jusqu’ici, Montréal, rivale puissante et prospère, conteste en 1869 le titre de capitale que possède Québec. La métropole cherche pendant un temps à attirer chez elle le Parlement et l’État provincial qui se constitue.

Cet épisode a d’importantes répercussions sur l’avenir et le développement de la ville de Québec en tant que siège du gouvernement. En effet, on réagit en construisant des édifices – l’hôtel du Parlement surtout – qui vont assurer définitivement la présence de l’État au cœur de sa capitale. Au fil des décennies, ces constructions vont marquer profondément la ville et former un quartier institutionnel prestigieux marqué par une architecture d’État au sein duquel bat le cœur de la vie parlementaire.

Par la suite, la ville profite grandement de l’implantation du gouvernement du Québec et de la présence du fédéral pour renforcer son identité de capitale. Les différents ordres de gouvernement se concertent pour développer et embellir la ville. Son passé prestigieux, son site magnifique et son statut de capitale du Canada français servent à justifier la pertinence des nombreux projets d’amélioration (chemins de fer, parc Victoria, pont de Québec, plaines d’Abraham, édifices gouvernementaux prestigieux, aménagement urbain).

Parallèlement, Québec symbolise la survie politique du Canada français où fleurit le culte de la mémoire d’un passé glorieux et inspirateur. Socle et foyer de la civilisation canadienne-française et de la foi catholique, Québec est aussi l’endroit où les classes dirigeantes forgent un discours émaillé d’un loyalisme sans faille à la Couronne britannique. Ce loyalisme, croit-on, garantit les droits politiques du Canada français et se fixe dans les institutions parlementaires qui, pendant un siècle, fonctionnent selon les mêmes règles qu’à Londres.

En 1960, les défis auxquels la capitale fait face sont d’autant plus grands que le gouvernement montre peu d’empressement à écouter les classes dirigeantes locales, plus unies que jamais pour demander des améliorations et des investissements : les demandes de modernisation de la capitale, de l’État, de la gouvernance politique, des institutions parlementaires, de l’identité nationale.

Jusqu’en 1980, la Révolution tranquille transforme la capitale. Québec, ville historique au riche et lourd passé, doit symboliser le renouveau sans faire table rase de son histoire. L’État, qui est au cœur du changement, affiche son dynamisme et sa modernité par l’édification d’une grande cité administrative à l’architecture contemporaine. Sur le plan municipal, l’administration progressiste de Gilles Lamontagne transforme une ville jusque-là en proie à de graves problèmes de développement.

Jusqu’en 2008, Québec la ville s’attachera à réconcilier son passé et son modernisme. Elle prend un autre élan en diversifiant ses activités, en dépit des contrecoups des cycles économiques et en tentant de faire son unité territoriale et politique. Plus que jamais, au XXIe siècle, la capitale provinciale, fait désormais place à la capitale nationale d’un État moderne.

Voilà donc un ouvrage ayant comme personnage central la merveilleuse ville de Québec, la capitale de tous les Québécois. Aux dires des commentateurs et des lecteurs, ce livre est un legs aux générations futures, à la mesure de la ville de Québec et de l’une des institutions, l’Assemblée nationale, qui en fait une capitale. On a parlé d’un portrait exhaustif, d’une recherche longue et fouillée, d’un livre fabuleux, magistral, magnifique, d’un ouvrage qui fera date et qui apporte les réponses à toutes les questions que l’on peut se poser sur la ville qu’on désignait autrefois comme la «Vieille Capitale».

Le Parlement québécois a ainsi voulu traduire l’idéal exprimé par la devise du Québec, Je me souviens, inscrite au fronton de l’hôtel du Parlement. Visiblement, l’Assemblée nationale qui a voulu faire un ouvrage qui marquerait l’époque et qui plairait à tous les Québécois, a réussi.

La France de Henri IV en Amérique du Nord. De la création de l’Acadie à la fondation de Québec

La France de Henri IV en Amérique du Nord. De la création
de l’Acadie à la fondation de Québec

 

par Eric Thierry

Les îles de Sable et de Sainte-Croix, Tadoussac, Port-Royal et Québec sont des lieux d’Amérique du Nord où, pendant le règne de Henri IV (1589-1610), des Français se sont installés et acclimatés. Malgré les épreuves endurées, ces vétérans des guerres de Religion ont réussi à donner naissance à l’Amérique française.

