Les membres de la famille Papineau :
mémoire nationale et officielle,
mémoire savante et familiale
par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com
De g. à d. Jean-Yves Papineau, Micheline Lachance, Georges Aubin
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Le dimanche 21 février 2010, le Musée Pointe-à-Callière d’archéologie et d’histoire de Montréal a organisé une table ronde sur la vie et la carrière des membres de la famille Papineau. L’activité est réalisée en partenariat avec la Société généalogique canadienne-française. Trois conférenciers se succèdent pour faire revivre la mémoire de quatre générations de Papineau : Jean-Yves Papineau, Georges Aubin et Micheline Lachance, chacun à la fois riche de son parcours personnel et animé par la passion de mieux faire connaître une partie de l’aventure commune vécue par Québécois et Français. Jacques Desautels, de l’Association La descendance de Pierre Desautels de la Grande Recrue, joue le rôle d’animateur. L’occasion est bien choisie, Henri Bourassa, le fondateur du journal Le Devoir qui célèbre en 2010 son centième anniversaire, faisant partie de cette famille du côté maternel – sa mère étant Joséphine Papineau, petite fille de Louis-Joseph Papineau. Une soixantaine de personnes prêtent une oreille attentive aux trois exposés.
Les deux premières générations : Samuel Papineau dit Montigny et Joseph Papineau dit Montigny
Jean-Yves Papineau, un des descendants de la famille Papineau, est le premier à prendre la parole. Il fait état de ses recherches et de ses travaux en cours sur Samuel et Joseph Papineau dit Montigny, appartenant respectivement à la première et à la deuxième génération.
Samuel arrive en terre québécoise en 1688. Originaire du bourg de Montigny en Poitou, il fait partie des recrues des Compagnies franches de la Marine et sert comme soldat durant dix années, contribuant par là à jeter les bases de la grande paix signée par les tribus autochtones en 1701. À la suite de sa démobilisation en vertu de l’ordonnance royale de 1698, il se fait concéder en 1699 une terre sur l’île de Montréal dans la seigneurie des Sulpiciens. Il y mène une vie modeste, jusqu’à son décès en 1737, en compagnie de Catherine Quevillon avec qui il se marie en 1704.
De père en fils, les conditions d’existence s’améliorent. Le fils de Samuel, Joseph Papineau dit Montigny, né en 1719, parvient à acquérir fortune et aisance, fort probablement dans le commerce des fourrures. Il profite d’une situation matérielle enviable pour assurer à son fils, Joseph Papineau, né en 1752, le père de Louis-Joseph, une éducation de qualité, qui le rend apte à donner à la lignée des Papineau son impulsion et son caractère.
Le conférencier termine son exposé en invitant les personnes présentes à visiter le site Web Papineau-Histoire-Qc.ca qu’il est en train de monter
Le site renferme le texte de la présentation qu’il vient de faire et les résultats de ses travaux actuels sur les membres de la famille Papineau.
Les deux générations suivantes de Papineau : Joseph Papineau et Louis-Joseph Papineau (à noter l’absence de la seconde partie du nom de famille « dit de Montigny»)
Georges Aubin est le deuxième conférencier à prendre la parole pour nous entretenir de deux autres membres de la famille, Joseph né en 1752, et son fils, Louis-Joseph, né en 1786. Le conférencier ne peut être mieux préparé pour cet exposé, ayant à son crédit, partagé avec Renée Blanchet, la publication de plusieurs ouvrages renfermant les écrits de la famille Papineau. L’ensemble des publications du conférencier, un travail colossal, peuvent être retracées sur le site Web de Bibliothèque et Archives nationales du Québec dans le Catalogue Iris.
Comme il est mentionné ci-dessus, Joseph Papineau, représentant de la troisième génération, a la possibilité de poursuivre des études classiques au Séminaire de Québec qui le mènent à l’arpentage. En 1775, dans le nouveau contexte introduit par l’Acte de Québec de 1774 qui reconnaît le droit français, Joseph s’oriente vers le notariat. L’exercice de sa nouvelle profession le met en contact avec les censitaires et les seigneurs de la région de Montréal, plus particulièrement les Sulpiciens, seigneur de l’Île-de-Montréal, et le Séminaire de Québec, détenteur des seigneuries de l’Île-Jésus et de la Petite-Nation. Il ne tarde pas à se signaler par sa compétence et se retrouve bientôt régisseur de la seigneurie de l’Île-Jésus pour le compte du Séminaire de Québec. C’est par ce biais, en partie en compensation d’honoraires qui lui sont dus par ce dernier, qu’il peut acquérir en 1801 la seigneurie de la Petite-Nation. Joseph en entreprend le développement jusqu’en 1817, année où il la vend à son fils, Louis-Joseph.
