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Bulletin n°30, juin 2010

Le théâtre lyrique, lieu de mémoire franco-québécois

Le théâtre lyrique, lieu de mémoire franco-québécois

 
par Mireille Barrière, Ph.D.*

 

Mireille Barrière

Mireille Barrière, conférencière
Crédit : Gilles Durand

Les activités musicales au temps de la Nouvelle-France

Un ministre des Affaires culturelles déclara un jour que les Québécois avaient un goût « prononcé » pour l’opéra, et le metteur en scène Irving Guttman, que l’engouement pour l’opéra au Canada était dû à la présence des « French Canadians ». Il est certain que la Nouvelle-France dansait et chantait. Faudrait-il considérer comme événement fondateur du théâtre au Canada ce jeu nautique que l’avocat et poète Marc Lescarbot monta à Port-Royal en Acadie, le 14 novembre 1606? Intitulé Le théâtre de Neptune en la Nouvelle-France, cette pièce comprenait entre autres un chœur à quatre voix et une sonnerie de trompettes. Élisabeth Gallat-Morin a documenté avec brio les activités musicales dans la colonie. Elle nous apprend que des arias et même des opéras de Marin Marais, Pascal Colasse et surtout Jean-Baptiste Lully résonnaient dans les salons de l’intendant et du gouverneur et même au séminaire Saint-Sulpice de Montréal1.

 

Des vedettes parisiennes venues de La Nouvelle-Orléans

Avant de posséder sa première véritable troupe professionnelle en 1893, Montréal s’initiera au théâtre lyrique français grâce aux tournées qu’effectueront des troupes venues de La Nouvelle-Orléans. Entre 1880 et 1887, l’imprésario américain Maurice Grau présentera sur les bords du Saint-Laurent quelques-unes des grandes vedettes parisiennes de l’heure; Marie-Aimée, Anna Judic, Louise Théo, Paola Marié, Victor Capoul et Mézières se feront entendre dans les grands succès des Lecocq, Offenbach, Audran et même Bizet. On jouera à guichets fermés! Et quand une quarantaine d’hommes d’affaires réuniront des capitaux pour franciser une scène montréalaise trop envahie par des spectacles anglo-américains, ils fonderont l’Opéra français de Montréal (1893-1896) qui misera largement sur ce répertoire populaire que perpétueront la Société canadienne d’opérette (1923-1933) et Les Variétés lyriques (1936-1955).

 

Les artistes français conservent vivant le souvenir de la France

Minoritaire au début du XIXe siècle, la population francophone de Montréal redeviendra majoritaire à partir de 1865. C’est pourquoi la venue d’artistes français, avant et immédiatement après cette date, suscitera tant d’enthousiasme de la part d’un public pas toujours bien servi dans sa langue. L’image glorieuse de la France que projettent certaines intrigues fournira aux Franco-Montréalais l’occasion de manifester leur attachement à leur ancienne mère patrie. Quand Julie Calvé, vedette de La Nouvelle-Orléans en 1843, entonnera le « Salut à la France » de La fille du régiment de Donizetti, des cris et des applaudissements éclateront avec une telle intensité qu’un critique déclarera avoir eu peine à suivre l’action! Plus tard, La fille du tambour-major d’Offenbach produira les mêmes effets, à chaque fois que l’interprète de Stella attaquera « Petit Français, brave Français » ou que l’armée de Napoléon pénétrera dans Milan aux accents du « Chant du départ ». Bravos, cris, mouchoirs agités, airs bissés et même trissés réchaufferont l’atmosphère. Un siècle plus tard, l’affection envers la France s’exprimera sur un autre mode lors de la création canadienne à Montréal de Pelléas et Mélisande de Debussy. C’était le 14 juin 1940, et le bruit courut pendant l’entracte que l’armée allemande venait d’envahir Paris. Apprenant la nouvelle, des spectateurs entonnèrent spontanément La Marseillaise tandis que d’autres pleuraient.

 

Une formation musicale outre-Atlantique et sur place

C’est dans l’art vocal que les Québécois ont conquis leurs premiers lauriers sur la scène internationale. Or, comme le Conservatoire de musique du Québec n’ouvrit ses portes à Montréal qu’en 1942, plusieurs artistes se rendirent en France dès les années 1870 pour parfaire leur formation. Emma [Lajeunesse] Albani étudia avec Gilbert-Louis Duprez avant de se rendre en Italie. Louise [Martin] Edvina devint l’élève du grand Jean de Reszke en 1904. Après la Deuxième Guerre, Colette Boky et Édith Gallienne prirent des leçons de Janine Micheau, tandis que Jean-Paul Jeannotte et Bruno Laplante étudièrent auprès de Pierre Bernac. Par contre, deux chanteurs français, le ténor Salvator Issaurel et la basse Martial Singher, offrirent des leçons à Montréal et formèrent entre autres Joseph Rouleau, Louis Quilico, Pierrette Alarie et Léopold Simoneau. Ces derniers firent une partie de leur carrière en France. Cependant, Raoul Jobin mérite une mention spéciale tant son nom reste attaché à ceux de l’Opéra et de l’Opéra-Comique de Paris où il a chanté pendant 20 ans.

 

De grandes vedettes françaises en personne et à la télévision

Parmi les chanteurs français qui se sont produits à Montréal, citons Emma Calvé, Pol Plançon, Edmond Clément et plus tard Gérard Souzay, Mado Robin, Guy Chauvet, Régine Crespin et Natalie Dessay. D’autres parurent à la télévision française de Radio-Canada, dont Mady Mesplé, Alain Vanzo et Gabriel Bacquier. Enfin, Jaques Jansen fit partie de la première production télévisée au Canada de Pelléas et Mélisande.

 

*Auteure de : L’Opéra français de Montréal. L’étonnante histoire d’un succès éphémère. [Saint-Laurent], Fides, 2002.

Prix Opus 2002 du livre musical de l’année, décerné par le Conseil québécois de la musique.

Résumé d’une conférence intitulée Panorama de l’histoire de l’opéra à Montréal, donnée, le 3 avril 2010, dans le cadre des activités mensuelles de la Société historique de Montréal tenues au Musée Pointe-à-Callière d’archéologie et d’histoire de Montréal.

 

Source :

  1. Gallat-Morin, Élisabeth, « Les activités musicales »,É. Gallat-Morin et J.-P. Pinson, La vie musicale en Nouvelle-France, Cahiers des Amériques, Septentrion, Québec, 2003 : 291-324.

Contribution des légendes à la mémoire franco-québécoise

Contribution des légendes à la mémoire franco-québécoise

 

par Jean-Claude Dupont
Ethnologue

 

Jean-Claude Dupont

Jean-CLaude Dupont
Crédit : Marc-André Grenier,
Les Prix du Québec

Les grands-parents, suite à leurs prédécesseurs, ont consacré beaucoup de temps à leur survie matérielle et spirituelle. Ils perpétuaient ainsi des traditions françaises; des gestes techniques, religieux, coutumiers, narratifs et artistiques.

 

Ainsi, à côté de pratiques répondant à des nécessités vitales comme celles de l’habitation et l’alimentation, par exemple, ils réservaient des moments à la transmission de faits imaginaires, sous forme de récits oraux. Les légendes, l’un de ces volets de la littérature orale, prenaient la forme de dires adaptés socialement au genre de vie et situés dans le temps et les lieux.

 

Ces histoires «auxquelles on prêtait foi», intégraient généralement des activités magico-religieuses qui se déroulaient entre des êtres bons et des êtres mauvais. Ces luttes qui comportaient une morale ou une croyance de droit populaire, répondaient aux besoins psychologiques de nos aïeux de sécuriser leur territoire de vie, de comprendre, d’expliquer, d’inventer, d’étonner.

 

La formation

De nombreux faits du légendaire québécois sont issus de l’imaginaire indo-européen qui repose lui-même sur des croyances païennes, des récits bibliques ou apocryphes, tandis que d’autres découlent de faits historiques réels, vécus par des Français en Amérique; ce dernier aspect conférant déjà une particularité au légendaire. Mais, d’autres récits, adaptés de mythes amérindiens, expliquant les origines du monde, des êtres et des choses, ainsi que les comportements humains, viennent encore ajouter à l’originalité de la mémoire franco-québécoise.

 

Le corpus fait également place à des récits de relations sociales ou amoureuses entre francophones et autochtones, ainsi qu’à des rencontres belliqueuses entre nations amérindiennes, ces derniers événements étant généralement basés sur des faits réels.

 

Les emprunts aux récits traditionnels des nations amérindiennes confèrent au légendaire francophone d’Amérique un enrichissement qui le différencie du corpus indo-européen d’origine.

 

Ce phénomène d’emprunt culturel que l’anthropologie qualifie d’enculturation se fait aussi à l’inverse en regard de la mythologie amérindienne, surtout dans les régions du Canada où ont séjourné des missionnaires, des bûcherons, des voyageurs ou des traiteurs de fourrures. C’est ainsi que des Amérindiens, à côté des manitous de leur mythologie, ont intégré des diables, des chasse-galerie et des comportements chrétiens.