L’ouvrage rappelle tout d’abord combien a été importante l’expérience acquise par les pêcheurs français sur les rivages nord-américains depuis le début du XVIe siècle, et que Henri IV a été l’héritier des ambitions de ses prédécesseurs Valois tant au Canada, qu’en Floride et même au Brésil. Puis sont analysés les échecs successifs de La Roche sur l’île de Sable et de Chauvin dans l’estuaire du Saint-Laurent pour mieux expliquer le choix de l’Acadie par Dugua de Mons en 1603.

L’étude de la difficile acclimatation des Français sur l’île de Sainte-Croix, puis à Port-Royal, précède celle de toutes les menées qui ont abouti à la remise en cause du monopole de la traite des fourrures détenu par Dugua de Mons et au choix de Québec pour un nouvel établissement en 1608. Vient enfin l’examen de la consolidation des alliances franco-amérindiennes dans la vallée du Saint-Laurent et en Acadie jusqu’en 1613.

Grâce à des documents d’archives et à des récits de voyages souvent peu connus, le livre d’Eric Thierry ne se contente pas de restituer les efforts de Dugua de Mons, Poutrincourt, et Champlain pour bâtir outre-Atlantique une Nouvelle-France. Il rappelle aussi que le règne de Henri IV a été une période d’ouverture de la France au continent nord-américain et aux peuples amérindiens. En paraissant l’année du 400e, cet ouvrage replace la fondation de Québec dans son contexte et comble un vide historiographique important.

Eric THIERRY, La France de Henri IV en Amérique du Nord. De la création de l’Acadie à la fondation de Québec, Paris, Honoré Champion, 2008, 502 p.
http://www.honorechampion.com

Un carrefour dans le temps et l’espace. Québec, Champlain, le monde

Un carrefour dans le temps et l’espace.
Québec, Champlain, le monde

 

par Michel De Waele et Martin Pâquet

Le 18 avril 1608, Samuel de Champlain quitte la France en ayant pour mission la création d’une colonie française durable en Amérique du Nord. Le 3 juillet suivant, il jette son dévolu sur un site qui allait devenir Québec. L’impossibilité de remonter le fleuve avec des bateaux à voile et la configuration du site qui en fait un endroit idéal pour s’y retrancher expliquent ce choix. Autour de l’Abitation, une colonie commence à prendre forme et à se développer. Depuis quatre cents ans, les francophones d’Amérique rayonnent ainsi depuis Québec face à leur terre d’accueil, à leur patrie d’origine, à la planète. L’histoire de cette ville, depuis sa création, s’inscrit dans un faisceau d’influences multiples dont la compréhension oblige à prendre en compte une dynamique planétaire ancienne à court, moyen et long terme. Québec a été fondée dans un contexte de planétarisation des échanges, s’est développée en conjonction avec d’autres phénomènes similaires ailleurs dans le monde. Telles sont les idées que Québec, Champlain, le monde, le recueil d’études proposé par le Département d’histoire de l’Université Laval, veut explorer.

Les commémorations entourant le quatre-centième anniversaire de la fondation de Québec ne doivent pas faire oublier que la France et l’Europe entretenaient depuis des siècles des relations avec un monde plus vaste. Les marins pêcheurs bretons ou basques n’ont pas attendu un ordre royal avant de venir exploiter les ressources du golfe du Saint-Laurent. Après les voyages de Jacques Cartier en Amérique du Nord, les Français ont essayé de s’implanter au Brésil et en Floride, deux territoires où se manifestait déjà une présence espagnole. La couronne d’Espagne, en suivant l’exemple venu du Portugal, avait en effet entrepris d’exploiter les richesses d’Amérique latine depuis les années 1520. Les navigateurs portugais, pour leur part, avaient contourné l’Afrique pour se retrouver aux Indes. Ces efforts s’inscrivaient dans une vaste dynamique commerciale qui, depuis l’Antiquité, unissait le continent européen avec différentes parties du monde. Et avant cela, les civilisations qui avaient vu le jour en Mésopotamie, en Égypte et dans la vallée de l’Indus avaient établi des relations économiques entre elles. La mondialisation, à ce titre, est aussi ancienne que le premier échange commercial ou culturel entre ces civilisations. Grâce aux grandes explorations européennes des xve et xvie siècles, elle se fera dorénavant à l’échelle de la planète. De là vient l’importance de présenter un état du monde à l’époque de Champlain avant de voir comment les francophones établis à Québec ont accueilli des populations originaires des quatre coins de la Terre et ont interagi avec différentes parties du globe.

