La Société généalogique canadienne-française
souligne le 350e anniversaire
de l’arrivée à Montréal des passagers du navire Saint-André
par Gilles Durand
Pourquoi un colloque sur l’événement?
L’arrivée des 117 passagers du Saint-André à Ville-Marie, à la fin de septembre 1659, est un événement important dans l’histoire de Montréal – le Saint-André jette l’ancre devant Québec le 7 septembre 1659. Font partie du groupe des recrues, au nombre de 58, qui constituent autant de souches des grandes familles d’aujourd’hui, les familles Cardinal, Charbonneau, Courtemanche, Cuillerier, Goguet, Mathieu et Truteau pour en mentionner quelques-unes. Sont aussi du nombre Jeanne Mance, célibataire laïque imbue d’un idéal missionnaire et de service auprès des plus démunis, de même que les trois premières religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, venues prendre charge de l’hôpital que Jeanne Mance avait mis sur pied quelques années plus tôt. C’est pour rappeler le souvenir de la venue de cette importante recrue en sol montréalais que la Société généalogique canadienne-française organise un colloque le 22 novembre 2009 à Montréal.
Une activité plus que réussie
L’activité est un réel succès. Environ 175 personnes y participent. Cinq conférenciers prennent la parole et la rédactrice en chef de la revue Mémoires de la Société généalogique procède au lancement d’un ouvrage.
Les conférences du matin : l’embarquement et la traversée
Le premier à prendre la parole en avant-midi est Gervais CARPIN, coordonnateur et animateur scientifique du Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions de l’Université Laval. C’est à lui que revient la responsabilité de dresser le tableau du contexte au point de départ. À la fin des années 1650, La Rochelle, un des principaux ports d’embarquement sur la côte Atlantique, est sortie depuis peu de temps des guerres de religion qui ont provoqué la mort de quelque 15 000 Rochelais protestants durant le siège. Dans l’Hexagone, les opportunités d’emploi ne comblent pas tous les souhaits des gens de métier et des hommes à tout faire en général. La traversée sur un navire en partance pour la Nouvelle-France apparaît une solution pour certains.
Comme il faut s’y attendre, une fois l’embarquement fait, c’est le temps de « passer la mer ». Gilles BACHAND, président de la Société d’histoire et de généalogie des Quatre Lieux (Saint-Césaire, l’Ange-Gardien, Saint-Paul d’Abbotsford, Rougemont), raconte la traversée qui dure près de deux mois. Les conditions sont à la fois pénibles et périlleuses : vie sur un espace restreint, promiscuité, présence d’animaux qui fourniront la viande au cours du voyage, tempêtes toujours possibles, scorbut et autres maladies infectieuses à un point tel que certains y trouvent la mort.
Une nouvelle publication
Hélène LAMARCHE, rédactrice en chef de la revue Mémoires de la Société de généalogie, prend la relève en fin d’avant-midi. Elle procède au lancement d’une nouvelle édition partielle, mais révisée de l’ouvrage du père Archange Godbout, Les passagers du Saint-André : la recrue de 1659, déjà paru en 19641. Les présentations contextuelles de la publication, faite par Archange Godbout, Édouard-Zotique Massicotte et Roland-J. Auger, ne sont pas retouchées, par contre la partie dictionnaire est mise à jour pour tenir compte des avancées et des nouvelles découvertes de la recherche généalogique. La bibliographie est également enrichie des dernières publications. L’ouvrage lancé constitue désormais le deuxième numéro de la nouvelle collection des Cahiers généalogiques et est disponible à la Société.
Crédit : Société
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Les conférences en après-midi : portrait et installation des passagers du Saint-André
En après-midi, c’est l’arrivée à Ville-Marie des passagers du Saint-André à la suite de la remontée du Saint-Laurent, un voyage de plus d’une dizaine de jours. Josée MONGEAU, chargée de cours en histoire à l’Université de Sherbrooke, prend d’abord la parole pour saluer plusieurs descendants des passagers du Saint-André présents à la rencontre. Par la suite, elle présente les membres de cette recrue : des hommes de métier et des hommes à tout faire engagés pour trois ou cinq ans, des soldats, des filles à marier qui veulent quitter leur état d’orpheline sans dot, des religieux et des religieuses, des familles volontaires apparentées. Tous ont en commun le désir ferme de tenter l’aventure et la foi catholique à laquelle ils adhèrent – du moins officiellement, les protestants étant interdits de s’installer en Nouvelle-France.
L’organisation du colloque ne pouvait pas ne pas laisser la parole aux religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, Jeanne Mance et trois soeurs de cette communauté – les trois premières – étant au nombre des nouveaux arrivés. C’est à sœur Thérèse PAYER, une des fondatrices du Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal et directrice du Centre Jeanne-Mance, qu’il revient de faire revivre l’oeuvre de celles qui ont jeté les bases d’une institution qui demeure encore aujourd’hui un élément incontournable du paysage montréalais et une composante indispensable du réseau de la santé et des services sociaux, l’Hôtel-Dieu de Montréal. Dès leur arrivée, les trois premières Hospitalières se mettent à l’œuvre, les services qu’elles offrent constituant un prolongement de leur dévouement auprès des malades atteints de la peste lors de la traversée.
C’est en présentant la petite agglomération que forme Ville-Marie qu’André LACHANCE, professeur d’histoire retraité de l’Université de Sherbrooke, clôture le colloque. Montréal constitue à l’époque un village d’à peine quelque deux cents habitants répartis dans 20 à 30 familles, à l’intérieur duquel ont été édifiées une quarantaine de constructions en bois, certaines en pierre mal adaptées au climat. Les conditions de vie qui y règnent, mettent à l’épreuve la détermination des nouveaux venus : un été bref et chaud auquel fait suite un hiver long et froid, des neiges abondantes en hiver, en été des moustiques à en être dévoré comme l’écrit le père Le Jeune, sans compter les attaques imprévisibles des Iroquois qui parviennent à tuer six hommes de la recrue de 1659 et les grandes misères liées aux travaux de défrichement. N’empêche, si les recrues sont angoissées et un peu dépassées au point de départ devant cette terre nouvelle qui ne se laisse apprivoiser qu’avec beaucoup de courage et au prix de forts labeurs, ils réussissent à faire de Ville-Marie une ville où il fait bon vivre.
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Les passagers du Saint-André : la recrue de 1659/P. Archange Godbout…;préface de Roland-J. Auger…, Montréal, [s.n.], 1964, 163 p.