 

Le fait de garder vivants à travers le temps et les océans des phénomènes originant des Celtes, des Germains et des Chrétiens, tout en leur associant la présence d’artéfacts et de mentéfacts appartenant à l’animisme, religion des Amérindiens, voici une contribution marquante au corpus du légendaire francophone d’Amérique.

 

La transformation

Une autre particularité est celle de l’évolution de l’imaginaire populaire qui sut s’adapter aux changements de mentalité et aux habitudes de vie à travers le temps. Par exemple, d’une génération à l’autre, la présence de mauvais esprits fait de moins en moins peur aux vivants et les comportements humains jadis jugés offensants se transforment en incidents teintés d’humour. Ainsi, du feu-follet qui suivait jadis le véhicule de la grand-mère pour lui faire un mauvais parti, peut maintenant surgir son ancien prétendant, « nu comme un ver »!

 

Mais l’adaptation à l’évolution technologique et socio-économique est la plus remarquable. Par exemple, les bûcherons ou les voyageurs en canots d’écorce des forêts du Nord-Ouest peuvent être remplacés par des pêcheurs transportés dans une baille à saler la morue, en Gaspésie, ou par des cultivateurs assis sur un cochon pour voyager au-dessus des villages le long du fleuve Saint-Laurent.

 

Plus récemment, on a vu dans l’Ouest canadien des chasse-galerie en avion, ou dans un train. Il s’agit alors d’Américains se rendant travailler sur les lieux de radars dans le Grand-Nord. Chez les Franco-Américains, des chasse-galerie en autobus « convertibles » conduits par le diable promènent au-dessus de la ville des enfants obéissants pour les récompenser.

 

La légende, popularisée en Europe à partir du XIIIe siècle sous le vocable de La Légende dorée, se propagea dans les monastères sous la forme de vies des saints imprégnées d’éléments fantastiques. On voulait ainsi transmettre des messages qui stimuleraient la ferveur religieuse chez les moines.

 

Une pratique semblable, mais moins répandue cependant, fut celle chez les prêtres de la religion catholique, au Québec des XIXe et XXe siècles, de se servir des récits légendaires faisant état de punitions immanentes pour susciter la crainte de Dieu. « On a connu des hommes qui eurent un bras paralysé pour l’avoir levé contre un curé », ou « des jeunes danseurs enlevés par le diable », etc.

 

Une épopée du Nouveau Monde

Le légendaire francophone repose sur un ensemble de récits qui constituent l’histoire imaginaire d’hommes et de femmes passés au NouveauMonde. Cette épopée qui est le pendant de l’histoire réelle, est une description fantastique qui va de la traversée de l’Atlantique jusqu’à la vie organisée sur les terres d’accueil en Amérique.

 

Dans cette description, les récits commencent par la traversée de l’Atlantique qui dure parfois sept ans et au cours de laquelle les voyageurs, malades et privés de nourriture, font face à une tempête qui casse les mâts du voilier, déchire les voiles, alors qu’un monstre marin dont la queue touche le vaisseau, et la tête, les nuages, a les yeux gros comme des tonneaux. On peut reconnaître dans ces récits parfois transmis sous forme de complaintes, des emprunts aux Relations de voyages de Guillaume Potier en 1701, et au Mythe de saint Brandon en l’an 500.

 

D’abord débarqués sur une île qui s’avère être une immense baleine, lorsqu’ils mettent les pieds sur la terre ferme, il leur faut se défendre contre des géants et des animaux fabuleux. Puis, installés sur les lieux, surgissent alors des mauvais esprits, diables, feux-follets, loups-garous et fantômes.

 

Il y aura aussi la rencontre d’autres immigrants, des anglophones, du Canada et des États-Unis, puis des autochtones.

 

Heureusement, il y a des bons esprits et des bons vivants, et des personnages divins, qui défendent les arrivants et les assistent dans leurs activités journalières.

 

Les légendes ont contribué à la mémoire franco-québécoise en gardant vivants des témoignages oraux à travers les siècles, à la façon des archives d’un imaginaire collectif.

 

Finalement, ces tribulations en terre d’Amérique — des hommes qui volent dans les airs, des diables à combattre, etc. —, ne seraient-elles pas des dévoilements de l’inconscient d’un peuple; des histoires qui mettent en images des peurs, des espoirs, des désirs?

 

NDLR

Voir également le site Web de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs sous la rubrique Quoi de neuf? pour de l’information additionnelle sur les travaux de l’auteur et artiste.

 

Voir également le site Web des Prix du Québec dont l’auteur est lauréat.

La saga des femmes dans la société de la Nouvelle-France L’épopée des Filles du Roi 1663 – 1673

La saga des femmes dans la société de la Nouvelle-France
L’épopée des Filles du Roi
1663 – 16731

Françoise Deroy-Pineau
Socio-historienne
pineau@sympatico.ca

 

Françoise Deroy-Pineau

Françoise Deroy-Pineau
Crédit: Gilles Durand

Un moment de la saga

Cette causerie est le second volet d’un ensemble de trois. Le premier volet concerne « Les temps héroïques (1608-1663) »2, le troisième, « Les premières « canadoises3 » nées au nouveau pays (1673-1760)»4.

 

Lorsque Jean Talon et une administration à la française débarquent à Québec en 1663, la Nouvelle-France du XVIIe siècle est encore en cruel déficit de femmes. Le roi dote des orphelines volontaires pour aller se marier en Nouvelle-France. De 1663 à 1673, presque huit cents « Filles du Roi » arriveront à Québec.

 

Le marché matrimonial

Malgré les premières pionnières et les petites « canadoises » nées dans leurs foyers et mariées dès la puberté, la Nouvelle-France du XVIIe siècle est en cruel déficit de femmes.

 

 Rapport hommes/femmes dans la vallée laurentienne de 1608 à 1759

 

Hommes

Femmes

Total

… 1640

104

57

161

1640-1659

546

327

873

1660-1679

1 512

997

2 509

1680-1699

980

90

1 070

1700-1719

578

43

621

1720-1739

906

32

938

1740-1759

2 282

73

2 355

Total

6 908

1 619

8 527

Référence : Mario Boleda – PRDH (Histoire sociale/Social History vol xxiii n°45 mai 1990)

 

Lorsque Jean Talon et une administration à la française débarquent à Québec en 1663, la question est immédiatement prise en compte. Il est décidé que le roi dotera des orphelines volontaires pour aller se marier en Nouvelle-France. De 1663 à 1673, presque huit cents « Filles du Roi » arriveront à Québec5.

 

L'arrivée des Filles du roi

Les filles du Roi
Crédit Bibliothèque et Archives Canada (1996)

 

L’arrivée à Québec et à Montréal

« L’arrivée des filles à marier est devenue une sorte d’événement. Quand elles mettent pied à terre, gentiment vêtues d’un justaucorps de camelot sur jupe de farrandine, portant une coiffe de taffetas et à la main un mouchoir de linon, hauts fonctionnaires et jésuites, bourgeois, artisans et colons font la haie pour accueillir, sourire aux lèvres, ces filles de France qui ensoleillent le pays neuf en attendant d’être demain les compagnes de nouveaux foyers et plus tard les mères de nombreux enfants. »6

 

On les accueille aussi à Montréal :

[Vers 1665] « Il arriva environ dix-sept filles du roi, que j’allai quérir au bord de l’eau. […] Notre maison était petite. Nous fîmes accommoder [une maison voisine] et je demeurai avec elles […] à cause que c’était pour faire des familles. » (Marguerite Bourgeoys, Écrits autographes)

 

Représentations et portrait socio-économique

Elles en ont fait fantasmer plus d’un ! Leurs pittoresques aventures ont donné lieu à bien des romans. Elles se distinguent par leur vie éprouvée, leur courage et les nombreux enfants qu’elles ont élevés. Tout Québécois « pure laine » en compte plusieurs dizaines dans son ascendance.

 

Ce ne sont pas des anges…

[Chez les ursulines de Québec] « Vous ne sauriez croire les dégâts que ces bonnes créatures y font, sans compter qu’elles y ont déjà [failli] mettre le feu par deux ou trois fois qui a mis en danger de brûler tout notre monastère à raison de certaine cabane et clôture de pieux qui joignent [leur] bâtiment au nôtre. » (Marie de Saint-André, ursuline de Québec née à Magny-en-Vexin, dans la Correspondance de Marie de l’Incarnation)

 

… ni des filles de mauvaise vie :

« Il n’est pas vrai qu’il vienne ici de ces sortes de filles. Et ceux qui en parlent de la façon se sont grandement mépris et ont pris les îles de Saint-Christophe et la Martinique pour la Nouvelle-France. S’il en vient ici, on ne les connaît point pour telles, car avant de les embarquer, il faut qu’il y ait quelques-uns de leurs parents ou amis qui assurent qu’elles ont toujours été sages. Si par hasard il s’en trouve quelques-unes de celles qui viennent qui soient décriées, ou que pendant la traversée elles aient eu le bruit de se mal comporter, on les renvoit en France. » (Pierre Boucher, 1664, p. 155-156)

 

Origine et enracinement des Filles du Roi

Elles portent, comme les autres pionnières, les prénoms à la mode du XVIIe siècle : Marie, Anne, Catherine, Barbe, Perrine ou Jacquette, comptent – pour 50% d’entre elles – de 18 à 25 printemps et ont quitté – pour 64 % des 800 qu’elles étaient – l’orphelinat de Paris ou de Rouen, où un triste destin les attend pour partir épouser un colon ou un militaire en Nouvelle-France. Elles y débarquent de 1663 à 1673. Quelques-unes sont arrivées veuves. D’autres, venues avec un parent sur le port d’embarquement, profitent de l’occasion pour tenter l’aventure. Certaines (très peu) sont retournées en France.