Joseph est à l’affût des opportunités qui se présentent. L’avènement en 1791 d’un régime constitutionnel qui établit une Chambre d’assemblée dans le Bas-Canada, l’incite à se présenter comme député. D’ailleurs quelques années auparavant, il avait signé une pétition demandant une chambre d’assemblée. Joseph se fait élire comme député en 1792, en 1796, en 1800 et en 1809, année où son fils, Louis-Joseph, entre aussi en politique. Au cours de ses quatre mandats, Joseph se fait surtout remarquer par ses prises de position en faveur de l’usage de la langue française en Chambre. Après 1814, il quitte la vie politique pour se consacrer à ses affaires personnelles dont l’exercice du notariat.
Représentant de la quatrième génération, Louis-Joseph, l’un des fils de Joseph, formé à l’exercice de la profession d’avocat, entre en politique en 1809, alors que son père est dans son quatrième et dernier mandat. Il connaît une carrière plus longue que celle de son père et marquée de plus d’éclat. Élu orateur (président) de la Chambre en 1815, il s’engage dans une lutte de tous les instants pour l’obtention d’un système de gouvernement démocratique pour les Canadiens français qui constituent la majorité dans le Bas-Canada. Le combat politique qu’il poursuit avec opiniâtreté pour le contrôle du budget par les élus, l’électivité des ministres et l’établissement d’un gouvernement responsable mènent aux troubles de 1837-1838 sur le refus de Londres. Lors de l’affrontement des Patriotes avec les troupes britanniques à l’automne 1837, Louis-Joseph se réfugie aux États-Unis, puis s’exile en France de 1839 à 1845. L’amnistie lui ayant été accordée en 1844, il revient au pays, mais dès lors il se consacre surtout à la mise en valeur de la seigneurie de la Petite-Nation qu’il avait achetée de son père Joseph en 1817.
Le conférencier termine son exposé en traitant de la prétendue fuite de Louis-Joseph Papineau, chef du Parti patriote, aux États-Unis à l’automne 1837, et de la question de l’annexion, c’est-à-dire de sa vision du Bas-Canada comme membre d’une confédération continentale d’États. Il annonce aussi une nouvelle édition du Journal d’un Fils de la Liberté aux Éditions du Septentrion.
Deux femmes de la famille Papineau qui se sont démarquées
La troisième conférencière à prendre la parole est Micheline Lachance, journaliste, écrivaine et auteure de romans à succès – voir le Catalogue Iris sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Elle traite tout particulièrement de deux femmes de la famille Papineau qui se sont démarquées dans la cause des Patriotes, Julie Bruneau et Rosalie Papineau.
Julie Bruneau est la fille de Pierre Bruneau, marchand de Québec, membre de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada comme Louis-Joseph Papineau, celui qui devient son mari en 1818. De ce mariage naissent neuf enfants dont Amédée avec qui Louis-Joseph entretient une correspondance particulière. Femme de grande fierté et dotée d’une force de caractère, elle partage la cause des Patriotes et exerce sur Louis-Joseph une influence marquante, n’hésitant pas à le rejoindre lors de son exil aux États-Unis et en France.
Quant à Rosalie Papineau, elle est la sœur de Louis-Joseph. En 1816, elle épouse Jean Dessaulles, seigneur de Saint-Hyacinthe, député du comté de Richelieu et de Saint-Hyacinthe. Rosalie s’engage elle aussi dans la cause des Patriotes. La distribution de vivres aux personnes participant à la rébellion et l’accueil des réfugiés dans son manoir comptent parmi quelques-uns des gestes qu’elle a posés en leur faveur.
Par quoi commencer la lecture des écrits publiés de la famille Papineau?
Yvan Lamonde, professeur d’histoire et de littérature, chercheur, historien des idées, a effectué de nombreuses recherches dans les écrits de la famille Papineau. C’est lui qui a rédigé les introductions aux publications de la correspondance de Louis-Joseph, une œuvre magistrale réalisée par Georges Aubin et Renée Blanchet. Les personnes intéressées à ces sources publiées auraient avantage à débuter par la lecture de l’une des dernières publications d’Yvan Lamonde, Signé Papineau. La correspondance d’un exilé (voir la rubrique Suggestions de lecture dans le présent bulletin). L’ouvrage renferme, entre autres, les introductions aux travaux de Georges Aubin et de Renée Blanchet.