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Les itinéraires mémoriels; y penser … de toutes les façons.

Les itinéraires mémoriels;
y penser … de toutes les façons.

 

Par Pascale Marcotte, Ph.D.
Professeure
Directrice du comité de programmes de cycles supérieurs
Département d’études en loisir, culture et tourisme
Université du Québec à Trois-Rivières
Professeure associée, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval

Le colloque international de juin 2012
En juin 2012, la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) se joignait à l’Université du Québec à Trois-Rivières, l’Université Laval, l’Université de Birmingham, ainsi que la Chaire UNESCO-UNITWIN sur le tourisme culturel et l’Université Paris-1 La Sorbonne, afin d’accueillir plus de 200 participants, originaires de 33 pays différents, dans le cadre du colloque international Routes touristiques et itinéraires culturels. Entre mémoire et développement (fichier pdf, 204 Ko). Durant trois jours, et en trois langues, chercheurs universitaires et professionnels du tourisme ont réfléchi aux modes d’inscription de la mémoire des groupes humains dans le territoire sous la forme d’itinéraires et de routes touristiques.

De la Patagonie à la Scandinavie, en passant par le Népal et l’Iran, du vélo aux aéroplanes, de la mémoire coloniale au recueillement spirituel des pèlerins, les participants au colloque ont eu l’occasion d’appréhender une grande variété de circuits touristiques. Ils ont également eu la chance de réaliser que ces circuits sont, au final, une représentation géographique de réseau qui, semblable à une toile d’araignée, tisse entre les membres d’une communauté et des lieux signifiants, des liens tout aussi menus qu’extraordinairement résistants. La pratique touristique de ces chemins est donc une façon de lire le territoire, une façon d’en connaître l’histoire, une façon de transmettre l’identité de ceux qui les ont tracés une première fois, et de tous ceux qui les ont transmis et protégés par la suite.

Le colloque précurseur de juin 2010
L’origine du colloque est intimement liée au projet pilote d’itinéraire culturel virtuel que la CFQLMC a proposé afin de valoriser l’inventaire des lieux de mémoire communs franco-québécois. C’est en effet à la suite de la création de cet itinéraire, et de sa présentation dans le cadre d’un colloque sur le tourisme et le patrimoine mondial (juin 2010), que les porteurs du projet d’itinéraire franco-québécois ont réalisé le grand intérêt suscité par ce projet, mais également le besoin, pour de nombreux chercheurs, de mieux comprendre le rôle du tourisme dans la pratique de ces chemins.  C’est ainsi que l’idée de lancer un appel à tous pour réfléchir collectivement à cet outil de transmission de mémoire et de l’identité entre les peuples s’est transformée en colloque. Ces routes ont dès lors été analysées suivant des approches économique, historique, géographique, technique, politique, ethnographique; humaines.

Le projet d’itinéraire virtuel de la CFQLMC
L’itinéraire proposé par la CFQLMC vise ainsi à valoriser le travail scientifique de l’Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France – voir aussi Tourisme culturel : itinéraire mémoriel de l’auteure paru dans Mémoires vives n° 30, juin 2010 – en le partageant à un plus vaste public, dont l’intérêt pour l’histoire n’est pas nécessairement au premier plan.  En effet, en consultant l’itinéraire électronique, les férus d’histoire pourront consulter toutes les fiches documentaires associées aux lieux de mémoire identifiés, mais ceux qui rêvent plutôt de se laisser porter et transporter par leurs impressions et leurs intuitions, en savourant simplement les richesses patrimoniales et les paysages teintés du bleu du fleuve, pourront tout autant s’y laisser guider.

L’itinéraire mémoriel correspond aux principales dimensions caractéristiques du tourisme culturel; celles qui associent l’apprentissage, le plaisir, la rencontre et la contemplation, à la visite de lieux patrimoniaux ou historiques, ou à la participation à des activités culturelles. Ce sont des occasions de plaisirs partagés en famille, ou entre amis, entrecoupés d’autres activités sportives, de détente ou gastronomiques.

L’itinéraire mémoriel suggère donc la pratique d’activités qui permettent aux voyageurs d’apprendre sur l’histoire et le patrimoine, sur les modes de vie passés (par la visite de lieux à caractère ethnologique, du patrimoine industriel ou maritime, des paysages), mais aussi sur le patrimoine vivant, identitaire, c’est-à-dire qui dit ce que nous sommes. Les réminiscences architecturales, les patronymes, les savoir-faire culinaires reproduits ou réinventés, sont autant de marqueurs de cette identité. Et parce qu’ils éveillent des émotions, ils faciliteront d’autant plus leur inscription dans la mémoire.

La visite de ces lieux à travers l’itinéraire mémoriel est non seulement une visite de lieux de mémoire, mais également une façon de créer de nouvelles mémoires. L’identité n’est pas seulement l’affaire du passé, mais tout autant celui de l’avenir. Dans ce cadre, les itinéraires mémoriels de la Nouvelle-France sont aussi bien un tremplin pour faire revivre à ceux qui sont attachés à la Nouvelle-France, qu’ils soient Québécois,  Français ou migrants d’autres régions, une histoire et une expérience communes, mais aussi l’occasion de susciter d’autres projets communs. D’autres formes de rencontres, amicales touristiques, scientifiques, d’échange de savoir-faire, peuvent aussi accompagner ces déplacements sur des routes et itinéraires.

Moulin à vent de Grondines. Vue avant

Moulin à vent de Grondines. Vue avant
Crédit photo : © Ministère de la Culture et des Communications, Marie-Claude Côté, 2003

Même si le circuit mémoriel virtuel « Trois-Rivières – St-Augustin de Desmaures » a été dessiné en respectant les détails historiques tels qu’ils sont présentés dans l’inventaire, sa pratique, sa visite, son expérience sont aussi une façon de susciter un attachement mémoriel.  On y retrouve donc l’idée que le circuit, comme la mémoire elle-même, est un cadre plutôt qu’un contenu. (Maurice Halbwachs, 1950, La mémoire collective, PUF.). Le circuit est à la fois une façon de partager le savoir et l’identité, et il s’inscrit dans une forme – la route – qui relie géographiquement et symboliquement des lieux de patrimoine, des paysages, des personnages historiques ou mythiques.  Parce que la route existe indépendamment des porteurs de mémoire, elle contribue à la pérennité de cette transmission.

Ainsi, l’itinéraire mémoriel franco-québécois est l’illustration d’une identité particulière et d’un moyen de transmettre et de garder la mémoire collective vivante. Une mémoire qui s’ancre chez l’individu, le visiteur, et dans la communauté à laquelle il s’attache, soit ici celle franco-québécoise, mais il peut aussi être arpenté par des individus « étrangers » à cette mémoire, mais qui y trouveront une façon de connaître cette histoire. L’itinéraire est donc aussi façon d’universaliser sa mémoire.

Un colloque complémentaire à Aix-en-Provence les 26 et 27 octobre 2012
Pour preuve que les itinéraires mémoriels nous amènent toujours plus loin, un autre colloque était organisé à Aix-en-Provence, cet automne, par les collègues français, dont Janine Giraud-Héraud.  La thématique touchait plus largement le rôle des lieux de mémoire communs et le tourisme culturel, mais les conclusions sont proches : le voyage permet de toucher du doigt des lieux rêvés, il permet de comprendre avec sa tête, certes, mais aussi avec son corps et son cœur, la transmission de l’identité culturelle.

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