 

Brièveté des fréquentations

La plupart se marient dans les semaines qui suivent leur arrivée (en moyenne cinq mois entre l’arrivée et le premier mariage). Ce qui réduit beaucoup le risque de naissances illégitimes.

 

La vie au quotidien

Elles prennent le relais des hommes pour cultiver le jardin, ramasser les récoltes et tenir maison (mieux vaudrait dire cabane) le mieux possible : conserver les aliments; fabriquer son savon; se préserver du froid ou des insectes, selon la saison; élever des volailles, une vache et un cochon; faire le beurre et les salaisons; le tout hors d’atteinte des ratons laveurs, loups, mouffettes (blaireaux), renards et autres fouines. Elles trouvent aussi le temps et l’énergie de mettre au monde une famille et de l’élever.

 

L’adaptation au nouvel environnement : mission accomplie

Finalement, ces jeunes femmes se sont très bien adaptées à leur nouvelle vie. Elles s’avèrent plus fécondes que les Françaises de leur époque, mais moins que leurs filles qui seront mieux nourries. Les Filles du Roi vivront plus longtemps que la moyenne des Françaises de leur temps, car elles sont plus robustes, comme tous les pionniers qui ont réussi la première sélection et survécu à la traversée.

 

 


 

  1. Conférence prononcée par Françoise Deroy-Pineau devant les membres de la Société de généalogie Saint-Hubert le 17 mars 2010.

    Plan de la causerie :

    1. Sources (bibliographiques, démographiques, géographiques)
    2. Le départ et la traversée
    3. L’arrivée et ses représentations
    4. L’urgence des problèmes à résoudre
    5. Formation, notaire et mariage
    6. Départ et installation
    7. Travail
    8. Naissances : mission accomplie
  2. Un coin du voile sera levé sur une saga féminine peu connue dans la vallée laurentienne. Pendant ces temps héroïques, des femmes ont transformé les petits comptoirs (masculins) de fourrures en société de familles, aidées par des institutions créées par de grandes figures marquantes : Marie Guyard de l’Incarnation, Madeleine de La Peltrie, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys. Ainsi est né un nouveau pays, alliant énergie et culture venues de France à la nature de l’Amérique du Nord et de ses Premières Nations.

  3. Ce qualificatif est emprunté à Marie Guyard de l’Incarnation qui, dans ses lettres à des correspondants de France, désigne ainsi la première génération d’enfants nés en Nouvelle-France « autrement dit Canada ».

  4. Nombreuses furent les simples « habitantes », prolongeant le rôle de leur mère, aventurières anonymes, luttant contre la dureté du climat, les difficultés de l’agriculture et de l’élevage; développant une grande inventivité pour tirer partie de tous les (rares) objets, élevant leurs (nombreux) enfants. Certaines personnalités, Jeanne Leber, Charlotte de Ramezay, Marguerite d’Youville, entre autres, se sont distinguées par des qualités hors du commun et montrent, par leur vie, les multiples caractéristiques de la « féminitude » en Nouvelle-France, mélange de charme, d’intelligence et de « fierté sauvage » selon l’observateur suédois Pehr Kalm. Sans oublier l’indispensable débrouillardise.

  5. Le texte qui suit a puisé son information de base dans :

    LANDRY, Yves, 1992, Orphelines en France, pionnières au Canada. Les Filles du roi au XVIIe siècle. Montréal, Léméac.

    Nous avons aussi consulté :

    BOUCHER, Pierre, 1664, Histoire véritable et naturelle des mœurs du pays de la Nouvelle-France vulgairement appelée Canada, réédition de la Société historique de Boucherville, 1964.

    Marie de l’Incarnation, réédition d’avril 1985, Correspondance, par dom Guy Oury, Ursulines de Québec/Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 1075p.

    SIMPTON, Patricia, 1999, Marguerite Bourgeoys et Montréal,1640-1665, traduction de Simone Poissant, Montréal, McGill-Queen’s University Press.

  6. Gustave Lanctôt,1934, Le Canada d’hier et d’aujourd’hui, Montréal, Albert-Lévesque. On peut supposer qu’elles n’étaient pas aussi pimpantes que dans l’imagination de Lanctôt.

Signé Papineau. La correspondance d’un exilé par Yvan Lamonde

Signé Papineau. La correspondance d’un exilé
par Yvan Lamonde

Signé Papineau. La correspondance d’un exilé

 

par Gilles Durand
gilles_du@hotmail.com

 

Yvan Lamonde

Yvan Lamonde
Crédit L’Académie des lettres du Québec

Le couronnement d’une carrière d’études et de recherches

L’auteur, Yvan Lamonde, nous livre un travail qui constitue le couronnement d’un travail d’études et de recherches dans la correspondance et les écrits de Louis-Joseph Papineau, et qui lui fait honneur

 

L’ouvrage est constitué de huit textes déjà parus, mais dont la nouvelle publication dans un corpus unique se justifie amplement. Quatre constituent des introductions qui s’insèrent dans cette entreprise colossale de mettre en valeur des matériaux de l’histoire, menée principalement par Georges Aubin et Renée Blanchet : la publication des écrits de Louis-Joseph Papineau et d’autres membres de la famille Papineau – à l’heure actuelle seize volumes dont sept pour les écrits de Louis-Joseph. Trois autres textes sont des études de l’auteur parues dans la Revue d’histoire de l’Amérique française ou des ouvrages préparés en collaboration. Le dernier texte est un écrit de la main même de Papineau au crépuscule de sa vie, « Mémoires partiels », mais il faut donner à l’auteur le double mérite de l’avoir sélectionné pour son intérêt et d’en faire partager toute la richesse par des interventions entre crochets dans le texte.

 

Les grands traits de la pensée de Louis-Joseph Papineau

L’intérêt de l’ouvrage réside dans le fait qu’il prépare à la lecture des sources publiées mentionnées ci-dessus et à leur compréhension. Il nous dévoile les grands traits de la pensée de celui qui a toujours fasciné les Québécois.

 

L’héritage reçu de la France

Louis-Joseph Papineau fait montre d’une attitude réservée face à l’ancienne mère patrie, le processus de canadianisation étant bien enclenché à son époque. Par contre, il demeure attaché à l’héritage qui en provient, le système seigneurial, la langue et la foi catholique – pour cette dernière il affiche publiquement son attachement –, sur lesquels la nationalité canadienne-française trouve son fondement.

 

Une grande confédération continentale

Inspiré par sa croyance fondamentale dans l’assemblée des représentants du peuple comme source du pouvoir, Louis-Joseph reconnaît comme incontournable le droit du peuple à se gouverner lui-même. Il croit que l’Amérique doit se détacher de l’Europe, à plus forte raison, le Bas-Canada de sa nouvelle mère patrie la Grande-Bretagne. D’abord admirateur des libertés anglaises, il évolue, à compter du milieu des années 1830, vers un républicanisme de type étatsunien. Il envisage la formation d’une grande confédération continentale, composée au premier chef des États américains dont l’indépendance consacre la souveraineté de chacun, du Bas-Canada, du Haut-Canada – ces deux derniers étant redécoupés en cinq États pour tenir compte que la distance crée des valeurs et des manières de les vivre différentes –, etc. Pour lui, la constitution américaine avec Chambre des représentants et Sénat élus demeure le meilleur modèle. Louis-Joseph est conscient de l’assimilation éventuelle de ses compatriotes dans une telle structure, mais l’attachement à leurs origines françaises pourra y faire obstacle pour un certain temps, ou, à tout le moins, évitera leur engloutissement. Une telle situation est préférable à un statut à l’intérieur de l’Empire britannique, car le risque est grand pour les États membres d’être entraînés dans les alliances et les aventures du gouvernement anglais.

 

Les implications de la souveraineté populaire

Louis-Joseph entrevoit que c’est à l’intérieur d’une grande confédération colombienne, composée de toutes les races d’hommes, que les Canadiens français auront la plus grande marge de manœuvre. Il rejette l’Acte d’union de 1840 qui accorde autant de députés au Haut-Canada anglophone qu’au Bas-Canada francophone, bien qu’à l’époque celui-ci soit plus populeux que celui-là. Compte tenu de la progression de la population anglophone, il demeure très critique face à l’introduction du gouvernement responsable en 1848 – un pouvoir exécutif responsable devant une Chambre d’assemblée dominée par l’élément anglophone – et, plus tard en 1867, face à la mise en force de la Confédération canadienne.

