Par Jacques Mathieu et Alain Asselin
Le titre de cette présentation peut étonner. Mais non ! Les termes de nature géographique n’ont pas été inversés. C’est que l’on a été tellement habitué à lire le contraire, à savoir l’apport de la culture européenne à la civilisation amérindienne. De fait, l’on a surtout insisté sur les bienfaits de la connaissance de l’écrit et de la religion, en plus de l’accès aux objets de métal et aux produits fabriqués, comme les chaudières et les armes à feu. Nous sommes bien conscients que le titre ici retenu renverse ainsi les perspectives historiques traditionnelles.
Par ailleurs, nous sommes également conscients que ce titre est à la limite du politiquement correct. Il frise le déni de l’ancienneté de peuplement et d’occupation du territoire nord-américain par les Premières Nations. En ce domaine également, la perception d’un rapport d’antériorité entre les deux mondes plonge ses racines dans une histoire profondément ancrée dans les mémoires collectives. Cependant, elle omet le fait qu’au fil des siècles, les Premières Nations ont acquis une connaissance et une maîtrise exceptionnelle de la nature et de ses richesses, comme l’écrit l’ethnologue et jésuite Joseph-François Lafitau qui, au début du XVIIIe siècle, les dit tout naturellement savant et médecin.
Cette contribution de la Nouvelle-France, de nature principalement scientifique, est demeurée relativement méconnue. Elle s’inscrit tout de même dans le contexte du renouveau des sciences naturelles en Europe. Les chercheurs substituent alors progressivement le travail de terrain aux savoirs de l’Antiquité. On assiste dès lors à la naissance et à l’essor de la botanique, même si elle demeure encore largement axée sur des finalités médicinales. Il s’agit d’offrir les meilleurs remèdes possibles pour combattre les maladies. En parallèle, la recherche, que l’on pourrait dire fondamentale, prend la forme de constitution d’un répertoire mondial des plantes ; une préoccupation qui finit par retenir l’attention de chercheurs à la grandeur de l’Europe.
L’histoire de cet apport du Nouveau Monde est présentée par étapes chronologiques et repose sur les réalisations de personnages plus ou moins connus. Au départ, Louis Hébert, un simple apothicaire parisien, se résout en 1606, à l’âge de 31 ans, à gagner les terres neuves d’Amérique du Nord. Il y repère des plantes qu’il fait parvenir en France, où différents chercheurs signalent leur présence. Puis, le contexte de la création du Jardin Royal des plantes à Paris amène un docteur régent de la faculté de médecine de Paris, Jacques-Philippe Cornuti à publier en 1635 un Canadiensum Plantarum. Dès lors, au fil des ans et des publications, la connaissance de ces plantes se répand dans la communauté scientifique européenne.
Un personnage mal connu
Le personnage de Louis Hébert occupe une place notable dans l’histoire de la Nouvelle-France. On l’a qualifié de premier agriculteur, voire d’Abraham de la colonie puisqu’il a été le premier à s’installer avec sa famille à Québec en 1617. Ses réalisations relevant de sa formation comme apothicaire sont connues, mais elles n’ont pas eu la reconnaissance qu’elles méritaient.
Né en 1575 à Paris, fils d’apothicaire et apparenté à de grandes familles de la profession, il mène à terme ses études dans ce même domaine au tout début du XVIIe siècle. Jusqu’à l’âge de 30 ans il vit en plein cœur de Paris. Il prend épouse en 1602 et tente de se constituer une clientèle. En 1606, sans sa femme et ses enfants, il s’engage pour la Nouvelle-France. Entre 1606 et 1613, il effectue deux longs séjours en Acadie. Ses connaissances, ses sensibilités à la nature nouvelle et de bonnes relations avec les Amérindiens favorisent sans doute son intérêt pour les plantes de la colonie. Très tôt, des chercheurs européens signalent la présence et la provenance de ces plantes. Il s’agit surtout de plantes à fleur, ce qui correspond bien aux compétences d’un apothicaire.
