Conférence-débat – Le traité de Paris de 1763 : la fin de la Nouvelle-France.
Compte rendu de la table ronde présentée le 9 février 2013 par Pointe-à-Callière,
Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal
Par Gilles Durand
Une activité commémorative couronnée de succès
Capture d’écran de la vidéo sur YouTube : de g. à d. Robin Philpot, Fred Anderson, Charles-Philippe Courtois, Françoise Le Jeune, Denis Vaugeois, Pierre Maisonneuve
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À l’occasion du 250e anniversaire du traité de Paris, Pointe-à-Callière, Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal présente une table ronde en partenariat avec la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs et le «1763 Peace of Paris Commemoration Project (Boston)». Participent à la table des historiens originaires des États-Unis, du Québec et de la France, Fred Anderson – interprété par Robin Philpot –, Charles-Philippe Courtois, Françoise Le Jeune, Denis Vaugeois (voir aussi le dernier sous-titre), en compagnie du journaliste Pierre Maisonneuve, animateur pour l’occasion. L’activité commémorative connaît un vif succès, 175 personnes y participant.
Première partie – Thème I : Les clauses du traité
Collection de l’honorable Serge Joyal. Titre : Vue d’un feu d’artifice tiré devant l’Hôtel de Ville en réjouissance. Gravure rehaussée à l’aquarelle, n° 61; 26,3 sur 42 cm.Paris chez Basset rue Saint-Jacques à Sainte-Geneviève |
Le traité de Paris met fin au premier conflit d’envergure mondiale. Il est conclu par les principaux belligérants, les souverains de France, de Grande-Bretagne et d’Espagne. Le traité comprend 27 articles, quatre concernant le Canada. La France renonce à toutes ses possessions en Amérique du Nord, à l’exception des îles Saint-Pierre et Miquelon et d’un droit de pêche sur les côtes de Terre-Neuve; en contrepartie, elle récupère les îles antillaises de La Guadeloupe et de La Martinique. S’il reste des Canadiens, il n’y a plus de Canada après 1763. La Grande-Bretagne, de son côté, se voit maintenant en possession d’un vaste territoire s’étendant de la côte Atlantique à la rive gauche du fleuve Mississippi, et de la baie d’Hudson au golfe du Mexique – à l’exclusion de la rive droite du Mississippi et de la Nouvelle-Orléans cédées à l’Espagne par le traité de Fontainebleau de 1762.
Pour les clauses du traité, se référer aux interventions des panélistes dans la première partie de la vidéo de la table ronde.
Deuxième partie – Thème II : La France a-t-elle cédé ou abandonné la Nouvelle-France ?
La France sort de la guerre de Sept Ans grandement diminuée militairement. N’ayant plus les moyens de ses ambitions, elle doit faire un choix entre le poisson, le sucre et les fourrures. Elle choisit les deux premiers, le poisson et le sucre. Sans compter que pour Louis XV, un aussi vaste empire tombé aux mains des Britanniques deviendra tôt ou tard une poudrière et finira par éclater. De son côté, la Grande-Bretagne voit plus qu’un territoire riche en fourrures dans l’ancienne Nouvelle-France : c’est un débouché pour ses produits manufacturés qui prendra de plus en plus d’importance avec le peuplement.
S’il y a abandon, ne faut-il pas plutôt réserver le terme à l’Acadie, cédée par la France aux Britanniques lors du traité d’Utrecht de 1713, et à la Louisiane, partie ouest du Mississippi incluant la Nouvelle-Orléans, cédée aux Espagnols par l’entente secrète de 1762.
Pour les points de vue partagés des conférenciers, se reporter à la deuxième partie de la vidéo.
Troisième partie – Thème III : Quel est l’impact du traité sur les Canadiens ?
Par le traité de Paris, les Canadiens perdent beaucoup. L’affirmation, voulant que les Canadiens, jusqu’alors entreprenants, deviennent, après 1763, un peuple de fermiers, replié sur lui-même et possédant peu de choses, doit être revue. Pensons seulement au papier monnaie en circulation dans la colonie avant la Conquête qui ne leur est jamais remboursé, ce qui donne un avantage considérable aux nouveaux arrivants en possession de numéraire. N’importe, il y a des Canadiens audacieux après la Conquête qui refusent de se laisser enfermer à l’intérieur des frontières de la Province of Quebec. Ils n’hésitent pas à parcourir le continent comme commerçants de fourrures, explorateurs, etc. Il faut cependant tenir compte que les Canadiens se démarquent à titre individuel, non comme peuple, car à partir de 1763, ils perdent la maîtrise pleine et entière de leur destinée.
Pour les tenants et aboutissants de cette question, consulter la troisième partie de l’enregistrement.
Quatrième partie – Thème IV : Les conséquences du traité. Qui a le plus bénéficié du traité parmi les trois grandes puissances ?
La Grande-Bretagne acquiert le vaste territoire de la Nouvelle-France. Bien que, ce faisant, elle sème les germes de l’indépendance de ses Treize Colonies, elle n’en amorce pas moins une période de suprématie mondiale, surtout après la défaite de Napoléon en 1815. De plus, elle réussira également à conserver le Canada à l’intérieur de son empire, les immigrants loyalistes lui étant d’un grand secours pour diminuer l’influence des Canadiens. Quant à la France, elle parvient aussi à se redonner une force militaire, jusqu’en 1815, et l’Espagne s’en tire également assez bien.
Les grands gagnants sont les États-Unis. La guerre de Sept Ans jette les bases du sentiment d’une commune destinée parmi les colonies anglo-américaines. Libérées de la menace de nouvelles attaques des Canadiens et de leurs alliés amérindiens, elles s’unissent pour donner naissance à une république impérialiste qui étendra son emprise sur la partie occidentale du Mississippi – entre autres, avec l’achat de la Louisiane en 1803. Les Loyalistes n’ont d’autre choix que de quitter pour venir coloniser le Canada et mettre les Canadiens en minorité.
Les grands perdants sont les Amérindiens et les Canadiens. Les premiers ne peuvent plus jouer l’un contre l’autre les ennemis francophones et anglophones de jadis. Les deuxièmes doivent subir la pression d’une puissance impériale étrangère, une situation qui les met en position d’infériorité.
Pour le point de vue des panélistes sur les gains et les pertes, consulter la quatrième partie de la vidéo.
Deux autres textes à consulter sur le traité de Paris préparés par Denis Vaugeois
- « Le traité de Paris de 1763 est le document le plus important de notre histoire », Le Devoir, 10 février 2013
- « Le 10 février 1763 – Le traité de Paris : la France peut être heureuse sans Québec », conférence prononcée dans le cadre des Dix journées qui ont fait le Québec
NDLR – Denis Vaugeois prononce également une conférence au Musée de l’Amérique francophone, le lendemain 10 février 2013, sur le même sujet. Cette activité commémorative est rendue possible par un partenariat entre la régionale Seigneuries – La Capitale de l’Association Québec-France, conjointement avec la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs et la Société historique de Québec. Encore là, l’après-midi conférence est un succès, 213 personnes étant présentes.