 

Toute la vérité sur certaines questions d’un intérêt particulier

L’auteur, Yvan Lamonde, aborde aussi certaines questions d’un intérêt particulier. D’abord, la prétendue fuite de Louis-Joseph Papineau aux États-Unis en novembre 1837. Les preuves écrites font défaut pour avoir la certitude qu’il n’a pas fui, par contre il faut reconnaître les démarches faites aux États-Unis par celui-ci – les États-Unis déclarant officiellement leur neutralité – pour obtenir des ressources pour la cause des Patriotes du côté canadien de la frontière. De même, c’est sur la recommandation des Patriotes que Louis-Joseph s’exile en France de 1839 à 1845 pour obtenir de l’aide – le voyage ne donne pas de résultat, la France étant, entre autres, engagée dans une alliance avec la Grande-Bretagne. À son retour, il retourne en politique, mais de plus en plus marginalisé, il finit par se retirer complètement dans sa seigneurie de Montebello qu’il met en valeur. Il considère son statut de seigneur compatible avec sa conception de l’aristocratie qui doit s’appuyer sur le talent et l’éducation plutôt que sur la naissance. Toujours selon lui, la seigneurie a toujours été le meilleur outil pour promouvoir l’accès à la propriété foncière aux moins aisés.

 

N.B. Les éditions du Septentrion viennent de lancer une nouvelle édition revue et augmentée du journal d’un des fils de Louis-Joseph, Amédée, intitulé Journal d’un Fils de la Liberté. http://www.septentrion.qc.ca/ Le lecteur intéressé en trouvera un compte rendu préparé par un collaborateur du Devoir, Michel Lapierre (Cahier F : Livres, 20 et 21 mars 2010) Les idées d’Amédée reflètent beaucoup celles de son père, Louis-Joseph.

 

Crédit : Les Presses de l’Université de Montréal, 2009

Comité « Archives » de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs – section France

Comité « Archives » de la Commission franco-québécoise
sur les lieux de mémoire communs – section France

par Geneviève ETIENNE
Inspecteur général des patrimoines (collège archives)
et membre du conseil d’administration de CFQLMC- section France

 

Le conseil d’administration français de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs a créé un comité archives, pendant du comité archives québécois, et Geneviève Etienne a été chargée de l’animer

Ce comité archives s’est réuni trois fois depuis la fin 2009 : le 5 novembre 2009, le 20 janvier et le 9 février 2010, au moment où entrait en vigueur la réforme du ministère de la Culture et de la Communication et par suite des services publics d’archives en dépendant ( la direction des Archives de France a en effet laissé la place le 13 janvier 2010 au Service interministériel des Archives de France rattaché à la direction générale des Patrimoines du Ministère de la Culture)

 

Dès le départ, la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives (DMPA) du ministère de la Défense, dont les services d’archives sont indépendants du ministère de la Culture s’est également jointe au comité archives, Laurent Veyssière chef du bureau des archives et des bibliothèques de la DMPA, se chargeant de la coordination au sein des services de la Défense

 

Les premières réunions qui ont rassemblé un petit noyau de représentants des archives publiques françaises (collège archives de l’inspection des patrimoines, service interministériel des Archives de France, Archives nationales, Archives départementales, DMPA, service historique de la Défense) ont eu pour principal objet de définir un plan d’action.
Il a été décidé :

  • de reprendre et compléter le Guide des sources de l’histoire du Canada conservées en France, rédigé par des archivistes français et publié par les Archives publiques du Canada en 1982. Dans ce but, seront établies des fiches descriptives de fonds non décrits ou insuffisamment décrits dans le Guide, ainsi qu’une bibliographie archivistique sur ce thème précis

  • de prendre comme limites chronologiques : des premiers voyages et implantations français en Amérique du Nord à 1969 et comme limites géographiques : l’Amérique du Nord francophone hors Caraïbes

  • de décrire les fonds par groupes de cotes, sans pour autant éliminer les documents isolés présentant un intérêt particulier

  • de publier les fiches descriptives sur le site Web de la Commission, une première publication assez conséquente devant être préparée pour 2013

  • d’associer dans la mesure du possible de nombreux autres services d’archives publiques et privés et notamment le réseau des services d’archives des Affaires étrangères (lui aussi indépendant du ministère de la Culture)

  • de travailler en coordination avec le comité québécois « Archives ».

 

Au cours de la troisième réunion, le plan du futur Guide et les règles de rédaction des fiches ont été étudiés de façon plus précise.

Le double monument à Montcalm et l’œuvre de mémoire de son compatriote Gaston Bouzanquet

Le double monument à Montcalm et l’œuvre de mémoire
de son compatriote Gaston Bouzanquet

 

Par Mme Michèle Pallier, de l’Académie de Nîmes

 

Monument Montcalm

Monument de Montclam
Crédit photo : Michèle Pallier

« Si Québec est le tombeau de Montcalm, Vestric et Candiac en est le berceau », a-t-on pu écrire.

C’est en effet dans cette petite commune du Languedoc, entre Nîmes et Montpellier, qui, jusqu’en 1790, dépendait du bourg historique de Vauvert, que se trouve le château de Candiac, où naît, le 28 février 1712, Louis-Joseph de Montcalm-Gozon, seigneur de Saint-Véran, Candiac, Tournemine et Saint-Julien d’Arpaon. Le 6 mars suivant, il est baptisé à Notre-Dame de Vauvert, qui fait mémoire de cet événement.

En mars 1759, six mois avant sa mort dans les plaines d’Abraham, le marquis de Montcalm écrivait à M. de Bourlamaque, un de ses lieutenants :

« Quand serai-je au château de Candiac avec mes plantations, mon bois de chênes, mon moulin à huile, mes mûriers ? ».

Il avait quitté en 1756 sa « petite patrie » sur l’ordre du comte d’Argenson, ministre de la Guerre de Louis XV, et ne devait jamais la revoir.

 

Au XIXe siècle, Gaston Bouzanquet se souvient

Au XIXe siècle, le château n’appartenait plus à la famille Montcalm et rien, à part les plafonds armoriés, ne rappelait son glorieux passé. Bien que le souvenir n’en fût pas éteint, aucun signe tangible n’évoquait la mémoire du glorieux vainqueur de Carillon, alors que Québec avait multiplié les monuments commémoratifs à la mémoire du marquis de Montcalm et à celle du général Wolfe, son valeureux adversaire.

 

Mais, au moment où les relations avec le Canada, quasi interrompues depuis le Traité de Paris, en 1763, reprenaient, et qu’une convention commerciale était signée à Paris, le 19 septembre 1907, par Gaston Doumergue, avocat né à Aigues Vives, localité située près de Vauvert, ministre du Commerce et de l’Industrie, futur Président de la République, un de ses amis, un autre gardois, avocat, protestant et républicain comme lui – ce qui donne toute sa valeur à son engagement – Gaston Bouzanquet, né à Vauvert le 24 avril 1866, d’une vieille famille de propriétaires viticulteurs, déplore l’oubli dans lequel est tombé son compatriote, le marquis de Montcalm, dont il connaît bien l’épopée au travers des œuvres de l’abbé Casgrain, du poète Octave Crémazie et de Charles de Bonnechose, et décide d’élever à Vauvert, son pays natal, un monument qui honorerait « un tel héros, dont les Romains » dit le poète canadien Fréchette, « auraient porté les cendres au Capitole » et qui serait en même temps « un gage à jamais durable de l’antique solidarité de deux peuples issus de la même origine, parlant la même langue, imbus des mêmes traditions, en dépit de l’Océan qui les divise et des événements qui les ont séparés ».

 

Grâce à son ami le sculpteur Léopold Morice, né à Nîmes en 1846, et dont l’œuvre la plus célèbre est le grandiose monument de la place de la République à Paris, Gaston Bouzanquet va donner corps à son projet. Léopold Morice réalise un groupe « d’une impressionnante beauté » : « Montcalm est représenté frappé à mort, l’épée haute, défaillant sur le champ de bataille, mais retenu de la main droite par la Renommée, sous les traits d’une jeune femme aux ailes essorantes qui se penche au-dessus de lui et élève, de sa main gauche, au-dessus de sa tête, la couronne de lauriers que lui mérite son héroïsme ». Ce monument repose sur un piédestal en pierre blanche de Caen.

Très rapidement, l’idée d’édifier simultanément le même monument à Québec s’impose. En décembre 1907, un comité franco-canadien se constitue, dont est secrétaire et trésorier, à Québec, l’avocat Georges Bellerive, secrétaire général de « La Canadienne » de Paris, artisan zélé de l’amitié franco-canadienne, tandis qu’à Paris, Gaston Bouzanquet remplit les mêmes fonctions.

 

Un double monument à la gloire de Montcalm

À partir de ce moment, Gaston Bouzanquet, soutenu par Gaston Doumergue, va mobiliser pour son projet, les plus hautes autorités, civiles et militaires de l’État, et organise, avec Georges Bellerive, à Québec, et le poète William Chapman à Montréal, une vaste campagne de souscription, qui sera relayée pendant trois ans, par l’ensemble de la Presse nationale et internationale. Pour accompagner cette campagne de presse, une carte postale, vendue en France et au Canada sera éditée, des galas et des conférences seront organisés en faveur de l’œuvre du monument.

 

Carte postale - oeuvre du monument à Montcalm

Crédit : L’oeuvre du monument de Montcalm

 

Au moment où le courant d’opinion était irrésistible et où la souscription montait chaque jour, Gaston Bouzanquet est confronté à un contexte politique difficile à Vauvert, qui refuse d’accueillir le monument. C’est le maire de Vestric et Candiac qui propose alors, que le monument soit érigé sur la place du village, devant le château qui avait aussi appartenu à la famille Montcalm. Les obstacles surmontés, la date d’inauguration est fixée au 17 juillet 1910.

