La Colonie nantaise de Lac-Mégantic :
Une implantation française au Québec au XIXe siècle,
par Marcel Fournier. Septentrion, 2012, 324 p.
Par Gilles Durand
Salon du livre de Québec 2012 : au centre l’auteur, Marcel Fournier, à sa g. Robert Trudel et sa conjointe, à sa d. Denis Racine, président de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, Jacques Fortin de l’Office québécois de la langue française
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Le Salon du livre de Québec 2012 est une belle occasion pour Marcel Fournier de faire connaître davantage son dernier ouvrage, La Colonie nantaise de Lac-Mégantic, et de procéder à une séance de signature. Les intéressés ne manquent pas, car l’auteur nous entraîne dans cette aventure unique qu’est la relation franco-québécoise au cours des années 1870-1910. Des membres du clergé et des professions libérales de chaque côté de l’Atlantique conçoivent et mettent à exécution le projet d’attirer des Français, en particulier ceux de la région Pays de la Loire, pour coloniser une région encore passablement vierge, celle du lac Mégantic.
Un projet pour implanter des Français dans la région du lac Mégantic
La conjoncture s’y prête. La France sort perdante de la guerre franco-allemande de 1870. Le Québec tente de conserver et d’augmenter sa population en ouvrant de nouvelles régions à la colonisation par le biais de sociétés de colonisation. Plusieurs intérêts sont en cause : la conservation et le développement de la culture héritée de France et la propagation de la foi catholique, l’espoir de réaliser des profits de la part des investisseurs français par l’ajout de l’opération d’une scierie et d’un magasin général au support apporté à l’établissement des colons – construction de routes, défrichement minimal des lots, abri temporaire pour les nouveaux arrivants.
Pour réaliser le projet, une compagnie de colonisation, appelée Compagnie de colonisation et de crédit des Cantons-de-l’Est ou bien encore Compagnie nantaise, est mise sur pied en 1881 grâce entre autres à l’engagement inconditionnel de deux individus qui se démarquent, le père Eugène-Marie Peigné, missionnaire dans le diocèse de Nantes et héritier de la fortune paternelle, et l’avocat et rédacteur en chef du journal Le Pionnier de Sherbrooke, Jérôme-Adolphe Chicoyne. L’entreprise est un demi-succès. Elle disparaît en 1893 pour plusieurs raisons : pauvreté du sol, difficulté pour les colons français de s’adapter à une région en voie de développement, faiblesse du marché local et difficulté à trouver des marchés extérieurs. Par contre, la Compagnie conserve le mérite d’avoir contribué à la traversée de 40 % des quelque 150 migrants français venus s’établir dans la région du lac Mégantic au cours de la période 1870-1910, de même qu’à leur enracinement. Leur présence et leur contribution au développement de la région sont encore bien visibles aujourd’hui. Les patronymes en témoignent.
Le contenu de la publication
L’ouvrage développe les tenants et aboutissants de cette belle aventure. Il est articulé en deux axes. Le premier traite d’histoire, celle de la région du lac Mégantic et de la Compagnie nantaise, qu’il complète par des données statistiques et sociodémographiques sur les familles françaises immigrantes; sont également joints des documents d’époque faisant revivre la vie d’autrefois sans passer par le filtre de l’histoire. Le deuxième axe présente des biographies et des généalogies des 45 familles françaises venues dans la région au cours des années 1870-1910, incluant une description de leur village d’origine. Enfin, trois index facilitent l’utilisation du volume : selon les noms de personnes de la partie historique, selon les noms de personnes et de lieux de la partie biographique.
Une source de renseignements sur la relation franco-québécoise
L’ouvrage de Marcel Fournier se signale sous plusieurs aspects. Abondamment illustré, il repose sur des sources de première main, registres de l’état civil, recensements, actes notariés, documents d’émigration, archives privées, journaux d’époque. Il constitue une excellente source de renseignements sur les liens qui subsistent entre le Québec et la France à la suite de la Conquête anglaise de 1760. Dans le dernier quart du 19e siècle, les relations se poursuivent au niveau de la société civile en l’absence d’échanges directs de gouvernement à gouvernement. Les élites québécoises et françaises se rencontrent et mettent sur pied des projets. Les gouvernements assurent malgré tout leur présence dans le pays d’en face : Paris met sur pied un consulat en 1859, Québec nomme, en 1882, un agent commercial en la personne d’Hector Fabre.
Un guide touristique
Là ne réside pas seulement l’intérêt de la publication. L’auteur prend soin de nous entretenir des pionniers et de leur région d’origine en France, photographies à l’appui : physionomie du village, église paroissiale, paysage, etc. Par là, il suscite de l’intérêt pour un voyage de retour aux sources pour les migrants français devenus des Québécois. De leur côté, les Français demeurés en permanence dans le pays d’origine y trouveront sûrement un motif pour visiter le lieu dans lequel leurs descendants ont pris racine et sur lequel ils ont imprimé leur marque.
D’autres présentations de l’ouvrage
La publication est aussi présentée par l’auteur lui-même au dos de la couverture, accessible sur le site des Éditions du Septentrion. Le journal quotidien des Cantons-de-l’Est, La Tribune, d’où est originaire l’auteur, fait également l’éloge de la publication