Les premières mentions
Les plantes repérées par Louis Hébert en Acadie attirent l’attention. Marc Lescarbot, auteur d’une histoire de la Nouvelle-France, raconte que l’on avait semé de la graine de chanvre (sans doute une asclépiade) en plusieurs emplacements de Paris, mais que l’essai avait échoué. Ce n’était qu’un début, car l’asclépiade commune est devenue une espèce envahissante en Europe. Lescarbot fait également état de la guérison à Port-Royal, grâce à la gomme de sapin, d’un garçon dont la peau était rongée par la teigne. Ce baume du Canada produit avec de la gomme de sapin est encore en usage en France au XIXe siècle dans le soin des plaies.
Peu après 1614, Joachim Burser, un médecin résidant à Anneberg en Saxe, a dans son herbier une adiante du Canada, le capillaire canadien qui devint un objet de commerce entre la France et la Nouvelle-France pendant plusieurs décennies. Il signale une autre plante comme venant de la Nouvelle-France (Gallia Nova) et obtenue d’un apothicaire de Paris. Il s’agit du trille grandiflore d’Amérique du Nord, devenu l’emblème floral de la province d’Ontario. Le nom initialement retenu est Solanum Triphyllon Brasilianum. Il s’agit là d’une confusion géographique courante à l’époque. En effet, l’herbier de Burser contient 27 plantes nord-américaines selon l’analyse du botaniste Hans Oscar Juel en 1931. Plusieurs d’entre elles sont également présentées dans les traités de 1620 et 1623 du plus grand botaniste de l’époque, Caspar Bauhin de Bâle en Suisse.
Du bout du monde au …Bout-du-monde
Après son installation à Québec avec sa famille en 1617 et jusqu’à son décès en 1627, Louis Hébert expédie à Paris un bon nombre de plantes provenant des espaces fréquentés par les Français en Amérique du Nord. Un témoignage du fondateur de Québec, Samuel de Champlain, confirme que Hébert a visité les lieux explorés par les voyageurs et les missionnaires. De même, ses liens étroits avec les Amérindiens ont favorisé la connaissance de nouvelles plantes. On peut en déduire que des plantes du bout du monde ont ainsi été envoyées à Paris, rue du Bout-du-Monde, résidence des fameux jardiniers Robin père et fils.
Les relations de Louis Hébert à Paris ne sont pas parfaitement connues. Il est certain toutefois qu’il a correspondu avec les Robin, père et fils, car les auteurs signalent fréquemment la qualité des plantes de leur jardin. L’un et l’autre s’intéressent vivement aux plantes nouvelles. Ils avaient créé un jardin à la pointe de l’île dès la fin du XVIe siècle. Jean, le père, est devenu curateur du jardin de l’École de médecine dès 1597. Son fils, Vespasien, a profité de l’appui et de la recommandation de Marie de Médicis pour partir en 1603 à la découverte de plantes rares lors d’un voyage en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et en Italie.
En 1620, les Robin publient une « histoire des plantes nouvellement trouvées en l’isle Virgine et autres lieux ». L’ouvrage compte, entre autres espèces d’Amérique, un lis canadien et une fleur de la passion. Trois années plus tard, ils publient un manuel dont les pages liminaires comptent des poèmes qui célèbrent leur goût pour les belles fleurs et leur aptitude à les acclimater. Ces poèmes font également référence aux motivations du chercheur des pays éloignés, qui cherchait moins à s’enrichir qu’à augmenter le trésor des connaissances, en particulier au point de vue médical. Ce catalogue des Robin de 1623 recense au moins dix espèces canadiennes, mais seul un amélanchier porte une appellation canadienne. Les autres sont dites étrangères, américaines ou virginiennes.
La connaissance de ces plantes déborde alors le cercle étroit de la communauté savante. Pierre Vallet, le peintre du roi, produit des florilèges adressés au Roi très chrétien et destinés à la peinture, l’un en 1608 compte 75 planches et l’autre en 1623 est augmenté à 93 illustrations. Parmi les ajouts, l’on compte trois plantes de l’Amérique du Nord : le lis du Canada, la lobélie cardinale et la tradescantie de Virginie.
La lobélie cardinale de provenance canadienne est également mentionnée dans une publication de Giovanni Battista Ferrari, un botaniste protégé du cardinal Francesco Barberini, neveu du futur pape Urbain VIII en 1623. Ce cardinal légat à Avignon de 1623 à 1633 a d’ailleurs accompli une mission de recherche en France en 1625-1626. Esprit particulièrement ouvert à la science, il fut l’un des deux cardinaux à s’opposer à la condamnation de Galilée. Dans son ouvrage qui demeura une référence pendant un siècle, Ferrari estime que les Barberini possèdent le plus beau jardin de la région de Rome. Il s’y trouve notamment une vigne et des fraises canadiennes décrites comme étant d’une forme globuleuse et d’une grosseur inouïe. Le fameux collectionneur provençal Fabri de Peiresc a d’ailleurs également goûté en 1626 deux variétés de fraises venues du Canada qu’il a jugées aromatiques et excellentes.