Entre temps, le 2 mai, le double du monument est embarqué au Havre, à bord du vapeur « Le Sardinian ». Il arrive à Québec le 15 mai et exposé dans la salle du Manège militaire de la Grande Allée, avant que soit réalisé le piédestal en granit rouge du Nouveau-Brunswick.

L’œuvre du monument touche à sa fin et Gaston Bouzanquet va recueillir les fruits de sa ténacité et de sa capacité à communiquer. Le 17 juillet 1910, à 10 heures du matin, le monument au marquis de Montcalm est dévoilé en présence de M. Gaston Doumergue, sénateur du Gard et ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts, de toutes les personnalités civiles et militaires du département, et d’une importante délégation canadienne conduite par l’honorable M. Dandurand, ancien président du Sénat.

L’année suivante, des fêtes grandioses se déroulent à Québec, et les Canadiens réservent un accueil enthousiaste et somptueux à Gaston Bouzanquet et à son beau-frère André Bourguet, député du Gard, qui représente la France au dévoilement du monument.

 

Reconnaissance de l’œuvre de Gaston Bouzanquet

Le souvenir le plus émouvant qu’ils garderont de leur séjour, sera leur visite aux Hurons de Lorette, qui conservent pieusement le souvenir de leurs relations avec Montcalm. Le Grand Chef, en tenue traditionnelle, remercie Gaston Bouzanquet d’avoir accepté son invitation, le félicite de l’œuvre des deux monuments à Montcalm, et lui indique, qu’en remerciement, il lui décerne l’honneur de chef honoraire des Hurons, avec le nom de « Teregatouan », ce qui signifie « Rayon de Soleil », puis lui remet un diplôme sur écorce de bouleau, bordé de cuir découpé, de Chef Huron.

Autre signe de reconnaissance : trois lacs, fort poissonneux, dans la région de la rivière Saint-Maurice, sont baptisés : « Bellerive », « Bouzanquet » et « Bourguet ».

Gaston Bouzanquet était arrivé à son but, qu’il résumait dans un dernier discours :

« Dans un enthousiasme qui me fit oublier que j’entreprenais une œuvre qui risquait d’être au-dessus de mes forces, et cédant aux exhortations des personnalités les plus autorisées, j’entrevis comme de réalisation fort simple, parce qu’elle me paraissait la plus juste et la plus noble, cette idée qui m’était suggérée : la constitution d’un comité franco-canadien, et l’érection de deux monuments strictement semblables : l’un sur le sol où Montcalm était né ; l’autre sur celui où il s’était sacrifié, martyr de sa foi en la Patrie ! ».

Les collections amérindiennes de la Nouvelle-France au Musée du quai Branly

Les collections amérindiennes de la Nouvelle-France au Musée du quai Branly

 

par André Delpuech
Conservateur en chef du patrimoine, responsable des collections des Amériques

 

Le musée du quai Branly s’apprête à mettre en ligne sur son site Web un portail d’accès aux collections amérindiennes de la Nouvelle-France qui permettra de consulter la totalité des objets collectés aux XVII et XVIIIe siècles.

 

Collections amérindiennes de Nouvelle-France (XVII-XVIIIe siècles)

Au sein d’une vaste collection de plus de 100 000 objets issus des Amériques, le musée du quai Branly possède un ensemble exceptionnel provenant des premiers contacts établis entre Amérindiens et Européens entre les XVIIe et XVIIIe siècles au cours de l’exploration puis de la colonisation française de l’Amérique du Nord, sur le vaste territoire de la Nouvelle France s’étendant du Québec à la Louisiane et loin vers l’ouest et le nord-ouest américain.

 

Ainsi, directement liés à cette histoire de la Nouvelle-France, collectés principalement dans la région du Saint-Laurent et des Grands Lacs ainsi que dans la vallée du Mississippi, un peu plus de 370 objets a priori entrés en France avant la Révolution française constituent un témoignage unique des populations amérindiennes et de leurs échanges avec les premiers explorateurs et colonisateurs français.

 

La Nouvelle-France en 1750

La Nouvelle France en 1750 (in Catalogue de l’exposition « Premières Nations – Collections royales »)

 

Du « cabinet des curiositez » au musée

Rapportés en France par des missionnaires, gouverneurs, marins ou militaires, ces objets étaient offerts aux Rois de France ou rassemblés par des Aristocrates au sein de ce que l’on appelait les Cabinets de curiosités, ancêtres de nos musées.

Les collections conservées au « cabinet des curiositez » royal dès le XVIe siècle, ou, un peu plus tard, au Jardin des Plantes créé par Louis XIII en 1626, celles du « cabinet des médailles et des antiques » de la Bibliothèque royale, ou de M. de Fayolle à Versailles (puis du marquis de Sérent), et enfin celles de quelques autres Nobles furent saisies à la Révolution française. Si nombre de ces objets anciens disparut au fil des évènements, certaines de ces curiosités furent néanmoins sauvées et transférées à partir de 1795 au nouveau cabinet des Antiques de la Bibliothèque nationale ; celles du marquis de Sérent à Versailles furent conservées à la bibliothèque municipale de la ville.

 

Plus de 370 objets traversèrent ainsi le XIXe siècle et le début du XXe siècle dans différents lieux : Bibliothèque nationale, Bibliothèque municipale de Versailles, Musée de Marine du Louvre, Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, Musée de l’Artillerie devenue de l’Armée aux Invalides… Puis ces diverses pièces (peaux peintes, mocassins, wampums, coiffes, sacs, armes, calumets…) entrèrent au musée d’Ethnographie du Trocadéro entre sa création en 1878 et 1934. Elles sont aujourd’hui conservées au musée du quai Branly mais inscrites sous divers numéros d’inventaire, fruit de cette histoire tourmentée.

 

Un travail d’enquête sur les origines

De ce fait, les objets issus de Nouvelle-France des XVIIe et XVIIIe siècles sont disséminés au sein de nombreuses collections, mêlés à des milliers d’autres pièces américaines et il reste parfois difficile de tracer les péripéties de leur histoire muséale. Ces ensembles portent les numéros de collections suivants :

  • 71.1878.32. Ancienne collection de la Bibliothèque nationale ;
  • 71.1881.17 Ancienne collection du Muséum national d’histoire naturelle ;
  • 71.1909.19. Ancienne collection du Musée des Antiquités nationales, dont certaines pièces auparavant collection du Musée de Marine du Louvre.
  • 71.1917.3. Ancienne collection du Musée de l’Armée, dénommé auparavant Musée de l’Artillerie. Les pièces retenues ici, présentées dans la galerie d’ethnographie de ce dernier, provenaient de la Bibliothèque nationale.
  • 71.1934.33. Ancienne collection de la Bibliothèque municipale de Versailles

 

La plupart de ces pièces collectées avant la Révolution ne possède pas d’information sur le lieu de collecte et sur les groupes amérindiens qui les ont produites. Le travail d’enquête sur ces collections, exceptionnelles par leur ancienneté, doit donc se poursuivre. Des recherches d’archives sont menées en différents lieux, à commencer par la Bibliothèque Nationale de France, mais aussi dans les archives et cahiers d’inventaires des différents musées et institutions concernés. Dans le même temps, une étude ethnographique des objets est menée qui visera à identifier les cultures autochtones d’origine, les usages, les matériaux et les significations des pièces. Ce type d’inventaire et de recherches est appelé à se développer au sein des autres musées des régions françaises qui, pour certains d’entre eux (Besançon ou Lille par exemple) possèdent des collections issues des Cabinets du Roi ou, dans d’autres villes, des collections issues de cabinets de curiosités d’aristocrates.

 

Ce travail de longue haleine est mené en collaboration avec différents chercheurs et de nombreuses institutions parmi lesquelles, outre les musées de France et du Canada concernés, plusieurs universités, la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, ICOM France et la Société des musées québécois.

