LA BONNE CHANSON
Un répertoire riche de la relation franco-québécoise
par Louise Courteau éditrice
Beaucoup de Québécoises et de Québécois ont grandi avec les airs de LA BONNE CHANSON et aujourd’hui encore, plusieurs mélodies telles que Partons la mer est belle, C’est l’aviron qui nous mène ou encore Vlà l’bon vent, leur reviennent en mémoire. Louise Courteau est propriétaire de LA BONNE CHANSON depuis 1991. « C’est vraiment un grand cadeau que je me suis fait pour le dixième anniversaire de ma maison d’édition. C’est un patrimoine qui me tenait beaucoup à cœur, parce que ces chansons font partie de mon enfance et de mon apprentissage de la musique, comme pour des milliers de Québécois. »
Un peu d’histoire
On doit l’appellation de LA BONNE CHANSON à un Breton du nom de Théodore Botrel. Né en 1868 et décédé à l’âge de 56 ans en juillet 1925, Botrel cherche à moraliser la chanson en valorisant le terroir. « Non seulement Botrel participe-t-il à un mouvement chansonnier en associant son œuvre à l’esprit catholique et au régionalisme littéraire, mais il crée un mouvement régionaliste, la « Bonne Chanson », dont l’influence sera marquante en France jusqu’à la fin des années quarante et au Québec jusqu’à la fin des années cinquante ». Le barde breton visite le Québec en 1903 et en 1922. Lors de sa première visite, il donne une représentation au Monument national où il fait un rapprochement entre la Bretagne et le Canada français par le biais de Jacques Cartier, le célèbre marin de Saint-Malo. À la suite de cette visite, il continue à publier des poèmes sur la proximité des deux cultures.
C’est sous l’influence de Botrel, entre autres, que, le 14 octobre 1937, l’abbé Charles-Émile Gadbois a fondé LA BONNE CHANSON dans le but de diffuser la chanson et le folklore français en sol québécois et de contrer l’invasion massive de la chanson américaine. Dès janvier 1938, l’abbé Gadbois a fait connaître LA BONNE CHANSON en la diffusant parmi toutes les populations francophones de l’Amérique du Nord. L’abbé Gadbois s’est rendu en France à plusieurs reprises pour rencontrer la plupart des éditeurs de chansons.
C’est au cours de ses nombreux voyages qu’il a signé les ententes nécessaires et acquitté l’achat des droits pour l’édition de plusieurs centaines de chansons déjà populaires en France, telles On n’a pas tous les jours vingt ans, Voulez-vous danser grand-mère?, Le vers luisant. Il ne faut pas oublier qu’à cette période, en 1939, la guerre venait d’éclater. Nous n’étions plus approvisionnés de musique en feuilles par la France. Le transport par bateau était limité au matériel militaire et peu de Français avaient vraiment le goût de chanter… L’initiative de l’abbé Gadbois a permis aux Canadiens français de s’abreuver directement à la source de la chanson française inspirante.
C’est à la même période que le Comité catholique de l’Instruction publique de la Province de Québec a approuvé les recueils de LA BONNE CHANSON et encouragé la diffusion dans toutes les écoles de la province de Québec. Le projet de l’abbé Gadbois a retenu l’attention des publicitaires dès sa fondation en 1939. L’abbé était lui-même passé maître en marketing. Plusieurs entreprises, telles que Proctor & GambIe, Kellogg’s et le Bulletin des Agriculteurs, remettaient en prime des recueils de chansons à leurs clients. Une boîte de savon, un recueil de chansons! Les ménagères s’échangeaient les recueils qu’elles avaient en double pour que les enfants en profitent au maximum.
Le succès ne s’arrête pas là pour LA BONNE CHANSON. Une première série de disques a été enregistrée par la compagnie RCA VICTOR dès 1940. Toujours dans le but de promouvoir la chanson française et le fait français au Canada, l’abbé Charles-Émile Gadbois et son frère Raoul fondent le poste de radio C.J.M.S. (C.J.M.S. est l’abréviation de : Canada Je Me Souviens), le 23 avril 1954, à Montréal, où l’on diffusera le répertoire de LA BONNE CHANSON (le très aimé poète et présentateur Guy Mauffette animait les après-midi de chansons). Excellente vitrine pour les albums de LA BONNE CHANSON et pour les disques qui tournent à longueur de journée. Parents, enfants et éducateurs, l’oreille collée à la radio, apprennent par coeur les chansons nouvelles.
Après avoir publié 536 chansons, l’abbé Gadbois a dû vendre, devant l’insistance des autorités du diocèse de Saint-Hyacinthe, aux Frères de l’instruction chrétienne, en janvier 1955, l’entreprise qu’il avait fondée et dirigée avec tant d’amour et de dévouement. Toutes les mélodies de LA BONNE CHANSON de l’abbé Gadbois étaient d’inspiration catholique, devaient promouvoir les valeurs familiales et répandre la joie de pouvoir chanter avec ceux qu’on aime. On disait même « Les chansons de l’abbé Gadbois ». Le Québec en entier a aidé l’abbé à bâtir son œuvre dont des personnalités importantes, tant au niveau musical que politique, tels le maire de Montréal Camilien Houde, Wilfrid Pelletier, chef d’orchestre de l’OSM, ainsi que des notaires, curés et enseignants religieux et laïques. Certains lui suggéraient des chansons d’auteurs et de compositeurs inconnus qui vivaient dans les campagnes. L’abbé a beaucoup voyagé à travers la province pour recueillir ce qui lui semblait digne d’intérêt. L’abbé était un musicien chevronné et un arrangeur d’expérience. Il a aussi composé entre autres sous les pseudonymes de Do-Mi-Sol (CEG – Charles-Émile Gadbois -), de Paul Arel.
LA BONNE CHANSON était au programme scolaire de toutes les écoles du primaire. Sa pénétration était telle qu’aucune autre entreprise d’éditions musicales n’a jamais pu égaler ses records de vente.
Mission actuelle
Aujourd’hui, Louise Courteau poursuit le mandat du fondateur : la promotion de la chanson et du folklore français et canadiens pour que la tradition se perpétue. « Le répertoire comporte onze albums remplis de chansons mélodieuses, en plus de toute une série de chansons pour les jeunes. Quand un album est épuisé, je le réimprime pour que ce répertoire soit toujours disponible ». Le tout sera disponible sur support numérique en 2012.
Depuis son acquisition de LA BONNE CHANSON, Louise Courteau s’emploie à publiciser ce patrimoine musical et souhaite l’immortaliser au moyen de supports technologiques modernes. De nos jours, le répertoire de LA BONNE CHANSON est encore bien vivant. La majorité des cahiers est disponible dans les librairies et les magasins de musique tant au Québec, que dans les communautés francophones du Canada ainsi qu’en Nouvelle-Angleterre.
Chanter LA BONNE CHANSON, c’est se souvenir de l’âme profonde de notre récent passé. Souvenir d’un vieillard, ça vous rappelle quelque chose? (Auteur : Charles-Émile Gadbois, Éditeur : La Bonne Chanson, édition musicale inc., 1991 – propriété exclusive de Louise Courteau)
NDLR – Voir aussi Jean-Nicolas De Surmont, La Bonne Chanson : le commerce de la tradition en France et au Québec dans la première moitié du XXe siècle, Montréal, Éditions Tryptique, 2001, 215 p.