Ces exemples illustrent bien l’intérêt croissant pour les plantes nouvelles d’Amérique.
Un jardin de plantes médicinales
C’est dans le contexte de la création du Jardin Royal des plantes à Paris que les plantes de Nouvelle-France profitèrent d’une reconnaissance exceptionnelle. L’idée de créer un tel jardin avait été avancée très tôt, fait l’objet d’une première décision en 1626, mais ne fut réalisée que quelques années plus tard. Vespasien Robin y transplanta alors la majorité des plantes reçues de Nouvelle-France.
La création du Jardin du Roi visait, malgré l’opposition virulente de la faculté de médecine figée dans les traditions antiques, à favoriser l’innovation scientifique. Les objectifs étaient centrés sur l’utilité publique, les finalités médicinales et la réalisation d’un inventaire mondial des plantes. L’on y favoriserait l’apprentissage des plantes domestiques et étrangères, sauvages et cultivées. L’on y trouverait des plantes de France, mais aussi des raretés de l’une et l’autre Inde.
Jacques-Philippe Cornuti, un docteur régent de la faculté de médecine de Paris qui souhaitait œuvrer au jardin du roi, concrétisa en partie ce projet par l’élaboration d’une première histoire des plantes du Canada publiée en latin à Paris en 1635. Dans cette publication qu’il voulut simplifiée, adaptée à tout lecteur, mais structurée en genres et en variétés, il décrivit et fit illustrer plus de 40 plantes d’Amérique du Nord inconnues jusque-là en Europe. L’ouvrage faisait également mention de plus de 750 plantes repérées lors d’herborisations dans les environs de Paris. Il ne décrivait qu’un arbre d’Amérique, le robinier faux-acacia, nommé ainsi d’après les Robin. L’exemplaire original de cet arbre vit encore dans le square René-Viviani à Paris.
La création du Jardin du Roi poursuivait des objectifs ambitieux : « Sa réputation [du jardin] s’étendra aussi loin que la course du soleil qui anime les plantes ». Cette grande institution nationale a indirectement donné aux travaux antérieurs de Louis Hébert diffusés par le livre de Cornuti une incroyable postérité.
Pourtant, ce sont des relations interpersonnelles qui ont vraisemblablement abouti à mieux faire connaître les plantes du Canada. Un des frères de Louis Hébert, Jacques Hébert, entré chez les Minimes en 1586, a sans doute joué un rôle. C’est à cette communauté religieuse que Cornuti offrait ses services médicaux de façon bénévole. Au surplus, dans sa publication, l’auteur du premier livre de plantes du Canada fait souvent référence à des plantes trouvées dans le jardin des Robin.
Dans ses descriptions, Cornuti marie tradition et innovation. Aux citations des travaux des savants de l’Antiquité, il ajoute le fruit de ses observations conduites sur le terrain en France. Issue d’une démarche d’apothicaire et centrée sur les fins médicinales, sa publication rejoignait en partie les orientations du Jardin Royal des plantes. Ses descriptions des plantes originaires du Canada couvraient les feuilles, les tiges, les racines, les fleurs et les fruits. Le médecin procédait à des expérimentations personnelles concernant les purgatifs, vomitifs et aromates. Il mâche, goûte, distille, assèche et pile, feuilles, racines et fleurs, dissèque, concocte et prend des potions. Il approfondit en quelque sorte le travail de Louis Hébert. Par contre, n’étant jamais venu en Amérique, il ne peut faire état des usages amérindiens. Tout au plus peut-il rapporter succinctement et en dernier lieu que le « snagroel » constitue un puissant antidote contre la morsure de serpents.