 

Eléments de bibliographie

Feest, Christian sous la dir. (2007). Premières Nations, collections royales : les Indiens des forêts et des prairies d’Amérique du nord. Paris : Réunion des musées nationaux & musée du quai Branly, 2007, 96 p. (catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Premières Nations – Collections royales », du 13 février au 13 mai 2007) ISBN 9-782-9151-3345-5

 

Havard, Gilles & Vidal, Cécile (2006). Histoire de l’Amérique française. Paris : Flammarion, éd. entièrement revue 2006, 863 p. ISBN 2-08-080121-X

 

Vitard, Anne sous la dir. (1993). Parures d’histoire : peaux de bisons peintes des Indiens d’Amérique du Nord. Paris : Réunion des musées nationaux & Musée de l’Homme, 1993, 144 p. ISBN 2-7118-2711-9

 

Vitart, Anne (1992). Chronique d’une rencontre : en terre de Canada. In Daniel Lévine sous la dir. Amérique continent imprévu : la rencontre des deux mondes. Paris : Bordas, 1992. ISBN 2-04-019588-2. P. 89-114

 

Nous invitons les lecteurs à visiter:

le site Web du musée quai Branly

le site Web de la Société des musées québécois

le site web du Musée canadien de l’histoire

 

 

 

Illustrations

Ceinture wampum. Grands Lacs occidentaux. XVIIIe siècle. Ancienne collection Bibliothèque Nationale

71.1878.32.61

Ceinture wampum. Grands Lacs occidentaux. XVIIIe siècle. Ancienne collection Bibliothèque Nationale

 

Bonnet à cornes fendues. Grands Lac occidentaux ou Plaines du nord-est, vers 1780 ; Ancienne collection de la Bibliothèque municipale de Versailles

71.1934.33.32

Bonnet à cornes fendues. Grands Lac occidentaux ou Plaines du nord-est, vers 1780 ; Ancienne collection de la Bibliothèque municipale de Versailles

Un guide pour découvrir les traces de la Nouvelle-France

Un guide pour découvrir les traces de la Nouvelle-France

 

par Gilles Durand
gilles_du@hotmail.com
Sherbrooke (Québec)

 

Présentation générale

Dans un langage facile à lire, précis et concis, Sébastien Brodeur-Girard, assisté de Claudie Vanasse, propose aux visiteurs québécois et étrangers un guide, Parcours de la Nouvelle-France : l’histoire du Québec en visites, pour retracer et découvrir les éléments les plus représentatifs du patrimoine matériel et, à l’occasion, immatériel du Québec. La période retenue est celle de la Nouvelle-France, des premières découvertes à la conquête par les Britanniques. Les biens patrimoniaux sont présentés par localité et les localités par région d’appartenance, le circuit de visite pouvant être de niveau régional ou local. L’auteur fait montre d’une connaissance approfondie de la période et du territoire, sans compter son habileté à faire ressortir les éléments essentiels et à éviter les détails superflus dans un ouvrage général de ce type.

http://librairie.cyberpresse.ca/livres/parcours-nouvelle-france-1081.html

 

Parcours de la Nouvelle-FranceUn guide bien articulé

Le guide se subdivise en deux grandes parties. La première, l’Introduction, présente une chronologie et une vue d’ensemble du contexte général du Québec au 17e siècle et dans la première moitié du 18e siècle : les premiers occupants, les Amérindiens, avec qui les Français entrent en contact; la population avec ses arrivées, ses départs et ceux qui s’enracinent; l’administration coloniale et sa structure bicéphale, le gouverneur et l’intendant; le découpage du territoire en seigneuries et en paroisses; les activités économiques dont la principale, la traite des fourrures; la vie religieuse et ceux qui en ont la charge, les communautés et le clergé séculier; enfin les pratiques architecturales. La deuxième partie, le « Parcours » qui constitue l’essentiel de la publication, se décompose en sept sous-chapitres, un pour chacune des régions du Québec retenues. Chacun contient des données sur la région elle-même, sur les localités qui la composent et, pour chacune de celles-ci, sur les biens patrimoniaux les plus riches datant de la période étudiée. Le parcours d’ensemble prend origine dans la capitale, longe la rive nord du fleuve, traverse en Gaspésie, se dirige vers l’ouest par la Côte-du-Sud et la rive sud, pour atteindre la métropole et finalement retourner au point de départ, Québec, par le chemin du Roy. La publication se termine par des « Suggestions de lectures » et un « Index des localités citées ».

 

Les catégories de biens patrimoniaux retenus pour chaque localité

L’auteur procède par localité et débute en donnant d’abord le nombre d’habitants au moment de la conquête. Rien de mieux, par exemple, pour distinguer à l’époque un lieu de passage comme Rivière-du-Loup (50 habitants, p. 93), un lieu de présence saisonnière où l’on fait sécher la morue comme Gaspé (109 habitants, p. 97) ou un lieu d’enracinement comme Beauport, où les cultivateurs sont nombreux et l’agriculture prospère (882 habitants, p. 58). Une fois les données de population établies, l’auteur dévoile les éléments qui se démarquent dans le paysage ou bien encore qui l’expliquent : un site archéologique, une église, un presbytère, un manoir seigneurial, une résidence familiale, un moulin à farine, un établissement industriel, un chemin, une rue ou une avenue, un monument rappelant la mémoire d’un personnage qui marque encore l’imaginaire, un événement comme la guerre de Sept Ans, etc., sans oublier le musée et le centre d’exposition et d’interprétation pour ceux qui veulent approfondir leur découverte.

 

Les informations fournies sur les biens patrimoniaux

Pour chacun des biens patrimoniaux retenus, l’auteur fournit les données essentielles pour les retracer et les apprécier à leur pleine valeur : nom et numéro de rue, téléphone, bref historique, tout en évitant l’écueil de submerger le lecteur. Les descriptions tiennent compte des modifications subies par un bien patrimonial en raison d’événements survenus comme un incendie, une guerre, celle de la conquête, ou bien une décision de la communauté qui le supporte afin de l’adapter à ses besoins. Les descriptions sont souvent accompagnées de magnifiques illustrations qui en facilitent la compréhension et préparent la visite.

 

Un patrimoine en mouvement et de nature immatérielle

Deux points forts à signaler. L’auteur ne manque pas de signaler les modifications que le bien connaît au cours de la période retenue. Le visiteur doit prendre garde : malgré toutes les apparences, le bâtiment qu’il voit, a peut-être perdu ses caractères originaux en tout ou en partie dans le passé. De même, l’auteur sait intégrer avec habileté des biographies d’individus et des éléments du patrimoine immatériel, comme les légendes, au patrimoine matériel. Par là, il aide à recréer le contexte et l’atmosphère de l’époque. Démontrer que le patrimoine est en mouvement, donner une place beaucoup plus grande au patrimoine immatériel, c’est aussi ce à quoi s’applique l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, un projet en construction, accessible en ligne, lancé par la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs. Pour cette raison, l’Encyclopédie aurait eu avantage à trouver place parmi les Suggestions de lectures du guide.

http://www.ameriquefrancaise.org/fr

 

Quelques suggestions pour une prochaine édition

L’auteur connaît à fond la période de la Nouvelle-France. Toutefois, comme les connaissances se développent à un rythme très rapide, cela ne devrait pas lui enlever ses qualités que de signaler deux passages qui auraient avantage à être mis à jour ou nuancés. À la page 57, sous la rubrique Le Lieu historique national du Canada Cartier-Brébeuf, les plus récentes recherches de Jacques Mathieu sur l’annedda démontrent que la tisane riche en vitamine C qui a guéri l’équipage de Cartier, n’a pas été préparée à partir du thuya, mais à partir du sapin baumier. De même, compte tenu des recherches actuelles, l’affirmation de l’auteur, à savoir que le mystère demeure entier quant à la plaque du chien d’or apposée sur l’édifice du bureau de poste de Québec (p. 42), pourrait être nuancée – voir entre autres la biographie de Nicolas Jacquin dit Philibert préparée par Jean-Claude Dupont dans le Dictionnaire biographique du Canada accessible en ligne.

http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/livre.asp?id=3069

http://www.biographi.ca/fr/bio/jacquin_nicolas_3F.html

 

Une cartographie plus détaillée

La cartographie pour l’ensemble du Québec, pour chacune de ses régions de même que pour la capitale et la métropole pourrait très avantageusement être complétée pour le plus grand bénéfice du lecteur. Pour chacun des biens patrimoniaux présentés, l’auteur donne l’adresse dans la localité et le numéro de téléphone. L’information est suffisante une fois rendu dans la localité, mais comment s’y rendre. Pour les villes de Québec et de Montréal, l’auteur donne le tracé des rues des secteurs patrimoniaux, sans indiquer toujours le nom de la rue. Les cartes régionales en début de chaque sous-chapitre ou région auraient avantage à comprendre l’emplacement de chaque localité mentionnée dans le guide. Les cartes des villes quant à elles pourraient toujours donner le nom de la rue en regard de son tracé. Sans trop alourdir le guide, une telle façon de faire épargnerait au visiteur d’avoir toujours à portée de la main des cartes de l’ensemble du Québec et de ses régions. Elle présente d’autant plus d’importance que le guide est publié dans un format facilement transportable et consultable, un atout qui vient s’ajouter à la qualité de son contenu.

 

Des index par thèmes et par catégories de biens

Le guide se démarque non seulement comme compagnon de voyage, mais aussi comme introduction à l’histoire du Québec. L’Index des localités citées aurait cependant avantage à être accompagné d’un index par thèmes ou sujets et aussi d’un index par catégories de biens patrimoniaux, par exemple les églises, les manoirs seigneuriaux, les moulins à farine, etc. Le premier index souhaité apparaît de beaucoup comme le plus important, car en liant entre eux les événements, il aiderait à leur compréhension et à celle de l’histoire du Québec. Prenons à titre d’exemple la rubrique Le Parc des braves et la bataille de Sainte-Foy (p. 184). Après cette bataille du 28 avril 1760, Lévis entreprend le siège de Québec, espérant des renforts de France qui n’arrivent pas. Un peu plus loin (p. 102), le guide souligne, sous la rubrique La bataille de la Ristigouche, le refuge dans la baie des Chaleurs de trois des six navires de l’amiral français de La Giraudais et leur sabordage pour éviter qu’ils ne tombent aux mains des Britanniques. Comme autre exemple, prenons le cas de la dispersion des Acadiens : certains se réfugient dans un village de fortune appelé Petite-Rochelle (p. 103), d’autres à Nicolet (p. 112), d’autres encore à L’Assomption (p. 169). Mais comment le savoir avant d’avoir fait la lecture du guide?