carrefour quebec champlain

Tel est le défi relevé par les 18 auteurs de Québec, Champlain, le monde. La nature multidisciplinaire du Département d’histoire de l’Université Laval qui regroupe des spécialistes en histoire, histoire de l’art, archéologie, ethnologie, archivistique et muséologie en fait d’ailleurs un endroit particulièrement propice pour étudier l’ensemble de ces phénomènes. Aussi, réunis sous la direction éditoriale des professeurs Michel De Waele et Martin Pâquet, les auteurs mettent à profit la diversité des ressources scientifiques pour étudier la fondation de Québec en 1608 à la manière d’une double interface : la première, plus synchronique, explorant le monde à l’époque de Champlain ; la seconde, plus diachronique cette fois, cernant dans la durée les rapports entre Québec et le monde. Ce faisant, le recueil s’inscrit dans les thématiques innovantes de la World History, thématiques qui fertilisent la recherche historienne grâce aux nouveaux terrains d’enquête, aux jeux de focale de la part des chercheurs et à l’usage fécond de la multidisciplinarité.

La première partie de ce livre présente ainsi la situation des Amériques, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe à l’époque de Champlain. Les auteurs n’ont pas la prétention de dresser un portrait global de la situation de ces différentes aires géographiques. Leurs contributions visent à montrer que les voyages entrepris par les explorateurs européens les mettent en contact avec des civilisations aussi anciennes, et parfois plus puissantes que la leur. Sans nier le fait que, dans certaines régions, et au premier titre en Amérique, l’implantation européenne ait contribué à la disparition de peuples et de civilisations d’une grande richesse, ils veulent montrer l’importance de l’échange, du métissage pour reprendre l’idée de Serge Gruzinski, dans les relations qui s’établissent à la grandeur de la planète.

Cette notion d’échange est fondamentale dans le développement de Québec ; elle est traitée dans la seconde partie du livre sous les angles d’échanges entre les hommes, de richesses, de pratiques culturelles, de savoirs. Ces échanges se manifestent d’abord dans la grande remue des êtres humains qui traversent l’Atlantique et essaiment partout en Amérique du Nord depuis le xviie siècle jusqu’à nos jours. Ils se traduisent ensuite dans les différentes pratiques culturelles, de la culture matérielle et archéologique à l’ethnographie vestimentaire et l’art pictural, en passant par les processus interculturels de l’intégration des immigrantes et de la vie religieuse. Ils expriment également des rapports de forces innervant la société québécoise, qu’ils renvoient aux jeux de pouvoir ou aux transactions économiques. In fine, ces échanges et ces métissages témoignent de l’importance du lieu dit Québec, autrefois phare du Canada français, maintenant balise du Québec et des francophonies à travers le monde de Québec. Le lecteur est donc convié, à travers sa fréquentation de Québec, Champlain, le monde, à explorer les multiples arcanes de Québec comme carrefour à travers les temps et les espaces. Ainsi, il constatera une fois de plus la pertinence de l’aphorisme de l’écrivain portugais Miguel Torga, pour qui « l’universel, c’est le local moins les murs ».

Michel De Waele et Martin Pâquet (dir.). Québec, Champlain, le monde. Québec, Presses de l’Université Laval, 2008. 286 p.

La langue française au Québec – 400 ans, quelques repères

La langue française au Québec – 400 ans, quelques repères

 

langue francaise reperes

Cette brochure d’une trentaine de pages a été réalisée par le Secrétariat à la politique linguistique, en collaboration avec le Conseil supérieur de la langue française, pour marquer l’anniversaire des 400 ans de la langue française au Québec.

On y retrace une cinquantaine de dates associées à des événements culturels, politiques et sociaux qui ont eu une incidence sur l’évolution linguistique du Québec; celles-ci sont soutenues par des citations, des illustrations et, lorsqu’un chiffre est disponible, par le nombre de personnes de langue française habitant alors au Québec.

On peut consulter cette brochure dans le site Internet du Secrétariat et se la procurer gratuitement en remplissant le formulaire conçu à cet effet et accessible dès la page d’accueil.

Recherche et rédaction :
Christine Eddie
Conseillère
Secrétariat à la politique linguistique

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