Parmi les plantes les plus connues que décrit Cornuti, citons :
- L’adiante du Canada,
- La monarde fistuleuse,
- L’eupatoire rugueuse,
- L’asaret du Canada,
- La smilacine étoilée et à grappes,
- La desmodie du Canada,
- La corydale toujours verte,
- L’ancolie du Canada,
- L’hélénie automnale,
- L’asclépiade commune et incarnate,
- L’herbe à puce de Rydberg,
- Et bien d’autres
Il faut noter toutefois que la variété des appellations à cette époque où les critères de dénomination ne sont pas encore précisés dans cette science embryonnaire ne permet pas toujours une identification d’une certitude absolue.
Cornuti n’obtint pas la nomination souhaitée au Jardin du Roi. Différentes raisons ont pu jouer, mais on ne peut écarter le fait que les plantes étrangères, souvent perçues comme concurrentes aux usages locaux, étaient souvent décriées. On estime alors que la Providence a veillé à créer des végétaux thérapeutiques à proximité des endroits où se développent les maladies. De plus la botanique naissante s’attache moins aux usages qu’à la structure et à la variété des genres et des espèces. Ces constats n’ont toutefois pas eu pour effet d’écarter des nouvelles pratiques scientifiques les résultats des travaux antérieurs et extérieurs.
À la grandeur de l’Europe
L’essor de la botanique en Europe au XVIIe siècle suscite un grand intérêt pour les plantes du Nouveau Monde. Le nombre d’explorations augmente. Les échanges entre botanistes se multiplient. Il s’ensuit que les plantes envoyées par Louis Hébert aux Robin, plantées dans le jardin de l’École de médecine en France au début du siècle, puis transplantées au Jardin du Roi, se retrouvent un peu partout en Europe par le biais des informations contenues dans l’ouvrage de Cornuti sur les plantes du Canada.
- Le jardin des plantes médicinales d’Amsterdam en 1646 compte différentes espèces en provenance d’Amérique. Trois espèces portent un nom canadien et quatre espèces ont un nom référant à la flore de Cornuti.
- Simon Paulli exerce la botanique médicale à Copenhague au Danemark et publie un catalogue de plantes en 1653. Deux plantes portent le nom de Canada dans leur appellation : le chrysanthème tubéreux ou topinambour et la vigne grimpante ou l’herbe à puce. L’auteur, qui signale aussi des plantes américaines, virginiennes et indiennes, dénonce plusieurs calamités introduites par ces plantes ou encore par leur altération à des fins commerciales.
- La liste des plantes du Jardin du Roi, œuvre de Denis Joncquet et Guy-Crescent Fagon, publiée en 1665, contient la majorité des mentions des espèces canadiennes décrites par Cornuti.
- Dans son Histoire naturelle des Indes occidentales rédigée avant 1689 et dans le Codex canadensis élaboré en France à la fin du XVIIe siècle, le jésuite Louis Nicolas présente plus de 200 plantes de Nouvelle-France et illustre 18 espèces. Il y inclut plusieurs observations ethnobotaniques inédites.
- Paolo Boccone, un botaniste itinérant reconnu, nomme une plante canadienne correspondant à la vergerette. Son herbier à la bibliothèque de l’Institut de France compte cette vergerette du Canada. Son livre sur les plantes rares publié en 1674 mentionne la présence de cette plante dans les jardins de Blois avant 1665 et qui se retrouve également au jardin de Bologne en Italie en 1675.
- Abraham Munting de l’université de Groningue en Hollande mentionne la présence de plantes canadiennes dans le jardin botanique de Groningue en 1672.
- En France, Denis Dodart supervise le grand projet d’Histoire des Plantes par l’Académie des Sciences, dont une première publication paraît en 1676. Elle contient une dizaine de plantes d’Amérique. Deux espèces sont dites d’Acadie : le lis de Philadelphie et le zizia doré. Deux plantes sont du Canada : un astragale et le laportéa du Canada. D’autres illustration subséquentes comprennent quatorze plantes dont le nom réfère au Canada ou à l’Acadie.
- L’anglais William Sherard publie à Amsterdam en 1689 Schola Botanica. Son ouvrage encyclopédique compte 51 espèces dont le nom latin ou français réfère au Canada et dont une majorité apparaît au catalogue du Jardin du Roi à Paris.
- L’italien Francesco Cupani met sur pied un jardin botanique près de Palerme en Italie. Dans un livre publié en 1696, il signale la présence de la vigne vierge à cinq folioles parmi diverses espèces canadiennes.
