Colloque « Louis Hémon, pluriel et exemplaire? »,
le 31 octobre et le 1er novembre 2013 au
Centre d’archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)
Par Gilles Durand
À l’occasion du centenaire du décès de Louis Hémon, survenu le 8 juillet 1913, trois organismes organisent en partenariat un colloque pour faire découvrir et au besoin redécouvrir Louis Hémon et son œuvre : BAnQ, le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ – UQAM) et l’Université du Québec à Montréal. L’événement se déroule sous le haut patronage du Consulat général de France (CGF) et avec le soutien de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC), de la Société historique de Montréal (SHM) et de l’Écomusée du fier monde. Seize conférenciers se succèdent au cours de ces deux jours pour présenter à un auditoire vivement intéressé les différents visages de cet écrivain-journaliste et de l’héritage qu’il lègue à la postérité.
Un colloque qui donne satisfaction aux organisateurs et partenaires : 1re rangée, de g. à d.
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Quelques notes biographiques
Louis Hémon naît à Brest en France, le 12 octobre 1880, dans une famille cultivée et influente. Il poursuit des études à Paris en droit et en langue annamite. En rupture avec sa famille et le milieu littéraire parisien, rêvant de liberté et d’indépendance, il quitte en 1902 la France pour l’Angleterre. Dès lors commence le cycle londonien de huit ans au cours duquel il donne libre cours à ses talents, rédigeant ses trois premiers romans et des textes, notamment pour le journal sportif parisien Le Vélo. En octobre 1911, Hémon quitte. Il s’embarque pour le Canada et se rend à Montréal. Son séjour dans la métropole, entre 1911 et 1913, où il travaille comme traducteur et sténographe, est entrecoupé par un déplacement au Lac-Saint-Jean, où il se met au service de l’agriculteur Samuel Bédard de Péribonka, comme garçon de ferme pour une période de quelques mois. En juin 1913, il décide de se rendre dans l’Ouest canadien, mais décède peu de temps après, âgé de 33 ans, à Chapleau en Ontario, happé par un train. À sa mort, il laisse une œuvre littéraire diversifiée, chroniques sportives, nouvelles, récit de voyage, romans dont le plus célèbre, Maria Chapdelaine, est publié pour la première fois en 1916.
Pour une relecture de Maria Chapdelaine
Louis Hémon, écrivain polyvalent, laisse une œuvre littéraire à son image, mais il doit surtout sa renommée à Maria Chapdelaine, son œuvre maîtresse, inspirée de la vie des colons au Lac-Saint-Jean, qui connaît plus de 150 éditions. Il serait simpliste d’assimiler le roman à la littérature du terroir, promotrice de la vie paysanne et de l’agriculture. L’écrivain ne se fait pas le chantre inconditionnel de l’idéologie du terroir. Les personnages de l’ouvrage témoignent d’un attachement à l’héritage apporté de la vieille France, mais la trajectoire suivie par ceux-ci est loin d’être rectiligne.
COLONISATION ET CULTURE DU SOL : Par exemple, trois Français qui ont pris terre dans la région ne peuvent s’empêcher de laisser paraître « leurs illusions », « leur chimère » face aux « mille duretés d’une terre impitoyable (Maria Chapdelaine, Bibliothèque canadienne-française, Fides, 1970, p. 147) ». Samuel Chapdelaine, le père de Maria, apparaît moins comme un pionnier et un colon que comme un homme qui aime le défi et la liberté que procurent les nouveaux espaces : « C’était sa passion à lui : une passion d’homme fait pour le défrichement plutôt que pour la culture. Cinq fois déjà depuis sa jeunesse il avait pris une concession, bâti une maison, une étable et une grange, taillé en plein bois un bien prospère; et cinq fois il avait vendu ce bien pour s’en aller recommencer plus loin vers le nord, découragé tout à coup, perdant tout intérêt et toute ardeur une fois le premier labeur rude fini, dès que les voisins arrivaient nombreux et que le pays commençait à se peupler et à s’ouvrir… (Ibid., p. 39) ». Face à trois prétendants, François Paradis, Lorenzo Surprenant et Eutrope Gagnon, Maria choisit le premier, d’un tempérament aventurier, celui qui n’a pas gardé la terre de son père, qui a « presque toujours travaillé dans le bois, fait la chasse ou bien commercé avec les sauvages du grand lac à Mistassini… aussi passé deux ans au Labrador (Ibid., p. 19) ». Ce n’est qu’après sa mort au cours d’une tempête de neige qu’elle accorde sa préférence à Gagnon plutôt qu’à Surprenant. Lorenzo Surprenant, c’est le travailleur déraciné dans les usines de la Nouvelle-Angleterre, mais Eutrope Gagnon, c’est le colon opiniâtre sur lequel une famille peut compter : « Je ne suis pas riche, bien sûr, dit-il à Maria; mais j’ai deux lots à moi, tout payés, et vous savez que c’est de la bonne terre. Je vais travailler dessus tout le printemps, dessoucher le grand morceau en bas du cran, faire de bonnes clôtures, et quand mai viendra j’en aurai grand prêt à être semé… (Ibid., p. 162) ».
PRATIQUE RELIGIEUSE : Abordant la misère des colons qui se déplacent sur le territoire, tel le père Samuel Chapdelaine, et leur manque d’aise, Hémon écrit : « A leur aise… O Dieu redoutable des Ecritures que tous ceux du pays de Québec adorent sans subtilité ni doute, toi qui condamnas tes créatures à gagner leur pain à la sueur de leur front, laisses-tu s’effacer une seconde le pli sévère de tes sourcils, lorsque tu entends dire que quelques-unes de tes créatures sont affranchies, et qu’elles sont enfin à leur aise (p. 39)? ».
Louis Hémon, un élément incontournable de la mémoire collective
Dans la région que l’écrivain a fréquentée et qui a été la source d’inspiration pour son chef-d’œuvre, Maria Chapdelaine, un musée lui est dédié depuis 1938, dont le conservateur fondateur est Gilbert Lévesque, coordonnateur des célébrations des centenaires Hémon (1980 et 2013), également conférencier lors du présent colloque. Récemment, le 4 juillet 2013, le souvenir de l’écrivain a été gravé encore plus profondément dans la mémoire collective par sa désignation comme personnage historique par le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, et, de ce fait, par son entrée au Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Les actes du colloque seront publiés en 2014. Les lecteurs intéressés à prendre connaissance dès maintenant de la diversité des communications présentées sont invités à consulter le site Web de BAnQ.