Au temps de la petite vérole – la médecine au Canada
aux XVIIe et XVIIIe siècles
par Rénald Lessard : un voyage surprenant dans l’histoire médicale de la Nouvelle-France
Par Evelyne Ferron
Source : Bible urbaine Ton webzine branché sur la culture
Crédit photo : Les éditions du Septentrion |
Lorsqu’on pense aux maladies infectieuses ou aux pratiques médicales (parfois douteuses) du passé, nous en avons généralement une image assez floue, pour ne pas dire empreinte de fausses conceptions. Historien et coordonnateur de la section Diffusion au Centre d’archives de Québec de la section Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rénald Lessard s’est attaqué avec minutie à cette histoire complexe qu’est celle des maladies et de la médecine en Nouvelle-France. Il nous offre ici l’édition de son impressionnante thèse de doctorat dans un format de type encyclopédie illustrée, ce qui ne nuit en rien à la qualité d’érudition de cet ouvrage, rare dans l’historiographie québécoise.
Si nous comprenons mieux aujourd’hui l’origine de certaines maladies et les modes de propagation de nombreuses infections, à l’époque de la Nouvelle-France la maladie était encore perçue comme une punition divine. En effet, avant les avancées significatives en médecine et à l’ombre d’un pouvoir important de l’Église catholique, la société de la Nouvelle-France, à l’instar de la France, voyait Dieu comme maître de la vie et de la mort. Les gens étaient de plus habitués à la mort, qui arrivait par le biais de guerres sanglantes, mais aussi tout simplement par la naissance, qui représentait souvent le décès de la mère en couches et parfois de l’enfant. Et que dire des maladies infantiles qui emportèrent tant de jeunes enfants dans l’histoire de l’humanité! Mais cette vision des choses n’excluait en rien les besoins de soins médicaux des Canadiens-Français et c’est dans ce contexte de fatalité que s’est développée la médecine en Nouvelle-France aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Le livre de Rénald Lessard nous plonge donc dans ce contexte bien particulier et le fait de manière méticuleuse et même pédagogique. L’ouvrage de 448 pages décortique en détail non seulement ce contexte particulier en Nouvelle-France (pourtant réputée pour un air plus sain qu’en Europe), mais aussi, dans le premier chapitre, s’attarde aux différentes maladies qui ont affecté la société canadienne-française, passant de la petite vérole, au typhus, aux maladies de la peau et même aux empoisonnements. Après ce parcours historique souvent inquiétant (hypocondriaques s’abstenir!), l’historien s’intéresse à l’art de guérir, que ce soit à l’aide de médicaments ou… d’outils et continue cette analyse en nous présentant les praticiens non reconnus comme le clergé, mais aussi les charlatans. Mais l’histoire de la médecine, surtout en Nouvelle-France, serait incomplète sans une analyse des hôpitaux et à travers eux, des communautés religieuses qui en ont eu la charge comme les Augustines qui ont fondé l’Hôtel-Dieu de Québec. Rénald Lessard s’y intéresse et nous présente ensuite ceux qui ont fait au fil du temps de la médecine une spécialité : les apothicaires, les médecins et les chirurgiens.
Le résultat est donc un livre étoffé qui couvre avec détail tous les aspects de l’histoire médicale de la Nouvelle-France et les informations (n’oublions pas qu’il s’agit de la publication d’une thèse) sont abondamment appuyées de notes en bas de page explicatives et le livre est également accompagné d’une imposante bibliographie. Outre ce caractère encyclopédique, ce livre est aussi secondé par de nombreuses références à des documents d’époque qui viennent humaniser le propos en nous illustrant la réalité des gens. En effet, l’ouvrage aurait pu être uniquement axé sur les maladies et les méthodes de guérison, mais Rénald Lessard a eu le génie ici de faire parler les gens à travers une histoire qui aurait donc pu être très technique. De plus, ces témoignages sont bien souvent accompagnés d’images d’archives (toutes en noir et blanc), comme des certificats de soins, qui nous permettent de voir la calligraphie de l’époque.
Malgré cette volonté de rendre l’ouvrage grand public, il n’en demeure pas moins que ce livre est avant tout un ouvrage de référence historique, caractérisé par une approche scientifique. À cet égard, il est surtout destiné aux amateurs d’histoire de la Nouvelle-France, de même qu’aux différents spécialistes du domaine médical. Il s’agit effectivement d’un ouvrage de référence de grande qualité. Le style d’écriture rend néanmoins le propos tout à fait compréhensible pour le grand public et parvient à rendre intéressant des sujets qui parfois pourraient être très lourds. Cependant, si la mention même d’une maladie vous rend nerveux, cet ouvrage risque de vous éprouver par moments, puisque la description de certaines maladies ou pratiques médicales est parfois très imagée, pour ne pas dire, dégoûtante!
À noter qu’une exposition inspirée de ce livre, «Au temps de la petite vérole – Médecins, chirurgiens et apothicaires en Nouvelle-France» est présentée au Château Ramezay jusqu’au 28 avril 2013.