L’Histoire du Nord-du-Québec :
un pan de notre passé à mieux connaître
Par Gilles Durand
Histoire du Nord-du-Québec |
Une vue d’ensemble du Nord-du-Québec
À l’instar de 15 des 17 régions administratives en lesquelles le Québec est divisé pour l’administration gouvernementale, le Nord-du-Québec, territoire compris entre le 49e et le 63e parallèle et autrefois désigné sous le nom de Nouveau-Québec, dispose maintenant d’une synthèse, une somme de connaissances de plus de 550 pages. L’ouvrage, paru au cours du 4e trimestre 2012, se veut d’abord et avant tout une histoire complète des trois nations, Cris, Inuits et francophones, qui habitent de la région depuis la période préhistorique jusqu’à aujourd’hui; pour reprendre une expression de Louis-Edmond Hamelin ( p. 13), il a pour but de « faire le dit du Nord (le raconter, sous toutes ses formes, pour toute époque, en tous lieux, à tout niveau, à tous points de vue et à toutes langues). Il repose sur des sources de seconde main, c’est-à-dire les volumes et articles de revues présentant les résultats des recherches effectuées par des spécialistes de chacune des questions.
Le point sur les connaissances actuelles
Le premier chapitre ouvre l’étude en nous entretenant de la géographie de la région, la plus grande de toutes les régions du Québec, composée de deux sous-régions, la Jamésie comprise entre le 49e et le 55e parallèle et habitée par les Cris, et le Nunavik – ne pas confondre avec Nunavut, territoire canadien doté d’une assemblée législative et d’un gouvernement – du 55e parallèle jusqu’au détroit d’Hudson, sur lequel résident les Inuits. Les trois chapitres suivants (2, 3 et 4) sont consacrés aux ancêtres des autochtones qui y habitent, depuis les temps les plus reculés jusqu’au 16e siècle, les Inuits étant des descendants des Esquimaux originaires d’Asie, et les Cris, originaires du Sud, appartenant à la nation algonquienne.
Les chapitres 5 et 6 couvrent trois siècles et demi, du 17e siècle au milieu du 20e siècle, au moment où l’industrialisation prend naissance vers 1950. C’est plus de 300 ans d’histoire marquée par une économie de subsistance sur laquelle se greffent le commerce des fourrures, les activités missionnaires et une sédentarisation croissante des autochtones autour des comptoirs de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH). Nulle surprise que les marchands de la Compagnie et les missionnaires protestants exercent une grande influence sur les destinées du territoire, celui-ci étant cédé aux Britanniques par le traité d’Utrecht en 1713. Remis au Canada en 1870, il est finalement transféré au Québec en 1898, pour le territoire situé au sud de la rivière Eastman (l’actuelle Jamésie), et en 1912 pour le territoire situé au nord de cette rivière (l’actuel Nunavik). Au cours de ces années, la présence française est effacée, mais sans être complètement absente.
Les quatre derniers chapitres (7, 8, 9 et 10) ouvrent la marche avec les débuts de l’industrialisation des années 1950. C’est en grande partie l’âge d’or du Nord-du-Québec avec en filigrane les compromis que doit faire le gouvernement du Québec à l’endroit des trois nations qui occupent le territoire, c’est-à-dire les Cris, les Inuits et les Québécois provenant des régions limitrophes de l’Abitibi-Témiscamingue et du Saguenay-Lac-Saint-Jean. À l’endroit des Québécois qui pénètrent en Jamésie et s’installent comme travailleurs ou comme commerçants, Québec coordonne davantage les interventions des ministères, rapproche les centres de décision des administrés et leur donne voix au chapitre dans le choix et la mise en oeuvre des politiques de développement; le tout culmine avec la création, en 1987, d’une nouvelle région administrative gouvernementale, le Nord-du-Québec. Aux Cris et aux Inuits, le gouvernement québécois concède une large autonomie – sous le chapeau de l’autorité de l’Assemblée nationale du Québec et du Parlement fédéral – : des territoires bien à eux, des droits exclusifs de chasse et de piégeage, des institutions régionales de nature politique et administrative qui leur permettent de se faire entendre et de prendre en charge les services de logement, d’éducation et de santé destinés aux leurs. Il verse également des compensations financières qu’ils peuvent réinvestir dans le développement du territoire. Deux dates en particulier sont à retenir, 1975 et 2002 : elles correspondent respectivement à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et à la Paix des braves, deux ententes qui rendent possible la mise en valeur du potentiel hydroélectrique du bassin versant de la baie James.
Le fait français dans la région Nord-du-Québec
En 1713, par la signature du traité d’Utrecht, le Nord-du-Québec, faisant partie de la Nouvelle-France, est remis aux Britanniques. Jusqu’au 20e siècle, le territoire n’est pas peuplé et colonisé, ni par les Français, ni par les nouveaux occupants. Les Français sont les premiers à s’y rendre comme missionnaires et explorateurs (les pères Druillettes et Dablon, le père Charles Albanel, le père Crespieul), comme commerçants de pelleteries (Radisson et de Groseilliers au service des Anglais, les frères Jolliet) et comme militaires (Pierre de Troyes, d’Iberville). Les Anglais poursuivent les activités commerciales des premiers, mais ils s’y adonnent sur une base sédentaire, dans des comptoirs sur le pourtour des baies James et d’Hudson. Toutefois, au cours des années qui suivent le traité, les francophones ne sont pas complètement absents. Les échanges commerciaux se poursuivent avec des Amérindiens de l’intérieur à partir du nord du lac Saint-Jean. De 1902 à 1936, la compagnie française de traite, Revillon frères, concurrence les agents de la Compagnie de la baie d’Hudson. Missionnaires, explorateurs miniers, arpenteurs francophones parcourent aussi le Nord, sans compter d’autres contributions comme celle de l’ethnobotaniste Jean-Jacques Rousseau. Ces échanges, bien que restreints, assurent une place au français comme langue seconde, à côté du cri et de l’inuktitut comme langues principales, et de l’anglais. À l’heure actuelle, le français est en nette progression, compte tenu d’une présence plus grande des Québécois depuis le début des années 1950, de la contribution des communautés religieuses tels les Oblats et des interventions du gouvernement du Québec, qui fait sentir son poids sur les destinées de la région surtout à compter des années 1960. Lorsque vient le temps de dénommer le territoire, la Commission de toponymie du Québec trouve aussi inspiration dans la trace laissée par les premiers Français en Amérique du Nord, par exemple les localités de Radisson et de Joutel (du nom du compagnon de La Salle, Henri Joutel, dans l’exploration du Mississippi).