Une famille, un village, un pays
Rodolphe Gagnon
Éditions GID, Québec, 2013
Françoise Deroy-Pineau
Sociologue et historienne
Arundel, 16 juillet 2013
Éditions GID, Québec, 2013 |
Ce livre mériterait bien le titre de « roman de l’été 2013 ». La verve de Rodolphe Gagnon, à partir d’exemples authentiques, égale celle des professionnels de la littérature. On le dévore comme un très bon roman québécois « de terroir 1 ». On aimerait voir les personnages sur un grand ou petit écran.
Pourtant « Cet ouvrage est une contribution significative à la littérature socio-historique du Québec français en terre d’Amérique » souligne la page 4 de couverture. En effet, manifestement, c’est un travail « scientifique ». Les faits sont validés. De nombreuses références en font foi. Le contexte économique évolutif du Québec du XXe siècle est présent.
L’auteur a transformé la chronique d’une famille des Bergeronnes (village de la Haute-Côte-Nord du Québec) au XXe siècle en saga québécoise plongeant dans les racines de la naissance de la population de Nouvelle-France 2. Avec les ancêtres éponymes, le lecteur remonte à Tourouvre en Perche au XVIIe siècle où est né Mathurin Gagnon; en Allemagne avec Jean-Charles-Ignace Leard dit Lessard, mercenaire arrivé dans la « Province of Québec » en 1778; puis redescend jusqu’à l’aujourd’hui de l’après-Révolution tranquille.
On s’identifie aux personnages. Les hommes partent « dans le bois » ou à la pêche (on est entre forêt et berges – d’où Bergeronnes – du golfe du Saint-Laurent) avec le père et les grands frères. Les femmes aimeraient posséder les savoirs industrieux d’Elie-Anne, la patience des grandes sœurs et la créativité des petites. Jean-Charles parvient à nourrir ses dix-sept enfants (oui, 17) avec le produit d’un travail inventif qui « surfe » habilement sur la vague du progrès, de bucheronnage en beurrerie, d’élevage de volailles en garage et vente de matériel agricole. De nombreux déboires jalonnent l’aventure, mais la réussite est au rendez-vous, surtout les excellents résultats des enfants à l’école. Ils s’en tireront tous !
Plusieurs traits sont spécialement à souligner : le parti-pris de l’auteur de ne critiquer personne : chaque personnage est pourvu de qualités. La présence des Amérindiens Innus, voisins, n’est pas du tout occultée, bien au contraire. Les curés successifs ont un rôle positif. La spiritualité traditionnelle québécoise est fort bien décrite ainsi que les nouvelles avenues spirituelles d’aujourd’hui où un christianisme dépouillé d’oripeaux moralisateurs rejoint en profondeur le « Grand Mystère » amérindien, la sagesse zen et la compassion bouddhiste. Fidèle à lui-même, Rodolphe Gagnon fait partager la quête de sens décrite dans ses précédents ouvrages 3.
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