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Éditer la Nouvelle-France Ouvrage paru aux Presses de l’Université Laval au 2e trimestre 2011

Éditer la Nouvelle-France

Ouvrage paru aux Presses de l’Université Laval

au 2e trimestre 2011

 

Éditer la Nouvelle-France

McGill-Queen’s University Press

 

par Gilles Durand

Éditer la Nouvelle-France renferme dix textes regroupés en deux grandes parties : comment lire un écrit de la Nouvelle-France et comment l’éditer ou le rééditer. Dix collaborateurs, versés dans la littérature française, les études anciennes et l’histoire de l’art, sous la direction de Andreas Motsch et de Grégoire Holtz, professeurs au Département de français de l’Université de Toronto, lèvent le voile sur leurs propres expériences dans le choix et l’édition d’écrits de la Nouvelle-France à valeur littéraire et historique. Pour être plus précis, neuf projets ont trait à l’écrit et un intéresse à la fois l’écrit et l’histoire de l’art étant donné l’importance de l’image. L’idée de cette publication prend naissance en 2008 lors d’un colloque tenu à l’Université de Toronto; l’ouvrage, paru en 2011, est basé en partie sur les communications présentées.

Pour éveiller l’intérêt à l’ensemble de l’ouvrage, nous commentons deux des dix expériences décrites dans la publication.

 

 

Le cas de la relation de voyage de Claude Le Beau

 

Le choix du texte

Le dixième chapitre, préparé par Andréanne Vallée, est consacré à la préparation de l’édition des Avantures du sieur Claude Lebeau – plutôt une réédition, la publication originale, dont par malheur le manuscrit est perdu, ayant paru en 1738. L’éditrice retient ce texte parce qu’il présente de l’intérêt à plusieurs points de vue, demeurant entre autres le seul journal connu de la plume des fils de famille envoyés en Nouvelle-France par ordre du roi.

Pour son projet, l’éditrice doit tenir compte d’un ensemble de facteurs. La relation de Le Beau paraît quelque dix ans après sa venue à Québec en 1729-1730. Elle participe du roman pour certains passages et est jugée sévèrement par la critique à l’époque : larges emprunts aux devanciers, déformations, exagérations et inexactitudes quant à des lieux visités, des personnages, des événements et des dates. C’est le cas, par exemple, du récit de la traversée de l’Atlantique à bord du vaisseau l’Éléphant, de la remontée du Saint-Laurent et du naufrage du navire au large du cap Brûlé en aval de Québec en 1729. C’est aussi celui d’événements relatifs à la guerre contre les Outagamis ou Renards, ses principaux acteurs et ses conséquences financières, un conflit dont Le Beau entretient le lecteur sans en être témoin. Par contre le récit de voyage a aussi ses bons côtés. Il renferme une foule de données enrichissantes sur les comportements des animaux, les moeurs des Canadiens, les habitudes et les croyances des Amérindiens.

 

L’analyse et l’interprétation

Une première question se pose pour l’éditrice, Andréanne Vallée. Décider d’abord du type d’édition : soit un ouvrage destiné à la communauté scientifique accompagné de commentaires complémentaires, regroupés sous forme d’ensemble dans l’introduction ou bien encore répartis dans des notes infrapaginales distribuées à travers l’ouvrage; soit une publication « grand public » réduisant au minimun les notes. Elle retient la première approche avec la pensée qu’un ouvrage allégé ne peut que bénéficier d’une étude antérieure plus fouillée.

Reste aussi à départager la fiction de la réalité et à rétablir les faits. L’éditrice fait appel à plusieurs ressources. D’abord à l’étude et à l’analyse du récit lui-même qui renferme, pour dater, des indices de différentes natures, par exemple ceux relatifs à la période de l’année : temps des récoltes, neige recouvrant le sol, déplacements à l’aide de raquettes. Ensuite aux ressources imprimées, dictionnaires biographiques, dictionnaires des 17e et 18e siècles, relations marquantes comme celles de Hennepin et du baron de Lahontan, cartes et recueils de cartes géographiques. Enfin, et non aux moindres, les documents originaux, listes de détenus et de passagers, dossiers et placets de prisonniers déportés en Nouvelle-France, témoignages d’acteurs et témoins comme celui de commandant du vaisseau l’Éléphant, le lieutenant Louis-Philippe de Rigaud de Vaudreuil, lors de son naufrage en 1729, autant d’informations qui peuvent être retrouvées dans les fonds d’archives d’Ancien Régime, archives de la Bastille, archives de l’Assistance publique et des hôpitaux de Paris, etc. En bout de piste, l’opération se révèle même riche en découvertes : inscription de Lebeau dans le Registre d’entrées des mendiants à la prison de Bicêtre, lettres et textes écrits par celui-ci dans les journaux d’époque, son certificat de décès.

Le travail est déjà mené à bon terme, car l’éditrice a pu présenter sa publication, Avantures du sieur Claude Le Beau, avocat en parlement. Voyage curieux et nouveau parmi les Sauvages de l’Amérique septentrionale, au Salon du livre de Montréal en novembre 2011.

 

 

L’édition de la Nouvelle-France en images

L’auteur du sixième chapitre, François-Marc Gagnon, présente quant à lui une expérience originale vécue dans le cadre de l’édition de deux documents préparés vers 1675, le Codex canadensis (le cas de l’ornithologie est retenu par l’auteur) et l’Histoire naturelle des Indes occidentales. Placé en présence de similitudes et de légères différences de contenu dans ces deux documents, il doit d’abord décider de la paternité des travaux, un auteur, Louis Nicolas, ou deux auteurs différents.

L’éditeur se laisse d’abord guider par des renvois qui suggèrent un lien entre le Codex et l’Histoire naturelle et qui dévoilent des corrélations donnant à penser à un auteur unique, Louis Nicolas. Pour pousser plus loin la démonstration, François-Marc Gagnon nous ramène à la période au cours de laquelle Louis Nicolas écrit son histoire et dessine les oiseaux qu’il observe. Au 17e siècle, c’est le dessin qui compte, non la couleur. Le dessin vise à donner une idée générale de l’animal, à évoquer ses caractéristiques plutôt que d’en reproduire exactement la forme et la couleur, tel qu’il se présente dans la réalité. Nulle surprise que la concordance ne puisse être établie complètement entre l’image et le texte de l’Histoire naturelle Dans ce cas-ci, la personne intéressée à l’ornithologie est invitée à approfondir ses connaissances par la lecture de l’Histoire naturelle.

Le projet de François-Marc Gagnon est maintenant complété et la publication vient tout juste d’être lancée aux Presses des universités McGill-Queen’s sous le titre Le Codex canadensis et les écrits de Louis Nicolas. Édité avec une introduction par François-Marc Gagnon, texte établi en français moderne par Réal Ouellet et traduit en anglais par Nancy Senior, Presses des universités McGill-Queen’s, 2011, 550 p.

 

 

Un ouvrage à lire et à relire

Éditer la Nouvelle-France se signale par plus d’un intérêt. C’est d’abord le partage d’un savoir fondé sur l’expérience acquise par des spécialistes de l’édition des textes de la Nouvelle-France. C’est aussi un excellent rappel de la richesse du contenu de ces écrits pour enrichir la mémoire franco-québécoise sur le contexte et sur l’aventure partagée elle-même des Français et des Canadiens aux 17e et 18e siècles.

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