La médaille du 275e anniversaire
de la fondation de Montréal en 1917
Par Denis Racine, AIG
Coprésident, CFQLMC
Avers et revers de la médaille du 275e anniversaire de Montréal par Alfred Laliberté, en 1917 (Coll. de l’auteur). |
Le 18 mai 1642, Paul de Chomedey de Maisonneuve fonde Ville-Marie, qui est devenue aujourd’hui Montréal. 275 ans plus tard, en 1917, alors que le pays est plongé en pleine guerre mondiale, les habitants de la ville désirent souligner cet anniversaire. Un comité est formé sous la présidence de Victor Morin, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, secondé par Émile Vaillancourt à titre de secrétaire. Les festivités sont programmées pour se tenir les 17 et 18 mai 1917. Elles débutent par une grand-messe pontificale célébrée par l’archevêque, Mgr Georges Gauthier, suivi d’un Te Deum d’action de grâce, à la basilique Notre-Dame.
Dans l’après-midi du 17, une promenade historique dans les rues de Montréal a lieu. La foule est divisée en groupes, guidée par d’éminents citoyens dont Victor Morin, Aegidius Fauteux, Casimir Hébert, Édouard-Zotique Massicotte. Elle se termine à la place d’Armes par des discours de l’échevin Eudore Dubeau et du consul général de France, Charles-Jules-Joseph Bonin.
Le lendemain, un comité va chercher le maire Médéric Martin et les conseillers à l’hôtel de ville pour se rendre ensuite au monument Marguerite-Bourgeoys, chez les Dames de la Congrégation, rue Sherbrooke, puis au monument Jeanne-Mance, à l’Hôtel-Dieu, à la place D’Youville et enfin, au monument Maisonneuve, à la place d’Armes. À chacune des étapes, des discours sont prononcés par l’archevêque, le maire, le président des fêtes, les pères Henri Garrouteigt et Valentin Breton, le docteur Emmanuel-Persillier Lachapelle, Samuel Mathewson Baylis et Édouard Montpetit.
Dans toutes les écoles de la ville, on fait une célébration en souvenir de Maisonneuve et après l’interprétation du Ô Canada, un congé est accordé à tous les élèves.
Le soir, au Château Ramezay, la Société d’archéologie et de numismatique recevait les membres de la Société historique, le maire, les conseillers et les commissaires des fêtes.
Ces fêtes nous ont laissé un héritage. Plus de 50 plaques commémoratives ont été installées à divers endroits dans la ville. Enfin, une médaille a été émise, œuvre d’Alfred Laliberté. Elle marque un certain tournant dans l’histoire de la médaille québécoise, en ce sens qu’auparavant, nous l’avons vu, on faisait appel aux sculpteurs européens pour souligner nos commémorations. À Montréal, en 1917, on innove en sollicitant les services d’un artiste de chez-nous. La médaille est frappée en vermeil, en argent et en bronze. Elle est réalisée chez Caron et Frères de Montréal. Elle a un diamètre de 50 mm.
Sur l’avers, on aperçoit, à gauche, de Maisonneuve à l’avant de son bateau, accueilli par une femme, tandis que du côté droit, deux images de l’actuelle ville, la basilique Notre-Dame et le Château Ramezay et l’inscription suivante « 275e anniversaire de la fondation de Montréal, 17-18 mai 1917 ». Au-dessus de la tête de Maisonneuve apparaît la signature d’Alfred Laliberté et au bas, le nom de la maison qui a fondu la médaille.
Au revers, du côté gauche, comme s’il était sur le flanc du mont Royal, il y a un grand chêne au pied duquel se retrouvent les armes de France et de Grande-Bretagne. Au centre, sous les branches et les feuilles, l’artiste a rappelé les mots du père Vimont : « Je ne fais aucun doute que ce petit grain ne produise un grand arbre. (P. Vimont, 18 mai 1642). » Au-dessus de l’inscription, on voit encore la signature de l’artiste. Alfred Laliberté est né à Sainte-Élisabeth-de-Warwick, en 1878. Il s’initie à la sculpture dès l’âge de quinze ans. Grâce à l’intervention de Wilfrid Laurier, il va étudier à l’école du Conseil des arts et de manufactures de Montréal, en 1896. Il remporte une première distinction, en 1898, à l’Exposition provinciale de Québec pour sa statue grandeur nature de son bienfaiteur.
En 1902, il part pour Paris afin de poursuivre ses études à l’École des beaux-arts jusqu’en 1907. De retour au Canada, il devient professeur, en 1922, à l’École des beaux-arts de Montréal. Il réalise plus de 900 œuvres, dont les monuments de Louis Hébert, de Dollard des Ormeaux, du curé Antoine Labelle, des Patriotes. Il est aussi l’auteur des médailles des lieutenants-gouverneurs Charles Fitzpatrick (1919), Louis-Philippe Brodeur (1923) et Narcisse Pérodeau (1924). Décédé à Montréal, en 1953, il est l’un des plus grands artistes québécois.
Source : Merci à Yves Beauregard, directeur de la revue Cap-aux-Diamants, pour avoir autorisé la publication de ce texte paru dans le dernier numéro de la revue, 119, automne 2014, p. 39.