L’arrêt de cette nomenclature à la fin du XVIIe siècle tient au fait qu’un autre grand botaniste canadien, Michel Sarrazin, qui a justement reçu sa formation botanique au Jardin du Roi à Paris, y a envoyé sur une période de plus de vingt ans des centaines de spécimens. Nommé membre correspondant de l’Académie des Sciences de Paris, auteur d’articles dans les Journal des Scavants, il est devenu une référence nouvelle et plus significative.
Il n’en reste pas moins par la suite que les botanistes les plus renommés tiennent compte du premier livre de plantes du Canada. Joseph Pitton de Tournefort en France fait plus de dix fois référence à Cornuti et identifie 42 espèces du Canada dans son traité de botanique publié en 1694. Léonard Plukenet, responsable des jardins de la reine Marie Stuart II à Hampton Court en Angleterre réfère aux travaux de Cornuti dans ses publications de la fin du XVIIe siècle. Le plus grand botaniste de la période moderne, Carl Von Linné, nomme même en son nom une plante qu’il a décrite et qui pousse en sol canadien : le Thalictrum Cornuti. Dans son Histoire de la Nouvelle-France, le jésuite François-Xavier Charlevoix copie exactement plusieurs illustrations du livre de Cornuti.
À partir des terres neuves du nord de l’Amérique, une contribution aux sciences médicinales, pharmaceutiques et botanistes finit par gagner tous les pays européens. Elle inscrit l’œuvre d’un modeste apothicaire dans l’ordre de la mémoire du savoir et du développement durable, au service des générations futures.
Cette facette historique de l’apport du Nouveau Monde à l’Ancien Monde est fascinante. Elle n’en demeure pas moins incomplète. On peut croire que les réticences à reconnaître les vertus de plantes étrangères, qu’elles soient de sources culturelle, financière ou scientifique, ont contribué à ces silences de l’histoire. Il en a été de même évidemment pour les savoirs et les croyances d’autres nations d’un autre monde. Pourtant, au début du XVIIIe siècle, un missionnaire jésuite auprès des Amérindiens de Nouvelle-France, Joseph-François Lafitau, écrit :
«la nécessité a rendu les Sauvages Médecins et Herboristes ; ils recherchent les plantes avec curiosité, et les éprouvent toutes ; de sorte que sans le secours d’une physique bien raisonnée, ils ont trouvé par un long usage qui leur tient de science, bien des remèdes nécessaires à leurs maux. Outre les remèdes généraux chacun a les siens en particulier dont ils sont fort jaloux. En effet, rien n’est plus capable de les accréditer parmi eux que la qualité de bons Médecins. Il faut avouer qu’ils ont des secrets admirables pour des maladies dont notre Médecine ne guérit point.»
Cette reconnaissance des usages et de l’apport amérindien est en devenir. On peut tout de même en livrer un petit aperçu :
Une espèce d’Amérique, un symbole pour des missionnaires et des Amérindiens
- En 1635, Jacques Cornuti présente une première illustration de l’apios d’Amérique sous le nom Apios Americana, identique au nom scientifique actuel.
- Dès 1616, le missionnaire jésuite Pierre Biard avait écrit que les racines de cette espèce « croissent sous terre enfilées l’une à l’autre en forme de chapelet » en Acadie.
- Le père Joseph-Marie Chaumonot, un jésuite oeuvrant chez les Hurons, révèle qu’une famille iroquoise a adopté le nom de la pomme de terre. Il s’agit de l’apios pour lequel il fournit d’ailleurs une illustration des tubercules reliés comme un chapelet.
- En 1702, Abraham Munting publie une illustration fidèle de la plante qu’il certifie comme le gland de terre d’Amérique. Il met en évidence avec une élégance artistique la disposition des renflements des rhizomes.
Munting, Abraham. Phytographie curiosa… Amsterdam et Leyde, Figure 107. Bibliothèque numérique du Jardin botanique de Madrid.
Sources bibliographiques
Asselin, Alain, Jacques Cayouette et Jacques Mathieu. Découverte et usages des plantes du Canada ; des Vikings à la fin du Régime français. Tome I. Québec, Septentrion, 2014, sous presse.
Mathieu, Jacques, avec la collaboration d’André Daviault. Le premier livre de plantes du Canada. Les enfants des bois du Canada au jardin du roi à Paris en 1635. Québec, PUL, 1998.