 

Une publication indispensable

Dans son forme actuelle, Le Parcours de la Nouvelle-France constitue un outil à se procurer pour planifier des vacances enrichissantes au Québec. Il constitue le compagnon idéal et indispensable de ceux qui envisagent une partie de leur périple sur le territoire du Québec.

Une « authentique mémoire » des lieux : l’archéologie au Québec

Une « authentique mémoire » des lieux :
l’archéologie au Québec

 

par Louise Pothier
Directrice, Expositions-Technologies
Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal

 

Fouilles fort vile-Marie

Fouilles fort
de Ville-Marie
Photo Alain Vandal

Depuis quarante ans, les archéologues québécois sillonnent les quatre coins de la province pour découvrir, documenter et protéger un patrimoine culturel d’une richesse souvent insoupçonnée. Ils s’activent aussi à tisser des liens essentiels avec leurs collègues canadiens et américains pour reconstituer les réseaux d’occupation du territoire à des époques qui ne connaissaient pas les frontières politiques actuelles, comme à la préhistoire et au temps de la Nouvelle-France.

 

Malgré la non monumentalité de ses vestiges, l’archéologie québécoise se positionne favorablement sur la scène internationale. Parmi les grandes réalisations, citons Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, dont l’importance du site mis en valeur – le lieu de fondation de Montréal – et l’audacieuse intégration des vestiges de plusieurs époques dans un bâtiment moderne en font l’un des musées les plus visités au Québec. Nous y reviendrons. Dans ce très bref tour d’horizon que nous proposons ici, nous évoquerons quelques sites emblématiques ainsi que d’autres, moins connus, qui soulignent tous la contribution de l’archéologie à la connaissance des lieux de mémoire.

 

De la préhistoire à Jacques Cartier

Maison longue Site Droulers-Tsiionhiakwatha Saint-Anicet

Maison longue Saint-Anicet
Crédit :Site Droulers-Tsiionhiakwatha

En comparaison avec la période historique (1535 à nos jours), la préhistoire au Québec constitue la plus longue période d’occupation humaine, soit environ 11 500 ans; mais elle s’avère aussi celle qui a laissé les traces les plus éphémères et les plus difficiles à percevoir dans le paysage actuel. De tous les groupes qui se sont succédés sur le territoire, ce sont les Iroquoiens du Saint-Laurent qui sont les mieux connus des chercheurs. Plusieurs sites villageois ont été retrouvés dans la vallée du Saint-Laurent : à Deschambault, à Lanoraie, à Tracy près de la rivière Richelieu, à la Pointe-du-Buisson et plus récemment au site Droulers-Tsiionhiakwatha. Ces deux derniers sites ont fait l’objet d’une mise en valeur in situ.

 

À Droulers près de Saint-Anicet, on a reconstitué une palissade, des maisons-longues, un jardin de plantes autochtones (maïs, tabac, courge et haricot) et on y offre des activités qui permettent aux visiteurs de tous âges de renouer avec les traditions de ces premiers horticulteurs du Québec. Les fouilles s’y poursuivront au cours des prochaines années, permettant de documenter davantage ce groupe qui occupait la région peu de temps avant l’arrivée de Jacques Cartier au Canada.

 

Pointe-à-Callière et les Éditions de l’Homme ont publié en 2006, sous la plume de l’archéologue Roland Tremblay, un ouvrage synthèse qui retrace l’épopée des Iroquoiens du Saint-Laurent et présente une carte localisant plus de 200 sites retrouvés sur un immense territoire, de l’embouchure du lac Ontario jusqu’à Mingan sur la Côte-Nord. Malgré la fragilité des vestiges et la vulnérabilité des sites, les analyses conjuguées de plusieurs chercheurs du Québec, de l’Ontario et des États-Unis conduisent aujourd’hui à des hypothèses de plus en plus cohérentes concernant la dispersion de ces groupes iroquoiens dans la seconde moitié du 16e siècle.

 

Un autre site important de la période du contact (16e siècle) est celui du fort de Cartier et Roberval à Cap-Rouge près de Québec, découvert en 2005. L’étude des vestiges de cette première tentative de colonisation européenne en pays iroquoien (1541-1542) permettra de mieux comprendre le contexte d’établissement des Français et leurs relations avec les autochtones. Cartier visita, au cours de ses explorations, les deux plus grandes agglomérations iroquoiennes de la vallée du Saint-Laurent en aval de Montréal, Stadaconé et Hochelaga. Aucun de ces deux sites n’a encore été retrouvé.

 

De la capitale coloniale à la métropole canadienne

Parmi les incontournables références aux sites du Régime français au Québec, citons la Place Royale à Québec, où se trouve l’un des plus riches ensembles architecturaux de cette période en Amérique du Nord. Les collections archéologiques qui en proviennent sont également uniques et même spectaculaires en regard de leur intégrité souvent stupéfiante pour des objets qui proviennent de sites archéologiques.

 

Non loin de la Place Royale, le site de l’îlot des Palais constitue également un lieu de mémoire dont la portée symbolique est grande – le Palais de l’intendant constituait en effet le site du pouvoir administratif de la colonie. Ce site a servi d’École de fouilles de l’Université Laval pendant plus de vingt ans. L’une des caractéristiques de ce lieu est la réutilisation de l’espace urbain pendant trois siècles et la conservation remarquable des strates les plus anciennes, notamment les magasins du roi dont le contenu nous offre aujourd’hui un instantané saisissant du rôle d’approvisionnement commercial de la capitale à l’égard des postes de traite. Le premier palais fut mis en valeur pendant une décennie et faillit devenir un musée de site en 2008 à l’occasion du 400e anniversaire de Québec, projet toutefois laissé en plan.

 

Ces dernières années, Parcs Canada a entrepris la fouille des forts et châteaux Saint-Louis érigés sur les hauteurs de la falaise qui domine le fleuve à Québec, sous l’actuelle terrasse Dufferin, en plein cœur de l’arrondissement historique. Les recherches ont permis de mettre au jour quatre générations de forts et deux générations de châteaux construits sur le même site, depuis l’occupation des lieux par Samuel de Champlain et ses hommes en 1620, jusqu’à l’incendie du château en 1834. Pendant les fouilles, des dizaines de milliers de visiteurs ont eu accès au chantier. Les recherches à venir permettront de mettre en valeur les résultats de ces découvertes et de quantité d’objets qui témoignent de la vie quotidienne des gouverneurs et de leur entourage.

 

Dans la région montréalaise, le lieu de fondation de Montréal, dans l’arrondissement historique, s’avère le site le plus important par sa richesse matérielle, la diversité de ses occupations et son importance symbolique. Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, préserve et met en valeur ce lieu où se trouvent non seulement les sites archéologiques mais aussi deux bâtiments patrimoniaux et un bâtiment contemporain, l’édifice de l’Éperon, érigé en surplomb des vestiges archéologiques. Ce complexe muséal comprend les sites archéologiques – le premier cimetière catholique de Montréal, les vestiges de l’édifice Royal Insurance, le premier égout collecteur de Montréal construit en pierre en 1832-1838, ainsi que les vestiges sous la crypte de la place Royale, notamment les fortifications de Montréal et la place du marché. Le Musée poursuit sa mission de recherche et s’est associé depuis 2002 à l’Université de Montréal pour établir une école de fouilles en archéologie urbaine, sur le site du fort de Ville-Marie et château de Callière, dans un entrepôt désaffecté. Publications, expositions et activités culturelles et éducatives enrichissent également sa programmation annuelle. Soulignons qu’en 2009 plus de 90 000 jeunes ont fréquenté le Musée, pour un total de 400 000 visiteurs. Afin de soutenir cette popularité croissante et d’élargir son rayonnement national et international, le Musée a entrepris un projet d’expansion destiné à doter la population montréalaise, québécoise et canadienne d’un lieu de culture, de commémoration et d’histoire marqué par l’authenticité. C’est une histoire à suivre…

 

L’archéologie, une valeur ajoutée pour les régions

En définitive, la présence de l’archéologie sur la place publique québécoise se fait de plus en plus visible depuis les vingt dernières années. S’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, il est maintenant acquis auprès d’une grande partie de la population que cette discipline constitue une nouvelle façon de connaître le passé et de développer un attachement particulier à des sites et à des régions. Outre le rôle positif des musées et des sites eux-mêmes, la création récente (1999) du Réseau Archéo-Québec a fait pour beaucoup dans cette redécouverte du patrimoine archéologique. Cette association d’une centaine de lieux de recherche et de diffusion de l’archéologie a donné naissance à des activités désormais courues par le public, regroupées pendant le Mois de l’archéologie, en août de chaque année. Des municipalités, des MRC, des institutions d’enseignement, des centres d’interprétation et des musées unissent leurs efforts pour présenter une programmation diversifiée.

 

Les défis de la prochaine décennie seront sans doute liés à la gestion concertée et ouverte des ressources archéologiques et à favoriser une plus grande accessibilité aux travaux des chercheurs à travers, par exemple, des partenariats constructifs entre universités, firmes privées et lieux de diffusion. Nous faisons le pari que des solutions innovantes seront mises de l’avant pour développer des façons de faire qui sont à l’avant-garde de la conservation et de la mise en valeur de l’archéologie, toutes ressources confondues.

 

Voir aussi :

le site Web de Pointe-à-Callière

le site du Réseau Archéo-Québec

La Salpêtrière et « les Filles du Roy » au XVIIe siècle – conférence

La Salpêtrière et « les Filles du Roy » au XVIIe siècle – conférence

 

par Maud Sirois-Belle
France

 

Le 21 janvier 2010, la mairie du XIIIe arrondissement de Paris accueillait Maud Sirois-Belle qui a donné une conférence sur « La Salpêtrière et « les Filles du Roy » au XVIIesiècle.

 

La conférencière a rappelé qui étaient ces filles, leur origine et leur grande aventure vers le Nouveau Monde. Elle a présenté aussi le projet caritatif qui a conduit à la création de l’hôpital au XVIIe siècle et l’a mis en perspective avec l’envoi des filles du roi en Nouvelle-France, avant 1673. Dans son propos, elle montre comment l’idée initiale de venir en aide aux pauvres et aux démunis se transformera et la Salpêtrière deviendra en définitive un lieu d’enfermement ou de rejet pour tous les marginaux.

 

Une centaine de personnes ont assisté à cette conférence, nos lecteurs peuvent consulter le texte dans le bulletin de la Société de généalogie de Drummondville, la Lanterne, numéro de mars

 

Le texte de la conférence a été publié dans le Bulletin annuel (2010) de la Société d’histoire et d’archéologie du XIIIe arrondissement de Paris, 1 place d’Italie, 75013 Paris.

 

Enfin nos lecteurs peuvent également consulter le site de la société d’histoire des Filles du roi, qui est en cours de création au Québec, mais qui dispose déjà d’un site Web.

La Vendée, terre de passions

La Vendée, terre de passions

 

par Alain RIPAUX

 

La vendée, terre de passions

Le dessin de couverture a été réalisé
par Frédéric Mathias.
Crédit : L’éditeur VISUALIA

Après le succès des livres « Le Québec, une Amérique française » et « Images et souvenirs du Poitou-Charentes », Alain Ripaux, président de Visualia, vous propose un nouvel ouvrage historique et cartophile « La Vendée, terre de passions ».

 

Dans ce livre, l’auteur nous fait découvrir un département riche en histoire, en traditions et dont le patrimoine culturel est particulièrement intéressant avec ses châteaux, ses églises, ses lieux de mémoire comme ceux du Puy-du-Fou ou de l’Historial de Vendée. Il évoque également l’émigration vendéenne en Nouvelle-France de 1608 à 1759.

 

La Vendée est une contrée bien connue pour les terribles combats qui eurent lieu sur son territoire pendant la Révolution entre les « Blancs » royalistes et les « Bleus » républicains. La pacification et la reconstruction de la Vendée ont véritablement commencé sous le Consulat et l’Empire avec les actions de Napoléon 1er pour faire construire une nouvelle préfecture, ouvrir des routes, et doter le département de nouvelles infrastructures administratives .

 

Aujourd’hui, la Vendée est un département très dynamique sur le plan culturel, économique et touristique. Le parc du Puy-du-Fou et le Vendée Globe sont des vecteurs importants de communication qui attirent des dizaines de milliers de visiteurs.

 

Avec des textes bien documentés et précis, le nouveau livre d’Alain Ripaux est illustré de plus de 140 cartes postales anciennes sélectionnées avec soin. Personnages historiques de la Vendée, vieux métiers, évènements, villes et villages, costumes et traditions populaires représentent le patrimoine cartophile d’un département très attaché à son passé.

Cet ouvrage deviendra certainement un ouvrage de référence pour les passionnés d’histoire, de cartophilie et pour tous les amis de la Vendée et de la Nouvelle-France.

 

Editions Visualia, parution : janvier 2010, 125 pages

Vous pouvez consulter le site de l’association Visualia

Ce livre peut être directement commandé à l’ordre d’Alain Ripaux – 49, rue Belgrand – 75020
au prix de 20 € + 3 € de port – courriel : alain.ripaux@laposte.net

Cent des plus belles légendes francophones et amérindiennes présentées au Musée de Pointe-à-Callière d’archéologie et d’histoire de Montréal

Cent des plus belles légendes francophones et amérindiennes
présentées au Musée de Pointe-à-Callière d’archéologie et d’histoire de Montréal

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Papineau en chasse-galerie

Papineau en
chasse-galerie

Jean-Claude Dupont
Crédit photo

Présentation des légendes, illustrations, mise en contexte

Le Musée Pointe-à-Callière d’archéologie et d’histoire de Montréal présente, du 9 février au 16 mai 2010, cent des plus belles légendes francophones et amérindiennes qui ont circulé de bouche à oreille en Amérique du Nord. Ces légendes, des récits ancrés dans le quotidien des communautés, mais teintées par l’imaginaire, recueillies par le professeur, chercheur, ethnologue et artiste, Jean-Claude Dupont, sont mises en valeur de plusieurs façons : elles sont illustrées par des peintures d’expression naïve de celui-là même qui les a recueillies; elles sont racontées par des enregistrements de personnes qui les gardent en mémoire; elles sont mises en contexte par plusieurs objets de la culture matérielle et, bien évidemment, par un montage des plus soignés, qui nous captive.

 

Une histoire imaginaire du Québec et de l’Amérique française

Les légendes présentées tout au long de l’exposition révèlent beaucoup de l’héritage apporté de la vieille France par nos ancêtres, des difficultés de la traversée de l’océan, des activités exigeantes exercées sur le nouveau continent, pêche, traite des fourrures, coupe du bois, etc. Telle la légende de la chasse-galerie, au point de départ une formation de jeunes gens en fête se déplaçant dans le firmament, devenue, dans le contexte de la vie isolée dans les chantiers, une équipe de bûcherons volant dans le ciel en canot d’écorce amérindien pour se rendre auprès de leur belle. Ou bien encore les légendes ayant trait à ces hommes plus grands que nature, endurcis à son contact, qui abattent un travail de géant dans les chantiers, combattent entre eux pour le titre de « coq du village », ou qui n’hésitent pas à affronter un adversaire redoutable, même en territoire américain.

 

Quelques autres thèmes exploités

La religion, le bien et le mal comptent parmi les thèmes abondamment exploités. Nulle surprise que le curé du village joue un rôle important, doté qu’il est de pouvoirs magico-religieux pour faire venir la pluie, conjurer un fléau ou bien encore donner un caractère solennel à une activité, par exemple en bénissant une érablière au temps des sucres. De même, les méchants autant que les bons font partie du quotidien de nos ancêtres pour les surprendre et leur faire peur. Ces êtres malveillants et maléfiques, qui importunent à l’occasion, sont de plusieurs types : le diable qui fréquente ceux qui vivent en marge de la religion et de la société, le loup-garou, un humain transformé en animal circulant à la noirceur, le feu-follet, petites flammes exprimant une âme en peine en mal de quitter le purgatoire de même que le revenant et le fantôme se manifestant pour rappeler une obligation religieuse.

 

Un parcours exceptionnel, celui de Jean-Claude Dupont

Visiter l’exposition, c’est aussi retracer l’œuvre ethnographique et artistique de Jean-Claude Dupont dont la contribution exceptionnelle a été reconnue en 1998 par l’attribution du Prix du Québec Gérard-Morisset . L’ethnologue et artiste n’a pas seulement enquêté sur le terrain, recueilli et analysé avec un esprit aiguisé le patrimoine oral francophone et amérindien de l’Amérique du Nord. Il s’est aussi préoccupé de conservation, les légendes qu’il a recueillies comptant parmi les riches collections des Archives de folklore et d’ethnologie de l’Université Laval . Animé par la conviction que la lumière ne doit pas rester sous le boisseau, il s’est aussi donné entièrement à la diffusion. Il a à son crédit un nombre impressionnant de publications d’ouvrages spécialisés et de recueils et il a contribué à plusieurs expositions, en particulier par sa collection de peintures d’expression naïve composée de près de 400 toiles et tableaux qu’il a préparés pour illustrer les légendes. Le visiteur trouvera sur le site Web des Éditions GID deux de ses dernières publications en lien avec la présente exposition : Légendes du Québec : un héritage culturel, 2008, 252 p.; Mythes et légendes des Amérindiens, 2010, 160 p.

 

La Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs s’associe à la présente exposition

La Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs est fière de s’associer à la présente exposition. Jean-Claude Dupont est un passeur de mémoire, de la mémoire franco-québécoise en particulier. C’est la deuxième fois qu’elle le reconnaît publiquement, ayant déjà apporté son soutien à la publication par l’auteur en 2008 de deux fascicules : Légendes de l’Amérique française et Légendes des ancêtres québécois.

 

Pour en savoir davantage

Le visiteur pourra trouver de l’information additionnelle sur la présente exposition en consultant le site Web du Musée de Pointe-à-Callière

 

 
Crédit :
Les Photographes Kedl
Collection Pointe-à-Callière, don de l’artiste
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